Intervention de Véronique Massonneau

Réunion du 21 janvier 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau, rapporteure :

Mes chers collègues, je m'associe aux bons voeux de Mme la présidente.

« La mort n'effraie pas autant que le mal mourir » : cette réflexion, qui figure dans le rapport 2013 de l'Observatoire national de la fin de vie, prouve que le débat n'est pas clos. En effet, si l'élaboration progressive d'un cadre juridique sur cette question a permis de nettes améliorations, beaucoup reste à faire.

Si la loi dite « Leonetti » du 22 avril 2005 a représenté un progrès indéniable, elle a aussi montré ses limites. Plusieurs affaires douloureuses se sont retrouvées en une des journaux, la plus médiatisée et tristement connue étant celle de Vincent Lambert. Pourquoi n'y a-t-il que 2 % à 5 % des Français à avoir rédigé leurs directives anticipées ? Comment se fait-il que le médecin décide encore de la fin de vie du patient à la place de ce dernier ?

Les insuffisances de la loi de 2005 n'est plus à prouver. Les Français ne se sentent pas détenteurs de ce nouveau droit dont ils n'ont pas, à juste titre, saisi les contours. L'usage de la sédation est évoqué mais interprété de manière différente selon le médecin ou l'établissement : parfois, elle est entreprise jusqu'à la mort ; d'autres fois, elle est interrompue pour s'assurer que le patient souhaite poursuivre le processus. Ces pratiques doivent être mises à plat, dans l'intérêt premier du patient qui ne doit plus être victime de l'insécurité juridique des médecins. Les tribunaux ne doivent plus être les théâtres de drames familiaux. Un cadre juridique clair doit être défini et les choix de fin de vie des patients doivent enfin être respectés.

Nous devons donc aller plus loin. Le candidat François Hollande en était convaincu, mais il a tardé à donner une concrétisation à son engagement 21. En juin 2013, j'avais rapidement déposé une première proposition de loi visant à assurer aux patients en fin de vie le droit de mourir dans la dignité, souhaitant qu'elle puisse être un outil législatif au service de chacun. En vain. Alors, le groupe écologiste a décidé d'inscrire ce texte complété visant à assurer aux patients le respect de leur choix de fin de vie à l'ordre du jour d'une de ses niches parlementaires. Je me réjouis que la discussion de ce matin vienne enrichir d'autres moments de débats parlementaires, je pense notamment à celui que nous aurons cet après-midi en séance publique.

Notre assemblée s'empare enfin de ce sujet qu'elle avait délaissé depuis 2011, lorsque l'opposition de l'époque avait défendu, sans pouvoir la faire adopter, une proposition de loi similaire à la mienne. Devenue la majorité à laquelle j'appartiens, l'opposition d'alors a désormais les moyens d'adopter un texte qui changerait la vie de nos concitoyens, qui serait à la hauteur de leurs attentes.

Je propose, en premier lieu, d'introduire dans le code de la santé publique le droit pour toute personne malade de demander à bénéficier d'une euthanasie ou d'un suicide médicalement assisté. Cette demande est encadrée et obéit à une procédure qui donne le temps de la réflexion aux praticiens et aux malades. Seules les personnes majeures et capables, atteintes d'une affection grave et incurable – quelle qu'en soit la cause – et subissant des souffrances physiques et psychiques insupportables ne pouvant être apaisées, peuvent en faire la demande. Le médecin doit alors consulter un autre confrère dans un délai maximal de quarante-huit heures. Les médecins pourront invoquer la clause de conscience et l'équipe soignante sera consultée.

L'objectif est de mettre en place une procédure qui permette de vérifier la volonté et la situation médicale de la personne malade. Les médecins devront se livrer à plusieurs vérifications. En premier lieu, ils devront s'assurer de la capacité de la personne malade et de sa volonté de recourir à une euthanasie ou de bénéficier d'un suicide médicalement assisté. En deuxième lieu, ils devront constater la réalité de la situation médicale de la personne malade et l'impasse thérapeutique qui en résulte. La demande de la personne malade doit être libre, éclairée et explicite. Le patient doit réitérer sa demande, qui peut être révocable à tout moment, et il dispose d'un temps de réflexion de deux jours.

Lorsque la personne malade n'est pas en mesure d'exprimer sa volonté, le respect de son choix de fin de vie est particulièrement problématique. C'est pourquoi il est nécessaire que les deux mécanismes existant à ce jour – les directives anticipées et la désignation d'une personne de confiance – soient renforcés.

Je propose que le contenu, la durée de validité et l'opposabilité aux médecins des directives anticipées soient améliorés. Ainsi, les directives anticipées porteront non seulement sur les limitations ou arrêts de traitement, mais également sur les demandes d'euthanasie. Afin que la volonté du malade soit respectée, ces directives s'imposeront au médecin. En outre, je souhaite leur conférer une durée de validité illimitée, étant entendu qu'elles restent modifiables et révocables à tout moment.

Une procédure de contrôle est instituée. Tous les actes d'euthanasie ou de suicide médicalement assisté seront déclarés a posteriori par les médecins dans un délai de huit jours auprès d'une commission régionale de contrôle qui aura pour mission de vérifier si les exigences légales ont bien été respectées. En cas de non-respect de la loi ou en cas de doute, cette commission transmettra le dossier à un organe chargé de trancher en dernier recours – la Commission nationale de contrôle des pratiques en matière d'aide médicale à mourir –, qui sera rattaché aux ministres de la justice et de la santé. Elle pourra également transmettre le dossier à l'autorité judiciaire compétente.

Enfin, pour garantir l'égalité d'accès de tous les citoyens aux soins palliatifs par un meilleur maillage territorial, je propose que le nombre d'unités de soins palliatifs soit conditionné au nombre d'habitants par département.

En conclusion, cette proposition de loi permettra à la personne malade d'assurer le respect de son choix de fin de vie et d'affirmer son principe d'autonomie. Elle protègera aussi celui qui refuse une quelconque aide à mourir. Elle sera un moyen d'apaiser les proches qui sauront les dernières volontés de la personne respectées. L'existence de cette issue possible suffit parfois à rassurer les personnes en fin de vie.

Au-delà des convictions de chacun, que je respecte, l'argument le plus souvent opposé à une telle avancée est le manque criant de places en unités de soins palliatifs. Ce manque est réel et insupportable pour un grand pays comme le nôtre. Je le déplore mais je me refuse à opposer le développement des soins palliatifs à une légalisation de l'euthanasie. Tout d'abord, l'accès universel aux soins palliatifs ne fera pas disparaître toutes les demandes d'euthanasie, car certains ne veulent tout simplement pas de ces soins. Ensuite, si l'on considère la demande d'euthanasie comme un acte de désespoir faute de place en unités de soins palliatifs, alors il faut être cohérent et refuser toute forme de sédation terminale pour le même motif. Par ce texte, il s'agit surtout de refuser d'imposer une situation insupportable à une personne qui souhaite y mettre un terme. Il s'agit d'en finir avec les dogmatismes quels qu'ils soient.

Je vous propose, chers collègues, de comprendre les demandes de nos concitoyens, ce qu'ils vivent, ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne veulent pas, et d'accepter leurs choix même s'ils ne sont pas les nôtres. Le respect du choix des autres imprègne les valeurs de notre pays. Soyons à la hauteur des enjeux et des attentes : ne nous contentons pas d'un consensus mou qui ne satisfait personne ; ayons le courage d'accomplir une véritable avancée sociétale, de celles qui sont souvent acquises dans la contestation mais ne sont jamais remises en cause.

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