Intervention de Michel Piron

Réunion du 21 janvier 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Même si je ne suis pas membre titulaire de cette commission, je présente les voeux de bonne année de mon groupe, en préambule aux quelques questions que je souhaite soulever à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi.

J'approuve la totalité des propos de Jean Leonetti et, comme beaucoup de membres de mon groupe, je reste perplexe face à l'extrême complexité d'un sujet qui peut donner lieu à des positions très ambivalentes, et face à la très grande difficulté à poser les mots justes quand sont en jeu des choses aussi fondamentales.

Entre mal mourir et mal vivre sa fin, il y a une infime différence mais ce n'est pas du raffinement sémantique. La ligne est aussi mince que celle qui sépare l'euthanasie passive de l'euthanasie active, ou celle qui sépare l'euthanasie active du suicide assisté. L'euthanasie passive est la conséquence très indirecte mais non voulue de traitements qui, pour soulager la souffrance du patient, vont hâter sa fin. Ce n'est pas la même chose que de viser d'abord la fin de vie et de choisir les traitements en conséquence.

Pour avoir participé activement à la mission Leonetti qui a débouché sur la loi de 2005, et suivi une soixantaine des quatre-vingt-une auditions auxquelles elle avait procédé, je me souviens de témoignages bouleversants mais aussi de la méthode tout à fait exemplaire adoptée pour conduire la réflexion. Nous avions commencé par entendre des ethnologues, des historiens, des sociologues, des philosophes et toutes les grandes familles religieuses ou de pensée. Ce n'est qu'après avoir remis en perspective le rapport à la mort dans les différentes sociétés et au cours de l'histoire, que nous avons commencé à entendre les membres du corps médical jusqu'à l'infirmière, à l'aide qui tient la main du mourant. Ce n'est qu'ensuite encore que nous avons entendu les personnes qui fabriquent du droit, de la règle, et qui, au nom de la société, essaient de poser quelques jalons qui pèsent très lourd : ils consacrent un droit de la société sur la mort, cette chose unique qui n'est pas seulement abstraite. On parle rarement bien de la mort parce qu'il est très difficile d'envisager la sienne. Dans cette situation, la plume peut trembler avant qu'on écrive.

Madame la rapporteure, vous avez mentionné le faible nombre de directives anticipées. Comment pourrait-il en être autrement dans une société comme la nôtre où, au fil des années, la mort a été évacuée pour ne pas dire niée, pour des raisons en partie inconscientes ? L'un des ethnologues nous faisait remarquer qu'il n'y a plus de cortèges mortuaires dans les villes, pour des raisons de circulation. Ces cortèges passaient devant des enfants aussi bien que devant des adultes et la mort était présente dans la société. De nos jours, elle en est de plus en plus absente, comme externalisée, de plus en plus médicalisée hors du domicile. Dans ce contexte, il n'y a pas lieu de s'étonner de la faiblesse du nombre de directives anticipées.

Vous n'avez abordé la question des soins palliatifs qu'à la fin de votre intervention. Comme Jean Leonetti, je pense qu'ils devraient être réintégrés dans l'ensemble de la démarche d'accompagnement de ceux qui vont mourir. Si la mort transforme la vie en destin, comme le disait André Malraux, c'est parce que chaque vie qui disparaît est unique. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas pour votre texte, tout en pensant que vos propositions peuvent contribuer à enrichir la réflexion et les débats de cet après-midi.

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