J'ai presqu'envie, étant médecin, de m'excuser d'intervenir dans ce débat que doivent s'approprier, selon moi, non pas les experts ou les professionnels, mais avant tout les citoyens. Il doit traverser la société et interroger le plus grand nombre d'entre nous.
Dès lors qu'on parle de maladie chronique, de souffrance, de fin de vie, il convient de se montrer pondéré. Ces sujets sociétaux sont de ceux qui dépassent largement les clivages politiques traditionnels et doivent nous amener à nous rejoindre. À cet égard, la démarche initiée par le Président de la République et conclue par Alain Claeys et Jean Leonetti m'a semblée tout à fait adaptée à la situation et aux enjeux, la recherche d'un consensus me paraissant la meilleure des solutions possibles.
En pratique, nos soignants manquent aujourd'hui de plusieurs outils dans nos hôpitaux, à commencer par la présence d'équipes de soins palliatifs, en particulier d'équipes mobiles. Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'autonomie, j'ai d'ailleurs défendu des amendements visant à rendre systématique l'accessibilité aux soins palliatifs en établissement d'hébergement pour personne âgée dépendante – EHPAD –, où les personnes âgées en souffrance physique ou psychique ne sont pas entendues parce qu'éloignées des centres de soin.
Les soignants pâtissent aussi du recours insuffisant aux directives anticipées, indispensables pour leur permettre d'entendre et de respecter la volonté exprimée par les patients eux-mêmes. Car alors que 95 % des Français se disent prêts à donner leurs organes si la situation l'indiquait, 34 % des familles refusent d'en prendre la décision. Nous perdons ainsi 1 500 greffons par an parce que la famille se sent en porte-à-faux lorsqu'elle doit trancher pour le patient.
Enfin, ils manquent de moyens nouveaux qui leur permettraient, ainsi que l'a proposé le Président de la République au cours de sa campagne, sans parler d'euthanasie, de « soulager les personnes majeures en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable qui provoquerait une souffrance physique ou psychique insupportable et qui ne pourrait être apaisée ». Cette solution est prévue par la proposition de loi que nous serons amenés à examiner : elle porte le nom de sédation profonde et continue jusqu'au décès.
Interrogeant ma propre pratique clinique, j'ai réfléchi aux situations dans lesquelles j'ai reçu des demandes d'euthanasie de la part de familles de malades. En toute objectivité, la sédation terminale et les directives anticipées me semblent répondre à la totalité des situations auxquelles j'ai été confronté – même si je n'exclus pas de me trouver un jour dans des circonstances posant d'autres problèmes.