S'agissant, Michel Liebgott, de l'affaire du détenu condamné pour viol, la Belgique a pris une décision qui me semble juste et qui ne met pas en cause sa loi sur l'euthanasie : il sera changé d'établissement afin d'être soigné. Les autorités n'ont pas répondu à sa demande d'euthanasie, de sorte que cette affaire n'a rien à voir avec le cadre législatif en vigueur.
Nous sommes tous d'accord quant à la nécessité de développer les soins palliatifs en France, sachant que 80 % des patients qui pourraient y prétendre ne peuvent y accéder. Ayant rencontré de nombreux médecins et personnels soignants travaillant dans ce secteur, j'ai pu constater que d'excellentes initiatives avaient été prises. Je songe notamment à ces services de soins palliatifs ambulatoires qui se rendent dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – et des hôpitaux de proximité. Á l'évidence, il apparaît difficile, à court terme, de doter chaque hôpital d'une unité de soins palliatifs : cela nécessite des moyens et une volonté politique. Mais il est tout aussi évident que former tous les soignants aux soins palliatifs permettrait de mieux répondre aux besoins des personnes souffrantes et de celles qui désirent mourir.
Que l'on parle de « personnes vulnérables » me heurte quelque peu. Ce n'est pas parce que des personnes sont souffrantes et en fin de vie qu'elles sont vulnérables. Cessons de les infantiliser. Certaines d'entre elles restent conscientes jusqu'à la toute fin et savent très bien ce qu'elles veulent. Je rappelle d'ailleurs que les directives anticipées servent lorsque le patient est incapable de défendre son point de vue. Si elles ont leur importance, elles ne permettront pas de résoudre tous les problèmes.
Monsieur Michel Piron, je sais que les points de vue sont partagés au sein du groupe UDI. J'ai, en effet, eu le plaisir d'accueillir l'ancienne sénatrice Muguette Dini, qui avait, elle aussi, signé une proposition de loi co-signée par plusieurs partis, relative à l'aide active à mourir. Je comprends que l'on puisse être perplexe devant la complexité qui entoure le mal-mourir en France, mais il faut arrêter de distinguer l'euthanasie passive de l'euthanasie active : cette distinction n'existe pas ! L'euthanasie est, selon moi, toujours active. Il est regrettable que vous n'ayez assisté qu'aux auditions organisées par Alain Claeys et Jean Leonetti. La distinction à laquelle vous vous efforcez brouille les cartes : aucune voie n'est plus acceptable que l'autre. Aider, c'est toujours un geste actif ; seule la méthode diffère, et les médecins sont très conscients de ce qu'il se passe lorsqu'ils accomplissent un tel geste, y compris lors de la sédation. Pour avoir reçu des philosophes, des sociologues, des juristes, des médecins, des chefs de service de soins palliatifs, du personnel soignant et des patients – trente-quatre personnes au total –, je puis vous assurer que j'ai essayé de faire le tour de la question.
S'agissant du peu d'engouement pour les directives anticipées, il ne me semble pas qu'il signifie un déni de la mort. Si l'on n'y a pas eu recours jusqu'ici, c'est parce qu'elles n'ont pour l'instant qu'une portée consultative. Dès lors qu'elles deviendront contraignantes, elles auront davantage de succès, si je puis dire.
Si ce n'est qu'à la toute fin de ma présentation que j'ai évoqué les soins palliatifs, je les ai néanmoins fait figurer au premier article de ma proposition de loi, estimant qu'il est essentiel de les développer.
Je remercie Philip Cordery de partager mon point de vue. Comme lui, je connais la législation belge et ce que d'aucuns appellent ses dérives, quand ce ne sont pour moi que des évolutions. Pour avoir un autre éclairage, j'ai invité un juriste luxembourgeois à participer à mon colloque. C'est d'ailleurs grâce à cette approche de droit comparé que nous sommes parvenus à rédiger cette proposition de loi.
Jean-Patrick Gille a souligné avec raison que la première loi dite Leonetti a renforcé le pouvoir du médecin. Le nouveau texte qui nous sera soumis est d'un autre ordre.
Madame Annie Le Houerou, veillons, s'il vous plaît, à ne pas faire d'amalgame : le suicide, ce n'est pas du tout la même chose que le suicide médicalement assisté. Sachant que la France détient le taux le plus élevé de suicides des personnes âgées, un sur quatre étant lié à une pathologie, à un moment, il faut agir. Alors qu'une personne qui se suicide est généralement dans la solitude et le désespoir, le suicide assisté peut intervenir en présence de la famille. Le patient choisit d'y recourir parce qu'il n'y a pas d'issue médicale pour sa maladie.
J'ai été heurtée d'entendre Fernand Siré dire qu'un médecin ne tuait pas. L'euthanasie n'a rien à voir avec l'acte de tuer qui a pour synonymes les verbes « abattre », « assassiner », « occire », « exécuter ». Pour citer le dictionnaire, « ce verbe exprime la volonté d'ôter la vie à l'autre avec violence et sans son consentement, dans des circonstances où il n'y a pas d'entente tacite et complice entre celui qui tue et celui qui est tué ». Quoi de commun entre le verbe « tuer » et la démarche altruiste d'aide active à mourir qui répond à une demande ? N'oublions pas que ce terme avait malheureusement déjà été utilisé lors des débats législatifs sur l'interruption volontaire de grossesse. Attention, par conséquent, au vocabulaire que l'on emploie.