Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du 26 janvier 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale :

C’est d’abord un texte qui contribuera à restaurer la confiance dans l’avenir, car la confiance ne se décrète pas ; elle se construit, pas à pas, elle s’inspire, elle se démontre. C’est un texte qui propose d’innombrables mesures concrètes et pragmatiques. Il prévoit des centaines de mesures micro-économiques, car tout notre travail est d’agir partout où nous le pouvons, simultanément. Semblable au travail de l’acupuncteur, la démarche proposée consiste à débloquer ici un système, là un verrou administratif, ailleurs à ouvrir l’initiative fermée, à élargir le champ des possibles, dans un dosage équilibré qui crée autant de droits nouveaux pour tous, salariés, entrepreneurs ou professions indépendantes. Mobiliser une saine concurrence régulée pour faciliter l’accès à des droits et à des services irrite le libéral, hostile à la régulation, bouscule le conservateur, fidèle à des ordres établis intouchables et fait douter le dirigiste pour qui la concurrence est le mal et la régulation un cautère sur une jambe de bois.

L’intelligence novatrice de ce texte est de pouvoir recevoir toutes ces critiques, sans en mériter complètement aucune, parce que, précisément, il répond à des questions d’aujourd’hui par des moyens issus de toutes les écoles de pensées, dans une construction cohérente, sans a priori idéologique, ce qui constituerait en soi pour certains son péché originel – son crime de lèse-pensée –, alors que c’est justement sa marque de fabrique. Oui, il est possible d’abolir des privilèges et de créer des libertés économiques nouvelles ; oui, il est souhaitable d’imaginer de nouvelles voies de croissance pour un développement durable ; oui, il est nécessaire de donner une nouvelle jeunesse à notre pays !

Avant que mes collègues rapporteurs n’évoquent les différentes parties du texte, je voudrais insister sur les trois objectifs transversaux de ce projet de loi. L’objectif premier est bien sûr de lever les freins à l’activité en France, notamment pour les jeunes, et cela passe par des mesures très concrètes. Je pense au développement de lignes d’autocars, qui offrira un complément de services de transports collectifs au train et, surtout, qui facilitera et créera de la mobilité. Je pense à l’externalisation des épreuves théoriques du permis de conduire, qui permettra de réduire les délais d’attente et le coût du permis, dont chacun sait l’importance. Je pense à l’instauration de la liberté d’installation régulée pour certaines professions réglementées du droit – mesure emblématique : permettre à celui qui le mérite de s’installer, c’est préférer l’égalité des chances à la cooptation aujourd’hui en vigueur.

Je pense encore à la nouveauté que constituera la création de structures d’exercice commun entre plusieurs professions du droit et du chiffre, service attendu par nos entreprises, qui induira de nouvelles collaborations et inspirera de nouvelles pratiques professionnelles. Je pense à la dynamisation des participations publiques pour garantir l’utilisation efficiente de l’argent public : permettre à nos pépites, comme le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, de se développer, permettre l’émergence d’un leader européen de l’armement terrestre, voilà deux sujets majeurs.

Je pense enfin à la rénovation et à l’adaptation des règles qui encadrent l’ouverture dominicale des commerces. Tout en réaffirmant que le travail du dimanche doit rester une exception, nous créerons de la valeur là où elle existe, c’est-à-dire, en particulier, dans les futures zones touristiques internationales. D’autres territoires pourront être concernés grâce à l’extension possible et facultative de l’ouverture à douze dimanches, mais toujours au prix de contreparties.

C’est ce qui nous mène au deuxième champ d’action transversal de ce projet de loi : donner plus de droits aux salariés et mieux réguler l’activité économique. Je viens de l’évoquer, oeuvrer en faveur de la justice et du dialogue social, c’est faire en sorte que, d’ici moins de trois ans – nous proposerons deux ans, monsieur le ministre –, l’ensemble des salariés travaillant le dimanche dans un commerce de détail le feront volontairement et seront couverts par un accord collectif, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Je veux souligner cette avancée considérable : seules les entreprises couvertes par un accord collectif – j’insiste sur le terme accord – pourront ouvrir le dimanche, cet accord devant fixer les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés de repos dominical, mais aussi en matière de créations d’emplois.

J’entends certains, y compris parmi nos amis, dire qu’il s’agit d’un moindre mal et qu’on ne fait qu’accompagner une dérive. À ceux-là je veux dire que c’est faux. En effet, les progrès ne se cantonnent pas aux ouvertures nouvelles, puisque nous avons voté en commission que le volontariat et les contreparties s’appliqueront désormais également là où ils ne sont pas obligatoires aujourd’hui.

Au rang des nouveaux droits pour les salariés, la rénovation de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié est, j’en suis sûr, un objectif partagé par tous. Parce que ces outils sont le gage de l’implication des salariés dans le développement de leur entreprise, parce qu’ils permettent de dépasser cette idée un tantinet désuète selon laquelle l’entreprise est un lieu de conflits plutôt qu’une possibilité de bien commun construit par le travail.

Quant à la régulation de l’économie, le renforcement des pouvoirs des autorités administratives indépendantes, parmi lesquelles l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – l’ARAFER – ou l’Autorité de la concurrence, l’alourdissement des sanctions du recours abusif aux travailleurs détachés, l’injonction structurelle ou encore la cession forcée d’actifs, sont autant d’exemples qui prouvent une fois de plus le volontarisme mis en oeuvre par notre majorité, en s’inscrivant dans la continuité de la loi Florange.

Lorsque l’on considère, comme la gauche l’a toujours fait, que la régulation par la norme est indispensable à la conciliation entre la performance économique et la garantie des droits individuels et collectifs, alors il est également de notre devoir de pouvoir la rendre réellement efficace. Parce que le régulateur, en raison de sa noble ambition, ne peut faillir, il doit constamment être à la hauteur s’il veut que le modèle dont il est fier perdure. C’est là tout l’enjeu de l’évolution, de l’adaptation et de la modernisation des normes, qui font l’objet d’une partie de ce texte.

Enfin, troisième et dernier objectif transversal de ce projet de loi : simplifier et moderniser les législations et réglementations en vigueur. Il vise à faciliter l’activité de l’ensemble des acteurs économiques, sans jamais remettre en question le niveau de protection juridique et environnementale. Je tiens à cet égard à souligner l’effort considérable fourni depuis 2012 en matière de simplification, effort qualifié de « révolution silencieuse » par le Premier ministre.

Mes chers collègues, vous le voyez, ce projet de loi est un texte authentiquement progressiste et adapté à notre temps, à notre besoin et à notre volonté de développer l’économie, mais aussi de promouvoir toujours simultanément le progrès social dans le respect des exigences de protection de l’environnement. La gauche a toujours été la muse du mouvement et du progrès, à nous de ne pas la condamner à en devenir le musée.

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