Intervention de Clotilde Valter

Séance en hémicycle du 26 janvier 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClotilde Valter, rapporteure thématique de la commission spéciale :

Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, chers collègues, avec la partie du texte qui m’a été confiée, laquelle traite des participations de l’État, le Gouvernement souhaite inscrire dans la loi la nouvelle doctrine de l’État actionnaire et proposer au Parlement de se prononcer sur plusieurs opérations en capital.

En commission, nous avons voulu, monsieur le ministre, marquer clairement qu’un État actionnaire adapte certes les outils dont il dispose, mais qu’il doit s’appuyer plus que jamais sur les fondamentaux, à savoir les intérêts essentiels de la nation qu’il s’agit de préserver. Adapter la doctrine de l’État actionnaire était indispensable. L’État a engagé une réflexion pour se doter d’une nouvelle doctrine mieux adaptée à la période. Dans un contexte de redressement des finances publiques, mais également de redressement productif, et soucieux de la nécessité de conforter notre industrie dans la compétition mondiale, nous avons besoin d’intervenir pour défendre nos fleurons industriels. La question centrale est celle-ci : « Comment et avec quel argent ? »

Avec une nouvelle doctrine d’emploi, le décret du 14 mars 2014 et l’ordonnance du 20 août 2014 que nous ratifions et modifions aujourd’hui procèdent à cette remise en cohérence dans la loi. Globalement, l’ordonnance modifie peu le droit en vigueur. Elle comporte néanmoins quelques dispositions nouvelles qui clarifient la représentation de l’État dans les conseils d’administration et renforcent les règles relatives aux opérations de cession dès lors qu’il s’agit de franchir des seuils de contrôle. Cela est très important dans l’état d’esprit qui est le nôtre.

Votre commission spéciale a souhaité compléter et préciser le dispositif proposé par le Gouvernement, lequel n’est pas allé, monsieur le ministre, au bout de la démarche. Les auditions ont permis d’analyser l’opération de privatisation de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse, dont on a beaucoup parlé. Ce cas est emblématique de ce qu’il ne faut plus faire, me semble-t-il. Il a montré les limites et les insuffisances, sinon de la doctrine, au moins des pratiques en vigueur. Le projet de loi nous propose d’autres opérations en capital. Votre rapporteure a proposé à la commission spéciale de tirer les leçons de l’opération de Toulouse. Plusieurs amendements ont été votés qui constituent pour nous autant de marqueurs pour l’avenir.

Nous souhaitons renforcer le rôle du Parlement dans le processus de privatisation, avec la baisse des seuils qui élargit le champ d’intervention du Parlement. De même, les infrastructures autoroutières et aéroportuaires, jusqu’ici soumises à ces seuils, feront désormais toutes l’objet d’une autorisation parlementaire. Avec ces dispositions, une opération comme celle de Toulouse relèvera désormais du Parlement.

Nous souhaitons également encadrer le processus de privatisation pour prendre en compte les intérêts essentiels de la nation. Le cas de l’aéroport de Toulouse a montré que le seul critère en vertu duquel la commission des participations et des transferts a dû apprécier les dossiers des candidats au rachat des participations de l’État était le prix. Dans les faits, cela équivaut purement et simplement à une espèce de mise aux enchères. S’agissant de participations publiques, cela n’est pas acceptable. Il faut changer et le droit et les pratiques. C’est pourquoi votre rapporteure a proposé à la commission spéciale de renforcer le contrôle de la commission des participations et des transferts, mais aussi d’introduire d’autres critères de choix, afin de prendre en compte les intérêts essentiels de la nation. Nous avons apporté ces modifications à l’article 49 qui concerne le transfert du capital des aéroports de Nice et de Lyon. Monsieur le ministre, ce chantier est appelé à se prolonger au-delà du vote de la loi.

Le travail effectué par les parlementaires reste insuffisant, car trop ponctuel. Il devra être poursuivi de telle sorte que l’analyse des prérogatives de la puissance publique soit systématiquement menée et que la question de la préservation des intérêts essentiels de la nation devienne centrale pour chaque opération en capital.

Une gestion dynamique du portefeuille des participations publiques ne veut dire ni vente aux enchères ni que l’on vend les bijoux de famille pour payer les dettes : l’objectif est la meilleure utilisation possible de ces actifs au regard des intérêts de la nation. Les opérations de transfert doivent être guidées par le souci de libérer des moyens, c’est-à-dire de l’argent qui dort sans donner à l’État de prérogatives particulières, pour investir, soit là où un intérêt essentiel de la nation est en cause, soit pour permettre à l’État d’accompagner, temporairement ou dans la durée, des entreprises appelées à se développer à l’international, comme dans le cas de PSA, ou à se protéger contre les prédateurs pour éviter de nouvelles OPA telles que celles que nous avons connues avec Arcelor ou Pechiney, OPA qui ont détruit certains de nos fleurons industriels.

Enfin, monsieur le ministre, il reste à adapter au cas par cas les outils dont l’État dispose car il n’est pas sûr que la propriété majoritaire du capital soit toujours le meilleur outil. Mais il est indispensable que les intérêts essentiels de la nation soient préservés de manière efficace, c’est-à-dire en donnant des prérogatives à l’État. Plus que de rechercher des références dans la sphère privée, n’oublions donc pas que les grands pays libéraux disposent d’un arsenal bien plus protecteur et précis que le nôtre pour défendre leur économie.

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