Intervention de François Brottes

Séance en hémicycle du 26 janvier 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président de la commission spéciale :

Ils mettent en cause dans le commerce des emplois pour tous, et pas toujours les plus qualifiés parce que la proximité d’un conseil, celle d’un regard, d’un sourire ou d’une poignée de main n’a rien à voir – et je suis sûr que vous vous sentez, vous aussi, parfois concernés – avec la proximité compulsive d’un clic sur un clavier d’ordinateur. Ils les mettent en cause également dans le transport parce que moins les trains se remplissent plus les tarifs augmentent.

Loin de moi l’idée ringarde et dépassée de remettre en cause l’économie des tribus et la modernité d’un monde virtuel qui fait dépenser de l’argent réel sans forcément s’en rendre compte – sauf lorsque votre banquier vous invite à stopper vos colloques frénétiques et permanents avec votre écran d’ordinateur… Loin de moi l’idée de priver de covoiturage la communauté des rencontres improbables au pays des voyages qui forment la jeunesse et dont le coût d’accès est enfin compatible avec l’indemnité d’un stagiaire. Ces modèles sont pertinents, voire malins, ils génèrent de nouveaux flux… sauf pour la collectivité. Mais il est vrai qu’ils peuvent contribuer à apporter de vraies réponses pour se débrouiller dans une vie de galère.

En 2009, j’étais de ceux qui pourfendaient la loi Mallié, qui visait à dédouaner de leur situation irrégulière des zones de non-droit commercial. Je considère aujourd’hui encore qu’une société qui impose – j’insiste sur le mot – un modèle sans dimanche, sans journée universelle de repos, pour faire autre chose ensemble que bosser, est une société de régression sociétale.

Dès lors, de quoi parlons-nous exactement aujourd’hui ?

Tout d’abord, il faut préciser à nouveau qu’il ne s’agit pas du travail du dimanche en général mais seulement de l’ouverture des magasins de détail le dimanche, question qui ne se pose d’ailleurs avec pertinence que si le dimanche reste bien un jour de repos et d’oisiveté pour l’immense majorité de ceux qui ont un travail en semaine. Le rapporteur général l’a dit tout à l’heure : il faut, d’une part, arrêter l’hypocrisie, et, d’autre part, organiser la riposte pour sauver l’emploi dans le commerce de contact et l’existence même des magasins. Ne soyons pas les artisans d’une ville demain sans magasin. Imaginez une ville avec des boxes de livraison en pied d’immeuble, et des drives sans fenêtre qu’on confond parfois avec des stations-service déshumanisées en périphérie – cela commence d’ailleurs…

La riposte, c’est laisser aux magasins la possibilité de ne pas subir les nouveaux modes de consommation. Depuis 2009, le commerce en ligne a augmenté de 155 %, il atteint aujourd’hui les 56 milliards d’euros, et ce n’est pas fini. Le jour viendra peut-être ou l’on paiera pour entrer dans les derniers magasins, devenus simples halls d’exposition, pour des achats en ligne livrés instantanément par drones – chers à notre président de séance. Imaginez ce que Marius aurait pu raconter comme histoire si la boulangère avait été un drone… La riposte, c’est aussi ne pas se priver d’un chiffre d’affaires créateur d’emplois liés à l’afflux de touristes internationaux dans certaines zones ciblées du territoire.

Mais la riposte ne peut fonctionner que si tout le monde est d’accord, et le texte issu de la commission spéciale, comme l’a dit notre rapporteur général, marque clairement le pas pour aller dans ce sens : il faut des territoires qui pratiquent la concertation et qui décident en fonction de leur réalité propre et pas de celle du voisin, des salariés volontaires pour une durée donnée, qui travailleront dans un cadre décidé par un accord de branche pour leur garantir les compensations qui s’imposent : pas d’accord, pas d’ouverture le dimanche. La riposte pour sauvegarder les commerces de détail, ce n’est donc ni l’anarchie du non-droit, ni la contrainte de l’argument d’autorité. Ce texte donne l’initiative, partagée et liée, aux territoires, aux commerçants et à leurs salariés.

Sur le transport par autocar, je me suis livré à des calculs simples et j’ai compris que soixante personnes dans un bus, rapporté à chaque voyageur, polluaient moins que quatre personnes dans une voiture. Sur le plan des rencontres improbables déjà évoquées et au vu du prix pour l’usager, je ne suis pas certain que la communauté BlaBlaCar trouve à redire à cette nouvelle offre de transport par bus. Je note au passage qu’à l’inverse, cela va créer des dizaines de milliers d’emplois et que les sociétés de transport seront contributrices en impôts et en taxes pour que la solidarité nationale bénéficie aussi de cette nouvelle activité.

Pour clore mes cinq minutes d’intervention et alors que comme président de la commission spéciale, j’ai parfaitement suivi les dispositions contenues dans les 208 articles du texte issu de la commission, je pourrais dire un mot sur le permis de conduire, sans bla-bla particulier et sans vouloir en rajouter par rapport à ce qu’a dit le rapporteur Savary, car s’il est vrai qu’un chapelet de mesures destinées à changer et faciliter la vie quotidienne ne fait pas une idéologie, cela peut tout de même aider à rendre l’action politique efficace, il ne faut donc pas s’en priver.

Ainsi, les jeunes veulent avoir tous les atouts pour entrer dans la vie d’adulte actif. On leur explique qu’il y a parfois loin de chez eux des centaines de milliers d’emplois non pourvus – n’est-ce pas, monsieur le ministre du travail ? Ils aspirent à devenir autonomes en passant leur permis de conduire, mais voilà : c’est trop cher et vraiment trop long.

Le ministre de l’intérieur a parfaitement conscience de tout cela comme du reste, et nous voulons l’aider par ce texte à réduire les coûts et à baisser les prix, y compris à partir du lycée et des autres lieux de rendez-vous de la jeunesse ; nous voulons l’aider à diminuer drastiquement le stock de ceux qui attendent leur tour depuis trop longtemps ; nous voulons qu’enfin le droit au permis de conduire devienne réellement sur tout le territoire un véritable service universel, accessible à tous dans des délais raisonnables et à un prix abordable.

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