Intervention de Jean-Louis Roumegas

Séance en hémicycle du 26 janvier 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le texte qui est aujourd’hui soumis à notre débat prétend moderniser l’économie française pour renouer avec une croissance durable et soutenir l’activité. Signalons d’emblée une divergence quant au vocabulaire : une relance durable repose sur l’équilibre vertueux de trois piliers – social, économique et environnemental. Le Gouvernement semble marcher à rebours, à la poursuite d’une croissance illusoire.

Un mot sur la forme : peut-on qualifier de « démocratique » la méthode qui consiste à recourir massivement aux ordonnances et à débouler – tel un éléphant dans une boutique de porcelaine – dans le code du travail, dans le code du commerce, dans le code de l’urbanisme, dans celui de l’environnement ou encore celui des transports en quelques heures, dans un seul texte et sous la houlette d’un seul ministre ?

S’il n’y avait que la méthode, au nom de l’urgence… mais, pour les députés écologistes, c’est avant tout l’efficacité de ce texte qui est en cause.

Derrière la multiplicité des sujets abordés, une seule logique : celle de la dérégulation.

Qu’il ne nous soit pas opposé ici un refus de travailler de façon constructive avec le Gouvernement car à chaque fois qu’il a proposé une vision réellement moderne de l’économie, nous avons répondu présent.

Ce fut le cas lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, pilier d’une relance de l’activité et de la création d’emplois dans les domaines des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

Puis en matière d’agro-écologie, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, nous avons travaillé en bonne intelligence avec le ministre Stéphane Le Foll.

De la même manière, nous avons salué et enrichi le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Notre collègue Cécile Duflot a défendu la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR – afin de garantir un droit au logement détaché de la spéculation immobilière.

Monsieur le ministre, la philosophie de votre projet de loi est en totale contradiction avec tous ces textes qui ont été longuement débattus au sein de la majorité. En outre, il fait resurgir des propositions supportées par la droite et combattues par les députés socialistes.

Ainsi, tandis que la loi de transition énergétique organise la réduction de la part du nucléaire en France, ce texte contient des dispositions visant à encourager l’exportation de centrales plus sûres. Mais le nucléaire le plus sûr, monsieur le ministre, est encore celui qu’on n’exporte pas !

Tandis que la loi d’avenir pour l’agriculture sanctuarise des terres arables et réaffirme leur vocation à produire des aliments de qualité, distribués en circuits courts, vous encouragez l’artificialisation des sols au bénéfice de la grande distribution.

Autre affront au travail récent de la majorité, la vente à la découpe sera facilitée au seul profit de la spéculation immobilière et au détriment des locataires, mais sans qu’aucun logement ne soit construit grâce à ce dispositif.

Vous voulez des lignes d’autocars, pourquoi pas, mais à conditions de prendre des précautions pour ne pas nuire au rail et aux politiques de transports publics menées par les régions. Ne retombons pas dans les erreurs du passé, qui ont conduit à l’effondrement du fret ferroviaire et à l’envahissement des routes par les camions !

Vous voulez enfin banaliser le travail le dimanche. Ce sera un recul pour les salariés, qui sont souvent des femmes, en particulier des mères célibataires sans solution pour garder leurs enfants. Ce sera un recul pour le petit commerce, soumis à la rude concurrence des grandes surfaces. Ce sera un recul pour la société tout entière, à laquelle on propose comme seul idéal celui de la consommation sept jours sur sept.

Votre texte ne contient aucun article sur l’économie sociale et solidaire, l’économie collaborative, l’économie circulaire. Vous voulez moderniser l’économie, mais avec les recettes du passé.

Au terme du débat en commission, nous pouvons dresser un premier bilan. Il y aura des gagnants et des perdants. Au rang des gagnants : Bercy, les sociétés autoroutières, les grandes enseignes, le nucléaire, la publicité, la spéculation immobilière. À celui des perdants : les salariés, toujours plus précaires, les femmes, les locataires, le petit commerce, le rail, et naturellement la protection de l’environnement.

Comme nous l’avons fait en commission et malgré un désaccord global sur la méthode et la vision, nous allons continuer à présenter des amendements constructifs. Mais à la fin du débat, si être moderne revient à faire primer les intérêts de quelques lobbies économiques sur toute autre considération, les députés écologistes s’opposeront à ce texte.

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