Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 26 janvier 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Ce dessin montre ce qui sépare depuis des années communistes et socialistes, révolutionnaires et réformistes – Syriza et Pasok, dirait-on aujourd’hui. Il illustre deux attitudes, deux conceptions du travail et des choix politiques de la gauche : l’une consiste à s’attaquer aux problèmes, et au système ; l’autre préfère déplacer les problèmes et s’inscrire dans le système en place, voire le conforter. Votre texte, monsieur le ministre, appartient à la seconde catégorie. Plutôt que de réparer le toit de la maison France, endommagé par la grêle et le vent mauvais de l’austérité, vous nous proposez de déplacer le mobilier, de mettre les services publics au placard, de vendre le reste et de glisser les difficultés des Français sous le tapis, tout en accrochant au mur le miroir aux alouettes de la société marchande.

Mais je ne filerai pas plus longtemps la métaphore. Je préfère revenir sur le titre du projet de loi et vous apporter la démonstration de la validité de mon appréciation.

Ce projet de loi va-t-il tout d’abord, comme le promet son intitulé, favoriser la croissance ?

En octobre dernier, les économistes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estimaient l’impact des mesures annoncées à environ 0,1 point de croissance supplémentaire par an, à horizon de cinq ans. À la même époque, le Trésor tablait, avec un certain optimisme, sur 50 000 à 60 000 emplois créés, à horizon de dix ans, du fait de l’ouverture à la concurrence dans les professions réglementées et le secteur des transports, hors assouplissement de la réglementation encadrant le travail dominical.

Depuis l’automne, le contenu de la loi a profondément évolué. Certains économistes, comme Antoine Goujard, économiste à l’OCDE, pensent que « l’impact de la loi devrait finalement être supérieur à celui [qu’ils avaient] estimé ». Nombreux sont toutefois ceux qui soulignent, à l’instar d’Élie Cohen, que les éventuels effets positifs des réformes seront faibles ; certains, comme Éric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), estiment même qu’elles auront des effets récessifs à court terme.

S’agissant des effets sur la croissance du projet de loi, le ministère de l’économie se montre lui-même très prudent. Pour lui, l’objectif principal n’est pas tant de remédier au marasme économique, de relancer l’économie et de favoriser la croissance que d’envoyer un signal aux marchés et aux partenaires européens, celui d’une France qui « renonce à la philosophie de l’économie administrée » – ce sont là vos propres mots, monsieur le ministre. Bref, on ouvre la porte à une nouvelle vague de déréglementation sociale !

Ce texte va-t-il vraiment créer de l’activité ? Nous manquons là aussi d’analyses étayées. Le Conseil d’État s’était ému du « caractère lacunaire et des graves insuffisances de l’étude d’impact sur nombre de dispositions ». En réaction à ces justes reproches, le Gouvernement a demandé à France Stratégie, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, de réunir des experts indépendants afin d’évaluer le projet de loi – autant dire, monsieur le ministre, que vous leur avez demandé in extremis de venir en renfort pour apporter un semblant de caution scientifique à vos affirmations ! La commission d’économistes a répondu à votre appel et rendu dans l’urgence plusieurs rapports d’évaluation des dispositions phares du texte, rapports qui souffrent malheureusement de graves insuffisances.

S’agissant de l’autorisation d’ouvrir les commerces jusqu’à douze dimanches par an, la présidente de la commission, Mme Anne Perrot, affirme ainsi que cette mesure pourrait avoir « de manière non ambiguë des effets extrêmement positifs sur l’emploi et sur l’activité ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion