…possèdent autant que les 3,5 milliards les plus pauvres. Ces inégalités indécentes ont leur source dans ce que le capitalisme financier a de plus destructeur : l’exploitation des femmes et des hommes et l’épuisement des ressources naturelles.
Ces inégalités grandissent également, dans notre pays et en Europe, sous l’effet des politiques récessives destructrices, qui minent la cohésion sociale en favorisant la relégation de certains territoires et la paupérisation d’un nombre croissant de nos concitoyens. Comme le souligne l’OCDE, les inégalités ont également des conséquences négatives sur la croissance et l’activité. L’accroissement des inégalités a, selon l’OCDE, coûté neuf points de croissance au Royaume-Uni, sept points de croissance aux États-Unis, à l’Italie, à la Suède. Nous savons le rôle que jouent le montant des salaires, les services publics, les prestations sociales dans la réduction des inégalités : ce sont ces leviers qu’il faut actionner si l’on entend les réduire.
Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz – que certains parmi vous ont écouté, à l’hôtel de Lassay, il y a deux semaines – soulignait récemment que le modèle français mérite d’être préservé et défendu « car il est plus abouti que le modèle américain, plus mature surtout, dans une période où l’accumulation de richesses et la recherche du profit doivent être maîtrisées, organisées et régulées ». Il rappelait que « la création de richesses n’a pas pour seul objectif l’enrichissement individuel ». En déclarant que « des jeunes doivent avoir envie de devenir milliardaires », monsieur le ministre, vous prenez cette affirmation à contre-pied. Vous confirmez que vous avez une certaine vision de la société. Bien que nous ne la partagions pas, nous pouvons respecter cette vision – je sais que vous respectez la nôtre. Mais ce n’est pas celle des Français, et encore moins celle de la jeunesse ! Pour vous remettre dans la bonne voie, monsieur le ministre, permettez-moi de citer Racine, dans Athalie : « Un roi sage sur la richesse et l’or ne met point son appui. »
Depuis le début de la législature, aucun texte réellement progressiste n’a été adopté en matière économique et sociale. Le peuple de gauche a assisté au contraire, avec consternation, à l’adoption d’une série de lois profondément régressives, qui font la part belle aux exigences du MEDEF et aux attentes des milieux financiers. Vous ajoutez successivement des pièces à un puzzle qui dessine un projet plus large de modification de la société.
Aucune mesure marquante n’a été prise pour dynamiser l’emploi, en dehors de largesses accordées aux entreprises sans contrepartie. Le relèvement des salaires, qui est l’une des clefs du redressement économique, est resté lettre morte, tandis que les droits sociaux ne cessent de reculer. Souvenons-nous du triste épisode de la transposition de l’accord national interprofessionnel sur l’emploi ! Ce projet de loi couronne, en quelque sorte, ces mesures de régression économique et sociale.
Au début de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, me revient en mémoire cette lumineuse illustration que l’ami Charb avait réalisé pour le journal L’Humanité quelques semaines avant sa mort. Permettez-moi un peu d’humour, à la fin de cette intervention : dans ce dessin, Charb montrait un souriant « Macron sarkozyste » remettant ses bonnes idées à un « Macron hollandiste » avec le même sourire.