Intervention de Cédric Moreau de Bellaing

Réunion du 22 janvier 2015 à 8h30
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Cédric Moreau de Bellaing, maître de conférences à l'école normale supérieure :

Une transformation de la doctrine peut sembler inéluctable. On peut en effet reconnaître que les interventions classiques des forces de l'ordre à l'occasion de manifestations de masse dans un espace urbain connu et quadrillé sont difficilement transposables à ce qu'on désigne sous l'appellation de violences urbaines – le territoire n'est pas le même, le mode opératoire des protestataires n'est pas le même non plus. En revanche, revenir sur la priorité donnée à la préservation d'un territoire sur les arrestations me paraît discutable. Il conviendrait de réfléchir à l'articulation des différentes forces de police qui interviennent dans le cadre d'opération de maintien de l'ordre.

On a vu se renforcer une articulation entre les forces mobiles de maintien de l'ordre et des groupes de policiers en civil qui vont choisir une ou deux personnes identifiées comme des meneurs. Le débat existe depuis un siècle sur la possibilité d'identifier des meneurs alors que la sociologie des manifestations montre que les échauffourées sont très rarement structurées autour de meneurs et de suiveurs. Aussi ne s'agit-il pas à mes yeux d'une transformation inéluctable.

Quant à la question des arrestations, elle renvoie à celle du degré de désordre que peut supporter un État démocratique, sachant que, précisément, la spécificité du maintien de l'ordre dans un État démocratique est d'accepter un certain niveau de désordre.

On doit également réfléchir au moment où les forces de l'ordre doivent savoir se retirer quand c'est nécessaire. Il arrive encore, en effet, que des dispositifs soient mis en place alors que très peu de risques sont encourus, et que cela suscite des tensions entre manifestants et forces de l'ordre. Si ces dernières sont considérées comme les représentantes de l'État, il faut attendre de leur part des propositions stratégiques plus réfléchies que celles constatées.

La question de la formation des forces supplétives se pose aussi du point de vue des policiers. L'anecdote que j'ai rappelée des deux bandes jaunes sur les casques des CRS est à cet égard très significative du souci des forces spécialisées dans le maintien de l'ordre de préserver des compétences qu'elles pensent être mises à mal par l'intervention de ces forces supplétives. On assiste en effet à un mouvement contradictoire qui consiste à considérer que le nombre de manifestations de masse ayant globalement baissé depuis trente ans, il faudrait redéployer les CRS vers des missions de sécurisation alors que, dans le même temps, on confie le maintien de l'ordre à des forces supplétives moins bien formées. On peut s'interroger sur le fait de savoir s'il ne faudrait pas confier à ces forces supplétives des missions de sécurité publique ou des missions de police urbaine et de nouveau confier aux CRS et aux gendarmes mobiles le maintien de l'ordre – spécialité qui a fait leur renommée.

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