Intervention de Cédric Moreau de Bellaing

Réunion du 22 janvier 2015 à 8h30
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Cédric Moreau de Bellaing, maître de conférences à l'école normale supérieure :

Dans le cas des événements de Sivens, fallait-il caserner les gendarmes départementaux ? Depuis plusieurs semaines, des tensions très fortes s'étaient développées entre les manifestants eux-mêmes – étant entendu que l'univers zadiste est très hétérogène – puis entre les manifestants et les gendarmes départementaux. On ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur l'engagement ou non de forces qui ne sont pas du tout habituées à la gestion de mouvements de protestation. J'aurais tendance à abonder dans le sens de la personne qui m'a précédé devant cette commission.

J'en viens à l'intervention de Monsieur Vaillant. La première question à se poser pour savoir si les mouvements de protestations sont plus violents est de déterminer par rapport à quoi et par rapport à quand. Je suis convaincu que le niveau de violence est globalement plus faible que dans les années 1950-1960, qu'il s'agisse de grandes manifestations, d'émeutes ou de résistance à la force publique. Peut-être y a-t-il eu une phase d'apaisement dans les années 1980 – et encore est-ce au cours de cette période qu'apparaît le phénomène des violences urbaines. J'aurai donc tendance à me raccrocher à la seconde partie de votre phrase selon laquelle « on le sait davantage ». On note en effet une plus grande sensibilité à l'illégitimité du recours à la violence au cours des protestations collectives.

En Allemagne, le mouvement autonome, très puissant, n'a jamais rechigné à affronter les forces de l'ordre. Or ces dernières ont trouvé des moyens autres que la réponse oppositionnelle pour réduire la violence : elles ont affaibli leur présence, les espaces urbains ont été modifiés… En Grèce aussi on relève un niveau de violence très élevé mais que l'on parvient à contenir.

En ce qui concerne l'effet « tableau de chasse », je ne dispose pas de données empiriques mais qui remplirait ce tableau ? Relativement peu de policiers sont gravement blessés ou tués – c'est très rare et c'est heureux.

Quant à l'effet de surprise, on gagnerait à préciser de quel groupe on parle. Certains cherchent l'affrontement car ils estiment que le recours à la violence est une modalité d'expression de leurs revendications, voire une modalité d'accès à l'espace public. Il existe deux manières, en effet, de prévenir l'affrontement : l'anticipation et la soustraction à l'affrontement. Dans ce dernier cas, vous me répondrez qu'il faut bien, dans certains cas, protéger des lieux ; mais parfois, ce sont des principes généraux de maintien de l'ordre qui amènent les services de police à se trouver à tel ou tel endroit. Il faudra peut-être réviser ces principes.

La dimension internationale est intéressante. Depuis le sommet de l'OMC à Seattle en 1999 et celui du G8 à Gênes en 2001, des regroupements protestataires internationalisés se sont formés. L'activité de renseignement existe déjà car, si je me souviens bien, à Gênes, de nombreux représentants de policiers n'étaient pas italiens. Cette expertise internationale a également été développée à l'occasion des grandes compétitions sportives, notamment de football, où les policiers spécialistes des phénomènes de hooliganisme des pays engagés dans la compétition se rendent sur place. Je ne suis pas certain que cette dimension internationale provoque un changement de nature des mouvements de protestation collective. Si ce phénomène s'est intensifié, il n'est pas nouveau : lors de la manifestation antinucléaire de Creys-Malville en 1977, au cours de laquelle un manifestant serait décédé à cause d'une grenade offensive, il y avait des militants allemands au point que certains responsables locaux ont déclaré à la presse que c'était la deuxième fois que leur ville était « occupée ». Si cette dimension internationale, donc, n'est pas nouvelle, elle ne s'en est pas moins intensifiée et nécessite une meilleure articulation au niveau européen.

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