Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 14 novembre 2012 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro :

Mes chers collègues, j'ai eu l'honneur de représenter le président de notre Commission à une Conférence des présidents des commissions agricoles des pays membres de l'Union européenne, qui s'est déroulée les 11 et 12 novembre derniers à Nicosie, à Chypre. Trois sujets ont été abordés : la PAC, le changement climatique et la politique commune des pêches. Je vous les présenterai dans l'ordre inverse.

S'agissant de la pêche, la Directrice générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne étant présente, j'ai pu lui signaler que nous étions d'accord sur l'esprit général de la réforme de la politique commune de la pêche, qui vise à soutenir une pêche durable.

J'ai fait part de la situation paradoxale de notre pays, dont la consommation de poisson – 35,2 kg par habitant et par an – augmente, pendant que son activité de pêche se réduit. Aujourd'hui, 80 % du poisson consommé en France est importé, du fait notamment d'importations de saumon d'élevage et de cabillaud pêchés près de Terre-Neuve.

J'ai souligné la fragilité du secteur de la pêche, sa dépendance au carburant – pour pêcher un kilo de poisson, il faut à peu près un litre de gazole – ainsi que le déclin de la flotte française et celui de l'emploi.

J'ai été amené à dire que notre pays avait vu avec plaisir se mettre en place un accord sur l'interdiction des rejets en mer. À l'horizon de quelques années, il sera en effet interdit aux pêcheurs de rejeter en mer les poissons qui n'ont pas de valeur pour eux. Nous avons obtenu un report de cette décision jusqu'en 2018 pour l'océan Atlantique, et jusqu'en 2019 pour la mer Méditerranée, comme le demandait la profession.

Nous avons donné un avis favorable au renforcement des aides publiques à la flotte, au maintien des aides à la sortie de la flotte et des aides à l'installation des jeunes pêcheurs et aquaculteurs. Dans le domaine de la pêche comme dans celui de l'agriculture, des efforts doivent être faits pour maintenir l'activité et soutenir l'installation.

J'ai évoqué auprès de nos collègues européens la communication d'Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation. Au cours des dernières semaines, celui-ci a fustigé les dégâts provoqués par la pêche industrielle « et sa flotte suréquipée, gourmande en énergie et responsable de l'essentiel des rejets en mer des poissons ne présentant pas d'intérêt commercial. » « Sans une action rapide pour sauver les eaux de pratiques intenables, les pêches ne pourront plus jouer leur rôle capital dans la garantie du droit à l'alimentation de millions de personnes ». De fait, les protéines issues de la pêche représentent 15 % des protéines animales consommées au niveau mondial, mais plus de 23 % en Asie et près de 40 % sur la côte Ouest de l'Afrique.

L'Europe est devant un choix politique : soutenir la très grande pêche industrielle ou soutenir la pêche artisanale et côtière. Dans notre pays, les positions divergent, mais la nécessité d'avoir une pêche durable, de protéger les stocks et de soutenir l'emploi ne peut que nous inciter à nous prononcer en faveur de la pêche côtière et artisanale. C'est en tout cas ce qu'a fait la Directrice de la politique des pêches au niveau européen.

S'agissant du changement climatique, le commissaire européen à l'agriculture, Dacian Ciolos, est revenu sur le verdissement et les économies en eau. Des collègues, dont moi-même, lui ont fait remarquer que le verdissement n'était peut-être pas suffisant et qu'il faudrait imposer une rotation des cultures. Le commissaire nous a expliqué de façon très pragmatique qu'il était difficile d'imposer cette rotation, mais que l'une des trois mesures liées au verdissement, qui oblige à pratiquer au moins trois cultures sur chaque exploitation agricole – 70 % pour la culture majoritaire et au minimum 5 % pour l'une des deux autres – y conduirait naturellement. Dans le Sud-Ouest, dont je suis élu, certains agriculteurs cultivent du maïs sans discontinuer depuis quarante ans, à tel point que la terre n'est devenue qu'un support et qu'il faut beaucoup d'intrants chimiques et d'eau pour arriver à faire pousser cette plante.

Le commissaire Ciolos est intervenu également sur l'irrigation, qui justifierait une politique européenne. Nos amis chypriotes ont fait remarquer que leur île se desséchait à grande vitesse. Les économies d'eau peuvent venir non seulement des méthodes d'irrigation – utilisation du goutte à goutte –, mais aussi de la modernisation des réseaux d'irrigation ou de politiques de stockage. Le commissaire Ciolos nous a indiqué que l'Union européenne s'engagerait dans cette voie.

J'en viens au plus grand sujet, celui de la PAC. À ce propos, la réunion du groupe PAC 2013, que je vais bientôt rejoindre, commence à l'heure où nous parlons.

De ce point de vue, le commissaire européen a été à la fois compétent et convaincant. Il a souligné qu'en maintenant le budget de la PAC, on renforçait l'Europe, puisque la PAC est la seule politique intégrée que nous ayons au niveau européen. De la même façon, il a souligné qu'en soutenant l'agriculture, on renforçait l'industrie agroalimentaire – on vend davantage d'aliments que d'automobiles en Europe.

De fait, des incertitudes, qui seront peut-être levées lors du sommet des 22 et 23 novembre prochains, pèsent sur le budget de l'Union européenne. Certains, en particulier la présidence chypriote, demandent qu'on le réduise de 50 milliards, et cela aura de toute façon une incidence sur le budget de la PAC. Il ne vous a d'ailleurs pas échappé que Bernard Cazeneuve était intervenu plusieurs fois pour soutenir celui-ci, non pas seulement parce que notre pays en bénéficie – aujourd'hui la France est devenue contributeur net –, mais parce que nous sommes conscients de son importance économique et stratégique.

Le commissaire Ciolos a prôné plus de transparence pour l'utilisation des fonds publics. L'aide serait uniforme à l'hectare, avec une convergence qui ne sera pas forcément nationale. Il pourrait y avoir une convergence par « région agronomique homogène », l'objectif étant d'aller vers la convergence européenne. Le commissaire a toutefois reconnu la nécessité d'une période de transition. Il a insisté sur les problèmes de gestion des marchés. Les stockages privés, qui doivent permettre de réagir rapidement, seraient encouragés.

Il a bien évidemment évoqué le deuxième pilier – programme de développement pluriannuel, reconnaissance des organismes de production. Selon lui, le deuxième pilier devrait participer à l'augmentation de la compétitivité en agriculture et à l'amélioration de la performance durable. En cela, il rejoint notre ministre de l'agriculture selon lequel il faut conjuguer performance économique avec performance écologique. Cela passera par le maintien des exploitations, le soutien aux jeunes agriculteurs et le développement de la recherche et de l'innovation – pour la première fois dans la réforme de la PAC, plusieurs millions d'euros seront consacrés à la recherche et à l'innovation.

Le commissaire a insisté sur l'effort à faire pour simplifier les dossiers de la PAC et a fait remarquer que l'aide qui serait attribuée aux petits agriculteurs en Europe permettrait de supprimer 10 % des dossiers européens. Ce n'est pas rien.

Il a prôné la même définition de « l'agriculteur actif » pour l'ensemble de l'Europe et a précisé que le couplage pourrait être maintenu pour des filières spécifiques. C'est une demande de notre pays.

Il a fait valoir, tout au long de son discours, une vision totalement européenne de l'agriculture. Il craint que la PAC ne devienne un « menu » dans lequel chaque pays se servirait, ce qui nuirait à la cohésion d'ensemble.

Enfin, le commissaire Ciolos s'est exprimé sur une question que je lui ai moi-même posée et qui nous intéresse directement : la possibilité donnée à des États membres d'aider ou de surprimer les premiers hectares – M. le ministre Stéphane Le Foll évoque souvent les 50 premiers hectares.

Comme vous le savez, nous recherchons plus d'équité dans la distribution des aides. La Commission propose aujourd'hui de plafonner celles-ci à 300 000 euros –exploitation agricole de 1 200 hectares si l'on prend une moyenne de 250 euros par hectare –, ou de les rendre dégressives à partir de 150 000 euros – exploitation agricole de 600 hectares. Or cela ne correspond pas à ce qui se passe dans notre pays.

Nous cherchons aussi, et surtout, à soutenir l'emploi. J'en parlais récemment avec l'une de mes collègues, le secteur de l'élevage est particulièrement menacé. Les gens ne veulent pas consacrer leur vie entière à leurs animaux, que ce soit dans l'élevage à viande ou plus encore dans l'élevage laitier, où l'on doit pratiquer la traite 730 fois par an. En outre, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ceux qui travaillent le plus aujourd'hui sont ceux qui gagnent le moins. Il est donc absolument nécessaire de rééquilibrer les aides si l'on veut sauver une grande partie des exploitations agricoles, dont 26 % ont disparu au cours des dix dernières années.

Notre ministre de l'agriculture propose de surprimer les 50 premiers hectares. Le commissaire a répondu en public que la Commission retiendrait cette proposition, ce qui est un véritable évènement politique. Et lorsque je lui ai demandé des précisions en privé, il m'a indiqué que cela se ferait de façon optionnelle. Cela signifie que chaque État membre aurait le droit de moduler les aides. Il y a là de quoi nous rassurer. Ce serait un moyen de rendre plus équitable la répartition des aides européennes.

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