Le très haut débit pour tous en dix ans est l'un des engagements de François Hollande. Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé sur ce dossier qui représente à la fois un enjeu d'aménagement du territoire, un enjeu sociétal d'égalité des citoyens et un enjeu industriel et économique.
Le texte que nous examinons aujourd'hui a été adopté en février 2012 et il convient de l'examiner à la lumière des changements qui sont intervenus depuis.
Les constats faits à l'époque doivent être revus en fonction des évolutions des modèles économiques et des choix du Gouvernement. Le contexte économique a pu, en effet, amener certains opérateurs à envoyer des signaux préoccupants s'agissant du niveau de l'investissement qu'ils pourront consentir dans le très haut débit. Cela renforce l'inquiétude des élus des territoires les plus touchés par la fracture numérique.
Les opérateurs justifient également leur position par le manque d'appétence pour la fibre optique dans les zones denses, lequel peut s'expliquer par la bonne performance des connexions ADSL. Mais dans les territoires et dans les zones moins denses, la fibre optique constitue une urgence si l'on veut maintenir et développer l'emploi, dissuader les gens de partir et attirer de nouvelles populations. L'appétence pour le très haut débit est beaucoup plus élevée dans les zones les moins denses, car c'est là que le besoin est criant.
Pour le déploiement, on a fait le choix de s'appuyer sur la complémentarité des initiatives privées et publiques. Ce texte propose d'adapter le cadre actuel du déploiement en le rendant, notamment, plus contraignant pour les opérateurs privés – caractère prescriptif des schémas directeurs, sanctions financières en cas de non-respect des conventions. Le risque existe effectivement – comme l'a souligné Mme de La Raudière – que, dans un contexte économique déprécié où des doutes existent sur les capacités d'investissement, les opérateurs revoient leurs engagements à la baisse. L'effet obtenu serait bien évidemment contraire à l'objectif poursuivi.
Il faut reconnaître que ce texte met en lumière les carences du cadre défini par le gouvernement précédent. Le choix de la complémentarité des initiatives publiques et privées suppose volontarisme, climat de coopération, pilotage de l'État et visibilité financière. Or, sur tous ces points, les faiblesses sont manifestes – je vous renvoie au rapport que Mme de La Raudière et moi avions « commis » ensemble.
Aujourd'hui, par rapport au moment où cette proposition de loi a été adoptée au Sénat, le paysage a changé. Une nouvelle ligne se dessine. Des mesures concrètes ont été annoncées par la ministre Fleur Pellerin. L'État a choisi d'assumer pleinement le pilotage du chantier, alors que le gouvernement précédent avait plutôt tendance à laisser s'affronter les opérateurs et les collectivités.
Le 27 juillet dernier, la table ronde sur la fibre optique, présidée par Mmes Pellerin et Duflot, a permis de s'accorder sur la nécessité de redonner à l'État un rôle stratégique dans le développement du très haut débit. Nous avions en effet pointé le manque d'implication de l'État sur cette question, son désengagement ne pouvant que contribuer aux tensions entre les opérateurs et les collectivités.
Le 9 novembre dernier, le Gouvernement a lancé, sous l'impulsion de Cécile Duflot, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, une mission qui sera chargée du pilotage des déploiements. Cette mission, confiée à Antoine Darodes, constituera un appui aux travaux que va mener le Gouvernement. Elle travaille actuellement à un chiffrage précis du coût du déploiement, élément qui a toujours fait défaut.
Par ailleurs, dans le cadre de ses travaux sur la filière numérique, le Gouvernement a annoncé la création d'un certain nombre d'observatoires, notamment sur les investissements. Plusieurs expérimentations sont en cours, qui viendront alimenter notre réflexion sur les sujets évoqués par cette proposition de loi : extinction du cuivre à Palaiseau, 4 G à Saint-Étienne.
La structure de pilotage consultera également, dès le mois de décembre, l'ensemble des acteurs concernés sur les grands axes de la politique du Gouvernement en matière de très haut débit, afin de finaliser, en janvier, la feuille de route qui fixera la doctrine d'intervention du Gouvernement sur le déploiement du très haut débit, en concertation avec les collectivités locales et les opérateurs – notamment s'agissant du financement et de la nécessaire prise en compte de la péréquation.
Dans le même temps, sera finalisée la nouvelle doctrine d'investissement, afin de relancer des projets dès l'issue du séminaire gouvernemental. Fleur Pellerin détaillera l'ensemble de ces dispositions. À cette occasion, le Gouvernement adoptera la feuille de route et sa déclinaison opérationnelle pour le subventionnement des projets en cours. Cela assurera une certaine visibilité – j'observe en passant que le financement est l'un des points faibles de cette proposition de loi. Tous ces éléments seront précisés en février, lors du séminaire gouvernemental.
Cette proposition de loi comporte des éléments positifs sur lesquels nous pouvons être d'accord. Mais en tout état de cause, nous devons travailler, en nous inscrivant dans le calendrier mis en place par le Gouvernement, à la réalisation de l'ensemble des objectifs qui ont été fixés. L'État doit retrouver, aux côtés des collectivités, le rôle qu'il mérite pour piloter l'aménagement numérique du territoire. C'est un enjeu majeur et stratégique qui nous concerne tous.