Je suis frappé par la différence entre le régime juridique qui s'applique aux manifestations politiques et celui qui régit les manifestations récréatives, sportives ou culturelles. Bien que les unes et les autres soient rattachées au même article 211-1 du code de la sécurité intérieure, les secondes s'inscrivent dans un cadre plus contraint. Un maire qui en organise dans sa commune engage sa responsabilité de manière très lourde. Il est traduit devant un tribunal correctionnel en cas d'accident, par exemple si, lors d'une course cycliste, il manque à un carrefour des gilets de signaleurs. J'ai le sentiment que notre arsenal juridique est assez déséquilibré.
J'ai consulté ce matin le site de plusieurs préfectures. Pour organiser une loterie – démarche assez innocente –, il faut renvoyer un formulaire CERFA très détaillé. Pour organiser une manifestation culturelle sur une zone classée Natura 2000, il faut remplir un formulaire de huit pages dans des délais contraignants. La manifestation à caractère économique ou social s'organise de façon beaucoup plus rapide, avec en quelque sorte une « inversion » de la charge de la responsabilité : dès qu'une manifestation à caractère politique tourne mal, on s'en prend à l'autorité politique, au préfet ou au ministre de l'intérieur, qui l'a laissée se dérouler. Notre commission d'enquête s'inscrit aussi dans cette logique. Sans aller jusqu'à instaurer un régime d'autorisation, ne faudrait-il pas aller un peu plus loin dans l'encadrement des manifestations, dans ce que l'administration demande aux manifestants, voire établir un régime de responsabilité plus étendu pour les organisateurs, à une époque où l'on considère de plus en plus que les interlocuteurs de l'autorité publique sont quasiment aussi légitimes que celle-ci ?