Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 14 novembre 2012 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde, rapporteur :

Au risque de vous décevoir, je suis inlassable, et je serai présent lors de la discussion du projet de loi annoncé par M. Hamon. Qu'il me soit en tout cas permis de remercier l'Assemblée d'avoir si souvent rejeté ce texte : cela m'a permis de le perfectionner !

Je ne crois pas que la mesure soit surdimensionnée par rapport au problème. Il ne faut pas comparer les 220 000 entrées dans le surendettement et le stock de 1 200 000 familles surendettées, soit au moins 3 à 4 millions de personnes concernées, monsieur Fasquelle. Au vu de ces chiffres, il ne me semble pas surdimensionné de « ficher » 25 millions de personnes.

En ce qui concerne les accidents de la vie, la Cour des comptes conteste formellement votre argument.

J'en viens aux exemples étrangers. On ne peut pas dire que l'augmentation du surendettement en Belgique et en France, entre 2006 et 2010, soient comparables s'agissant de masses considérables. Par ailleurs, l'encours de dette des personnes surendettées est deux fois moins important dans le reste de l'Europe – autour de 20 000 euros – qu'en France, où il avoisine les 40 000 euros. Le fichier positif permet donc sinon d'éviter le surendettement, au moins de limiter les dérapages, et donc de faciliter le redressement de la famille.

Je le redis, le texte ne présente aucun risque d'atteinte aux libertés publiques. Il prend en compte les observations qui ont pu être formulées sur nos précédentes propositions de loi, notamment par la CNIL –celle-ci ne l'a d'ailleurs pas contesté lors de ma dernière audition, puisqu'elle s'est bornée à poser la question du surdimensionnement. Savoir si ce fichier est ou non surdimensionné est un problème d'appréciation politique, en aucun cas de libertés publiques. Cessez donc d'invoquer cet argument qui n'est plus de mise !

S'agissant du coût, il reviendra aux banques de payer, mais elles y auront avantage, puisque cela leur permettra aussi de faire des économies. Les 35 millions que vous évoquez correspondent à l'utilisation du NIR, alors que j'ai suggéré celle du FICOBA ; mais c'est le Gouvernement qui tranchera. Permettez-moi aussi de rappeler que le surendettement a un coût pour la société : pour le contribuable, à travers les procédures de redressement que nous sommes contraints d'assumer et les services sociaux, et pour le consommateur, à travers les taux pratiqués par les établissements bancaires, qui tiennent compte d'un risque de défaillance plus élevé que s'ils disposaient d'une bonne information sur l'emprunteur.

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir reconnu que l'objet de cette proposition de loi n'était pas de tout régler. Les conditions de rétractation, l'action de groupe, l'information, l'encadrement et la jurisprudence sont certes utiles, monsieur Blein. Mais en quoi cela nous empêche t-il d'avancer sur le fichier positif, avant de le faire sur le reste ?

La position des associations a évolué au cours des six ou sept dernières années, et plutôt dans un sens favorable à la création d'un fichier positif. Je récuse en tout cas l'argument qui consiste à dire que l'amélioration du fichier négatif devrait permettre d'éviter les situations de surendettement : cela revient à attendre que survienne un accident de la route pour pouvoir le prévenir. Ce raisonnement est donc irrecevable.

Ce que propose Mme Dini – délier les avantages fidélité du crédit – est parfaitement justifié, même si cela ne figure pas dans ma propre proposition. En revanche, je suis en désaccord avec elle sur la présentation des trois derniers relevés de compte, qui me paraît particulièrement intrusive et attentatoire aux libertés publiques. N'importe quel guichetier d'une banque pourrait en effet savoir dans le moindre détail ce que j'ai fait dans les trois derniers mois : c'est totalement inadmissible.

Il n'existe aucun risque de piratage sur un fichier de la Banque de France, madame Bonneton. Par ailleurs, je n'ai pas bien compris votre propos : vous dites que si un emprunteur ne veut pas autoriser l'établissement de crédit à accéder à ses informations nominatives parce qu'il est déjà en situation de fragilité, il ne le fera pas ; mais s'il ne donne pas cette autorisation, il n'obtiendra pas son crédit, ce qui lui évitera de se retrouver en situation de surendettement. Vous démontrez ainsi l'efficience du dispositif.

Vous proposez de lui substituer une simple déclaration sur l'honneur. Mais l'élu de Seine Saint-Denis que je suis et les autres élus des quartiers populaires le savent, 15% des habitants de notre pays sont illettrés. Beaucoup de gens sont ainsi incapables d'évaluer leur situation d'endettement. J'ai rencontré ce matin des employés de la Banque de France qui assurent l'accueil des personnes surendettées : l'essentiel du temps qu'ils consacrent à ces personnes passe à leur expliquer dans quelle situation elles se sont mises. La déclaration sur l'honneur suppose que les capacités de jugement sur ces questions soient identiques chez tous les individus, ce qui n'est pas le cas. Cette mesure serait donc socialement inéquitable.

Je remercie M. Reynier de son soutien, dont je ne doutais pas.

Vous dites que la mesure proposée est insuffisante et qu'elle devrait s'accompagner d'autres dispositifs, madame Massat. Rien ne vous empêche d'agir.

Je note cependant avec satisfaction, monsieur le président, que vous êtes mobilisé sur cette question depuis plusieurs années, et que vous avez été sensible à un certain nombre d'arguments. J'espère simplement que lorsque le projet de loi de M. Hamon viendra en discussion, la majorité fera preuve d'ouverture à l'égard des propositions de notre groupe. Il serait bon que le point d'équilibre qu'il s'agit de trouver fasse l'objet d'un accord au-delà de la seule majorité. N'oublions pas qu'il faut dix-huit mois pour mettre le fichier en place, mais que cette durée pourrait aller jusqu'à six ou sept ans si l'on se trompait d'identifiant.

Il ne faut pas que le fichier puisse être « capé » par un taux maximal d'endettement – 30% d'endettement, ce n'est pas la même chose à 3000 euros et à 6000 euros par mois.

Il faut responsabiliser les prêteurs ; or il n'est pas sûr qu'ils ne cherchent pas à échapper à cette responsabilité. Bref, il y a un travail politique et social commun à mener. Ce sera, si j'ai bien compris, à l'initiative du Gouvernement. Je le regrette, mais encore une fois, j'espère que la majorité sera ouverte à nos arguments.

Il faudra enfin savoir résister aux lobbies. Je pense bien sûr au lobby bancaire, mais aussi au lobby de Bercy. Je comprends que celui-ci nous explique que pour soutenir la consommation, il faut éviter de freiner le crédit à la consommation. Mais comment parler de crédit ou de consommation durable si c'est au prix de 230 000 surendettements par an ? Envoyer des gens « dans le mur » pour soutenir 0,4 point de croissance, c'est se moquer du monde !

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