Si faire baisser le prix du gaz était aussi simple que voter un article de loi, cela se saurait ! Nous considérons malheureusement que c'est un peu plus compliqué. M. Borloo ne l'ignorait pas lorsqu'il a rédigé l'article unique de cette proposition de loi, lui qui a eu la charge, entre autres, du développement durable et de l'énergie. S'il avait suffi de désindexer le prix du gaz par rapport à celui du pétrole, il n'aurait pas manqué de le faire. Car les prix ne suivent pas des courbes parallèles. Le prix de revient du gaz diminue, ce qui est loin d'être le cas de son prix de vente.
Bref, le sujet n'est pas si simple. Nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi pour plusieurs raisons.
D'abord, pour une question de forme. Une disposition législative en la matière n'est pas nécessaire. Nous nous exposons même à une censure du Conseil constitutionnel, car la renégociation entre opérateurs et approvisionneurs relève du contrat. Elle est d'ailleurs prévue dans la totalité des contrats existants : les achats se faisant sur le long terme, ils s'accompagnent de clauses de révision et de rendez-vous.
Ensuite, parce qu'une telle désindexation exige un accord des parties, acheteurs comme vendeurs. Pour signer un contrat, il faut être deux. Aujourd'hui, les pays producteurs de gaz s'opposent à une indexation à 100 % sur les marchés spot. Un des principaux fournisseurs de la France, l'Algérie, est figé sur ce point. Un autre gros fournisseur, la Russie, a accepté une indexation spot partielle, mais se refuse à aller au-delà. On le voit, la désindexation nécessiterait d'engager un mouvement d'ampleur à l'échelle européenne. Une loi franco-française ne peut redéfinir la stratégie communautaire en matière de tarifs d'achat du gaz.
Enfin, la disposition risque de mettre nos opérateurs en difficulté. Une désindexation les mettrait en situation d'hyperdépendance à l'égard non seulement de la Russie et de l'Algérie, nos deux fournisseurs historiques, mais aussi des producteurs de gaz de schiste. De plus, la proposition de loi prévoit que les composantes des coûts d'approvisionnement indexés sur les prix des produits pétroliers sortent de la formule tarifaire dès la promulgation de la loi, ce qui rendrait difficile toute renégociation. Qu'en serait-il, par exemple, des contrats déjà signés prévoyant des dispositions de sortie anticipée ? Le coût souvent considérable de ces dispositions ne manquerait pas d'être répercuté sur les prix à la consommation, si bien que le texte aurait un effet inverse de celui souhaité.
Même s'il est probable que de gros fournisseurs comme GDF Suez continueraient de peser d'un poids important, la désindexation fragiliserait les plus petits comme Poweo ou Direct Energy qui, compte tenu des volumes restreints qu'ils négocient, sont moins en situation de discuter.
Une telle disposition fragiliserait également notre sécurité d'approvisionnement. En cas de grand froid, les fournisseurs se tourneront vers les marchés spot, où l'on risque d'assister à une flambée des prix, voire à des ruptures d'approvisionnement.
En conclusion, cette proposition de loi ne contribuera pas à atteindre l'objectif, que nous pouvons partager, d'une réduction des tarifs du gaz. Nous préférons à cette approche ponctuelle une réflexion sur l'ensemble de la politique énergétique, de manière à construire la transition que nous appelons de nos voeux.