Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 27 janvier 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

Il se trouve que le siège d’Aéroports de Paris est situé, pour quelque temps encore – il doit déménager à Roissy, ce que je trouve parfaitement normal – dans ma circonscription. J’ai donc eu l’occasion de discuter avec le directeur général de cette honorable institution, qui est bien entendu très favorable à la réalisation de la liaison rapide entre Paris et l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

Les motifs, tout à fait compréhensibles, de cette position m’ont été exposés. Il s’agit de l’attractivité de l’aéroport et de la plate-forme aéroportuaire de Paris, principalement pour le tourisme d’affaires. En effet, pour les autres, il reste possible de prendre le RER. La dualité entre le RER et le Charles-de-Gaulle Express renvoie à celle que nous avons évoquée entre l’autocar et le train. Les dirigeants d’Aéroports de Paris souhaiteraient que le projet soit réalisé rapidement, ce qui est tout à fait défendable dans le cadre d’une stratégie économique globale et qui mérite d’être discuté.

Ce qui nous intéresse, nous, représentants de la nation, c’est la manière dont ce projet pourra être réalisé, avec quels fonds, comme le demande notre collègue Roumegas, et quels tarifs.

Je suis en revanche sceptique quant à la façon dont le Gouvernement entend déposséder la représentation nationale de la capacité de discuter le fond de ce projet par le recours aux ordonnances. Il faut aller vite, certes, mais dans le même temps, le Gouvernement demande un délai d’un an. Mes chers collègues, en un an, nous pouvons discuter un certain nombre de propositions et de projets de loi ; nous pourrions donc raisonnablement examiner ce sujet, en particulier parce qu’il soulève des enjeux budgétaires importants et qu’il faudra faire des choix.

Or, les mesures que le Gouvernement prend par ordonnance sont à prendre ou à laisser. Le Gouvernement, habilité à prendre des mesures, rédige une ordonnance qui est soit adoptée, soit rejetée. Cette infantilisation de la représentation nationale de la part d’une majorité progressiste pose problème.

Mes chers collègues, je rappelle que nous avons longuement bataillé contre le recours abusif à l’article 38 de la Constitution, qui ne doit s’appliquer que lorsqu’il faut agir rapidement sur des questions de grande ampleur. Je le répète car le ministre ne m’a pas répondu à ce sujet tout à l’heure ; mais peut-être ne m’a-t-il pas entendu, et dans ce cas j’utiliserai la pédagogie de la répétition. Quand la gauche est arrivée au pouvoir en 1981, elle a décidé de nationaliser un certain nombre d’entreprises et a eu recours pour ce faire à des ordonnances. De même, en 1986, la droite a privatisé par ordonnance. Partisans et adversaires de ces politiques se sont affrontés, mais il était alors cohérent d’agir de la sorte.

En revanche, pour un sujet comme celui-ci, considérer que la représentation nationale n’est pas compétente pour délibérer et discuter selon la procédure normale, avec un travail d’amendement, une réflexion, qu’il n’est pas nécessaire d’entendre non seulement l’ensemble des acteurs économiques, mais aussi les députés de la région Île-de-France, qui auraient leur mot à dire compte tenu de l’impact qu’un tel projet aurait sur le territoire, ce n’est pas acceptable. Le Gouvernement, avec ses spécialistes, sa haute administration, agira en notre lieu et place, et nous aurons à lui donner l’autorisation de le faire et à ratifier son travail.

Qu’on ne me fasse pas croire que les députés ne sont pas compétents pour le faire : nous avons débattu voilà quelques mois de la loi sur les transports, un texte intéressant et complexe, et il a fallu composer avec la pression d’une partie des organisations syndicales. Nous l’avons fait, nous avons pris le temps de le faire, et nous ne serions pas capables de discuter d’un sujet moins technique que l’avenir de l’ensemble du réseau ferroviaire français, à savoir le projet Charles-de-Gaulle Express ?

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