Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 21 novembre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France :

En moyenne, le CIF prête aujourd'hui à moins de 5 % d'apport personnel, contre 18 à 19 % pour l'ensemble du réseau bancaire. Sachant qu'une opération moyenne porte sur 150 000 euros, l'apport personnel est donc nettement moindre. Vous avez raison, cette banque a un rôle social.

Il y a deux manières de répondre à la problématique de l'accession sociale à la propriété : en créant un produit que les établissements bancaires distribueront à condition qu'il soit assorti d'une garantie maximale de l'État, celui-ci assumant les risques, voire subventionnant le produit ; en ayant un outil dédié, doté de savoir-faire qui lui permettent de s'adresser à des clientèles plus fragiles sans s'exposer et sans engendrer de coût pour la puissance publique. En tant qu'ancien membre de la commission des finances, j'opte pour la solution qui ne coûte pas à la puissance publique.

Je me permettrai de citer une anecdote sans donner de noms pour ne pas m'exposer à des difficultés supplémentaires. Il y a quelques semaines, au cours d'une réunion consacrée à l'accession sociale à la propriété, l'un des participants a déclaré que l'accession sociale, voire très sociale, à la propriété avait été possible ces dernières années grâce au marché qui l'avait financée à travers la baisse des taux d'intérêt – démonstration édifiante s'il en est. Le même a continué en disant que, les taux ayant atteint leur étiage, il faudra, si l'on veut que le mouvement se poursuive demain, que l'État prenne le relais en subventionnant l'accession sociale à la propriété. C'est dire l'état d'esprit des établissements bancaires sur le sujet ! C'est pourquoi disposer d'un outil est un enjeu fondamental.

La difficulté est de ne tomber dans la distribution de subprimes. C'est là un argument qui nous est régulièrement opposé : dans un contexte de crise interminable, prêter à des gens qui risquent d'être fragilisés n'est pas leur rendre service, nous dit-on. Il faudra, en effet, être attentif à cela, et c'est pourquoi il faut avoir des systèmes de couverture, bien connaître les clients, les visiter à plusieurs reprises, visiter ce qu'ils achètent, avoir une garantie de revente ou, en cas de difficulté, permettre le retour sans intervention d'huissier et sans finir plumé. Il ne faut pas non plus estimer le bien au-dessus de sa valeur réelle, puisque c'est le gage de la capacité de rembourser les emprunts contractés en refinancement. L'exercice est difficile et suppose d'avoir les savoir-faire, et je suis convaincu qu'ils existent.

Nous avons expliqué à nos interlocuteurs du Gouvernement deux phénomènes qui vont se produire dans les années qui viennent. D'une part, en bas de la fourchette, des gens vont être désolvabilisés par la crise et on ne pourra peut-être plus leur prêter. D'autre part, un peu plus haut, une autre catégorie de clientèle modeste va être déstabilisée par la nouvelle réglementation bancaire de Bâle III, en vertu de laquelle les banques ne feront plus de prêts longs. Or c'est la seule condition à laquelle de jeunes ménages peuvent emprunter, n'ayant que peu d'apport personnel. Cela ne signifie pas qu'ils sont insolvables, c'est juste qu'il faut accepter de prendre un risque un peu plus important. D'où la nécessité de connaître ce type de clientèle. Sans cette expertise, on ne peut pas, d'ailleurs on n'en a pas le droit vis-à-vis des actionnaires et des mandants, prendre le risque de prêter. Aujourd'hui, en France, deux réseaux détiennent le savoir-faire en cette matière : le Crédit foncier, qui est sous forte contrainte, et le CIF, qui est sans doute un peu plus compétent pour des raisons historiques.

Ce savoir-faire, il ne faut pas le perdre. Nous espérons un arbitrage, dont je suis conscient qu'il sera difficile à prendre pour les pouvoirs publics. La Banque postale peut jouer un rôle parce qu'elle a des liquidités qui lui permettraient de financer en partie cette activité, mais elle ne doit pas agir seule. Elle a besoin de partenaires pour porter le risque avec elle, mais surtout pour avoir un réseau. Il ne s'agit pas d'ajouter les 250 points de vente du CIF aux agences qu'elle a déjà partout ; il s'agit de tirer parti de l'expertise des gens qui y travaillent.

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