Également pour les militaires de la réserve opérationnelle.
Notre avant-projet distingue deux régimes : celui des associations professionnelles nationales de militaires en général, et celui des associations professionnelles nationales de militaires représentatives.
Sont ainsi définis l'objet, la composition et la constitution de ces associations.
L'objet, tout d'abord, serait « de préserver et de promouvoir les intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire », laquelle, on l'a vu, serait définie à l'article 1er.
Ensuite, « les associations professionnelles nationales de militaires sont exclusivement constituées des militaires mentionnés à l'article L. 4111-2 » du code de la défense, c'est-à-dire les militaires d'active, les militaires de la réserve opérationnelle et les fonctionnaires détachés comme militaires. Par exemple, les deux cents policiers actuellement détachés comme gendarmes auraient le droit d'adhérer à ces associations. Naturellement, les militaires détachés dans des fonctions civiles conserveraient le droit d'adhérer à une association professionnelle de militaires. Ils pourraient en outre, pour le temps de leur détachement, adhérer à un syndicat.
Faut-il ouvrir ce droit aux retraités ? Nous nous sommes interrogés à ce sujet et vous ne manquerez pas de le faire à votre tour. Nous proposons de ne pas retenir cette hypothèse, non pour mettre à l'écart des associations très respectables qui ont toujours joué le jeu et nourri l'esprit de défense en France, mais parce que cela ne nous semble ni opportun ni nécessaire. Premièrement, les retraités ont déjà le droit d'association ; deuxièmement, l'institution militaire n'a aucune prise sur eux, or il nous semble qu'elle doit conserver dans ce cadre un levier, y compris celui des sanctions à l'égard de militaires qui méconnaîtraient les obligations et les règles. Notons que les retraités qui font partie de la réserve opérationnelle pourront, à ce titre, adhérer aux associations professionnelles. Pour les autres, il existe déjà un canal d'expression, le Conseil permanent des retraités militaires.
Bref, il s'agit d'un choix dont nous savons qu'il sera contesté. Nous avons hésité, mais je ne crois pas que nous nous soyons trompés. Pour nous, l'absence de prise de l'État sur les retraités, qui par ailleurs disposent de beaucoup de temps, constitue un obstacle insurmontable.
Les associations professionnelles de militaires seraient régulièrement déclarées à l'autorité préfectorale, conformément à la loi de 1901, mais aussi à l'autorité militaire. Elles auraient la capacité juridique et la capacité d'ester en justice dans un périmètre que nous tentons de définir.
Nous considérons également qu'elles doivent « représenter, sans distinction de grade ni de sexe, les militaires appartenant à l'ensemble des forces armées et des formations rattachées ou à au moins l'une des forces armées (…) ou à une formation rattachée », de façon à ce qu'elles aient une assise suffisante et que ne se constituent pas des associations nationales représentant qui l'artillerie, qui la cavalerie, etc. En d'autres termes, elles doivent avoir pour périmètre au moins l'armée de terre, l'armée de l'air, la marine ou la gendarmerie, à quoi il faut ajouter la DGA (direction générale de l'armement), le service de santé des armées ou encore le service des essences, qui forment des blocs d'inégale importance mais de culture spécifique.
Dans ce régime général, le législateur réitérerait, pour que les choses soient bien claires, l'obligation d'indépendance par rapport aux partis politiques, aux confessions, au commandement, aux intérêts économiques, à des États étrangers. Les associations professionnelles nationales de militaires devraient avoir leur siège social en France alors que, dans le régime de la loi de 1901, une association peut avoir son siège à l'étranger.
Nous avons en revanche écarté l'hypothèse d'un système de dissolution administrative, considérant qu'un tel dispositif se trouverait en forte contradiction avec le régime assez libéral de la loi de 1901 et poserait un problème de constitutionnalité. Nous conservons la possibilité, offerte par le droit commun, que l'autorité administrative saisisse le juge judiciaire après une mise en demeure restée infructueuse.
Nous définissons ensuite, pour les associations répondant aux conditions que je viens d'indiquer, un régime plus particulier d'association représentative. En effet, la jurisprudence de la CEDH implique non seulement de reconnaître l'existence d'associations mais aussi de leur garantir la « substance » du droit syndical au sens européen, à savoir le droit d'être entendues par les autorités et le commandement – « l'employeur », au sens où la Cour l'entend pour l'application de l'article 11 de la Convention.
L'appréciation de la représentativité des associations nationales, dans les champs que nous avons indiqués, tiendra compte de la diversité des grades et des fonctions représentés et des effectifs d'adhérents. Dès lors que cette audience sera jugée suffisante, elles pourront être entendues par les autorités ministérielles et militaires, mais toujours au niveau national. Leurs représentants seront appelés à siéger dans les instances et conseils d'administration d'établissements qui traitent des questions relatives à la condition militaire, notamment la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, l'Établissement public d'insertion de la défense, les fonds de prévoyance. Il est légitime, par exemple, que des associations professionnelles nationales de militaires de l'armée de l'air siègent au conseil d'administration du Fonds de prévoyance de l'aéronautique.
Les associations représentatives pourraient également s'adresser directement au Haut comité d'évaluation de la condition militaire et être entendues par lui, à charge pour le Haut comité de réaliser chaque année une évaluation de l'état du dialogue dans les armées.
Nous avons enfin pris parti sur la question, difficile à trancher, de l'articulation entre le système institutionnel – présidents de catégorie, conseils de la fonction militaire, Conseil supérieur de la fonction militaire – et les associations nationales représentatives. Les autorités souhaitent avoir des interlocuteurs. Il est par exemple frustrant, pour un ministre de l'Intérieur, de ne pouvoir rencontrer des associations représentatives de la gendarmerie alors qu'il peut s'adresser directement aux syndicats de la police.
Pour ce qui est des instances institutionnelles de dialogue, il nous est apparu qu'il fallait ménager des étapes. La situation est mûre pour les introduire au moins au sein du CSFM mais, à ce stade, on ne saurait instaurer un système général de représentation dans les CFM, dans la mesure où ces instances fonctionnent bien et sont elles-mêmes en évolution. Il ne faudrait pas essayer, par excès de précipitation, de faire marcher les quatre forces armées au même pas. Chacune aura des associations et le système doit rester ouvert de ce point de vue. Le législateur peut laisser la main au pouvoir réglementaire, comme c'est le cas aujourd'hui.
Soit dit en passant et pour avoir participé à une session, je crois que l'effectif du CSFM est trop important. Avec quatre-vingt-six membres, il s'agit déjà d'une assemblée ! L'introduction de représentants d'instances représentatives – nous proposons que ce soit dix-huit mois au plus tard après la publication de la loi – devrait être l'occasion de revoir sa composition.
Telles sont les perspectives que nous avons suggérées au Président de la République : ne pas demander le renvoi devant la Grande Chambre ; préparer un projet de loi distinguant les réformes immédiates indispensables et les évolutions ultérieures.
Toute novation comporte évidemment des risques de dérive. Le premier est que les associations en viennent à se comporter comme des syndicats. Il appartiendra à l'État d'être vigilant et à la communauté militaire de faire preuve de suffisamment de maturité pour l'éviter. Le second est que les associations deviennent des moyens de pression sur le Gouvernement, utilisés par tel ou tel groupe de pression interne à l'État.
Je ne crois pas que le contexte lié aux récents attentats soit de nature à changer les choses. La nécessité juridique existe et le cadre qu'élaborera le législateur doit pouvoir résister à l'évolution des missions de nos forces et aux crises que traverse notre pays. En opérations extérieures ou dans un sous-marin nucléaire en patrouille, il va de soi – et tout le dispositif y conduira – que l'on ne tiendra pas de réunions associatives, et il en va de même en opérations intérieures. Il revient au commandement de veiller à éviter les dérives.