Intervention de Robert Dussey

Réunion du 21 janvier 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Robert Dussey, ministre des affaires étrangères et de la coopération de la République togolaise :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés membres de la Commission des affaires étrangères, avant toute chose, permettez-moi de m'incliner devant la mémoire des dix-sept victimes des horribles attentats survenus à Paris, entre le 7 et le 9 de ce mois, au siège de Charlie Hebdo, à Montrouge et à la Porte de Vincennes. Que la France, si durement éprouvée, ainsi que les familles éplorées trouvent ici l'expression renouvelée de la solidarité et de la sympathie du Président de la République - qui, vous l'avez rappelé, madame la présidente, était présent lors de la marche du 11 janvier 2015 à Paris -, du Gouvernement et du peuple togolais tout entier. Avec nos pensées émues, nous adressons aux blessés nos souhaits ardents de prompt rétablissement. Je vous informe que, contrairement à certains pays de la sous-région, le Togo n'a subi aucune manifestation anti-française ou contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo.

Madame la présidente, c'est pour moi à la fois un insigne honneur et un grand privilège d'avoir à prendre la parole devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale française. C'est au nom des relations d'amitié et de coopération qui unissent le Togo et la France que vous me faites l'honneur de me recevoir en ce haut lieu de rencontre des représentants du peuple de France et d'expression de la démocratie française, en une période où les relations économiques et culturelles entre la France et le Togo sont au beau fixe. Je saisis l'instant précieux que vous m'offrez pour saluer vivement la politique étrangère de la France, l'une des grandes puissances mondiales, dont l'action internationale est reconnue et favorablement accueillie par les pays épris de paix, de liberté et de justice, dont mon pays, le Togo.

Comme vous le savez, le Togo continue avec sagesse de se construire progressivement sous l'autorité du Président de la République, le Président Faure Gnassingbé, qui a poursuivi la politique étrangère inspirée et initiée par ses éminents prédécesseurs, dont l'attachement au rayonnement du Togo dans le monde s'est imposé. Depuis son accession à la souveraineté internationale, le Togo a opté pour une politique extérieure réaliste et pragmatique fondée sur la recherche constante de la paix et la promotion de l'amitié, de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples. Par une démarche fondée sur le principe de la neutralité active, le Togo s'est engagé à n'épargner aucun effort pour entretenir une politique de bon voisinage et pour sauvegarder la paix et la sécurité en Afrique et ailleurs dans le monde. Aussi proscrit-il l'usage de la force dans les relations internationales et continue-t-il d'oeuvrer inlassablement pour le règlement pacifique des crises par la voie du dialogue et de la concertation, ou par tout autre procédé conforme à la Charte des Nations unies et à l'Acte constitutif de l'Union africaine, en particulier. C'est pour cela qu'il continue d'en appeler au règlement négocié des conflits inter-africains et de tous les autres conflits menaçant la paix et la sécurité dans toutes les régions du monde.

Le Togo, comme la France, se soucie de la paix et du développement. C'est le sens de son engagement immuable à respecter les dispositions de la Charte des Nations unies, de l'Acte constitutif de l'Union africaine et du Traité révisé de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), ainsi que de sa participation constante, depuis de nombreuses décennies, à la prévention, à la gestion et au règlement pacifique des crises et conflits armés, particulièrement en Afrique. Ainsi, l'attachement farouche du Togo à la paix et à la sécurité nationales, régionales et internationales l'a souvent conduit à s'engager dans plusieurs opérations de maintien de la paix en Afrique, notamment en République centrafricaine, en Guinée-Bissau, au Darfour, au Libéria, au Rwanda, d'une part, et dans les Caraïbes, plus précisément en Haïti, d'autre part.

S'agissant des opérations de maintien de la paix les plus récentes, il y a lieu de noter l'engagement du Togo au Mali au même moment que la France, dont l'intervention, très remarquée, est vivement appréciée. Vous l'avez rappelé, madame la présidente, le Togo a 1092 soldats sur place, et il contribue aux côtés des forces tchadiennes à assurer le retour de la paix dans le pays. En Côte d'Ivoire, le Togo contribue actuellement au maintien de la paix, avec 530 hommes, dans le cadre de l'opération des Nations unies.

D'une manière générale, le Togo, membre à part entière de la communauté internationale, entend assumer pleinement les responsabilités découlant de ses engagements internationaux et jouer, chaque fois que de besoin, le rôle qui lui incombe dans le cadre de son adhésion à l'ONU, à l'Union africaine et à la CEDEAO.

Le même engagement pour la paix et la sécurité en Afrique et dans le monde a incité le Togo à prendre l'initiative en vue de l'adoption, par les États de la CEDEAO, du protocole de non-agression, signé à Lagos le 22 avril 1978, et du protocole d'assistance mutuelle en matière de défense, signé à Freetown le 29 mai 1981. Il en est de même du protocole de la CEDEAO relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, signé à Lomé le 10 décembre 1999.

Et que dire de la présence du Togo au sein du Conseil de sécurité des Nations unies? Par deux fois, en 1982-1983 puis en 2012-2013, le Togo y a siégé en qualité de membre non permanent. Durant la dernière de ces deux périodes, le Togo s'est pleinement investi pour assurer le respect et la défense des principes et buts de la Charte des Nations unies. De même, il a tout mis en oeuvre pour soutenir et défendre les positions chères à la communauté internationale en général, et les préoccupations des pays africains en particulier.

Dans ce contexte, lors de la présidence togolaise et à son initiative, en 2012, le Conseil de sécurité s'est préoccupé de la criminalité transfrontalière en Afrique de l'Ouest et dans la région du Sahel, confrontées à des activités criminelles dont le trafic d'armes, de drogues et de personnes qui sont de nature à avoir un impact négatif sur la gouvernance, l'État de droit et le développement socio-économique. L'on notera qu'à l'issue de sa délibération, le Conseil, par la déclaration de son président en date du 21 février 2012, a invité le Secrétaire général à prendre en compte « ces menaces dans toutes les stratégies » relatives à la prévention et au règlement des conflits et à la consolidation de la paix et à le « saisir de recommandations précises sur les moyens par lesquels le Conseil pourrait s'attaquer au problème du crime organisé et en particulier du trafic de stupéfiants en Afrique de l'Ouest et dans la région du Sahel ». Cette question cruciale est revenue en décembre 2013 devant le Conseil, sous la présidence française, et a été alors appréhendée sous l'angle spécifique du trafic de drogues en Afrique de l'Ouest.

L'évolution de l'épineux problème du terrorisme, qui prend de l'ampleur dans le monde entier, tout particulièrement en Afrique, explique cette démarche du Togo dans sa quête permanente de la paix et de la stabilité indispensables à la construction de nos pays, au progrès et au bien-être de nos populations. Reconnaissant dans le terrorisme une grave menace pour la paix et la sécurité internationales et une source de vives inquiétudes pour nos peuples, le Togo s'est engagé à agir contre ce fléau extrêmement dangereux et destructeur, en saisissant le Conseil en vue de la recherche des voies et moyens qui permettraient de l'endiguer et de préserver les vies humaines et les acquis issus des inestimables sacrifices consentis par nos populations pour assurer le développement de nos pays.

C'est dans le même ordre d'idées qu'il importe de situer le rôle du Togo au sein des pays du golfe de Guinée, préoccupés par l'impérieuse nécessité de conjuguer leurs efforts et leurs moyens pour mener à bien la lutte contre l'insécurité en mer sous toutes ses formes.

En effet, ce phénomène continue de prendre de l'ampleur et devient de plus en plus inquiétant dans le golfe de Guinée. C'est pourquoi le Togo, ayant à l'esprit les initiatives et les actions déjà engagées dans cette zone, a apporté, en tant que membre du Conseil de sécurité, une contribution substantielle à l'adoption de la résolution 2039 (2012) qui a mis l'accent sur la nécessité pour les pays d'une approche globale dans le cadre d'une concertation régionale et internationale pour soutenir les efforts nationaux, et a appelé les États de la CEDEAO et de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) à oeuvrer à l'adoption d'une stratégie régionale face à cette question préoccupante.

Dans le même esprit, au nom de la vision découlant de la conférence des pays du golfe de Guinée sur la piraterie maritime qui s'est tenue à Yaoundé les 24 et 25 juin 2013, ainsi que de la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans à l'horizon 2050 de l'Union africaine, le Togo accueillera les 6 et 7 novembre 2015, soit trente jours avant le sommet de Paris, une session extraordinaire de la conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine consacrée à la sécurité maritime et au développement économique en Afrique.

Madame la présidente, jamais le monde n'a fait face à une telle recrudescence du terrorisme, de la violence, de la cruauté et de la barbarie. Les divers groupes terroristes, dont Al-Qaida, AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique), Daech, Boko Haram et le MUJAO (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest), qui sèment la terreur, la désolation et la mort à travers le monde, et particulièrement en Afrique de l'Ouest, sont des obstacles réels à la volonté implacable des nations d'édifier une paix durable.

Pour le Président Faure Gnassingbé, Boko Haram est une menace régionale et face à une menace régionale, il faut une réponse régionale. Les prises d'otages, les persécutions criminelles récurrentes et les actes cruels perpétrés contre les hommes, les femmes et les enfants par Boko Haram dans la région ouest-africaine ne peuvent que susciter l'indignation, la réprobation et la condamnation du Togo qui demeure un ardent défenseur de la paix, de la sécurité et de la liberté, autant pour les peuples que pour les individus.

S'agissant de la coopération internationale, se fondant sur les principes qui régissent sa politique étrangère, le Togo poursuit ses efforts dans le cadre africain et international en vue de l'instauration d'un ordre mondial qui favoriserait des relations économiques justes et équitables entre les pays du Nord et ceux du Sud, et offrirait par là de meilleures conditions de vie à l'humanité tout entière, conformément aux buts et aux principes de l'Organisation des Nations unies.

Dans le même registre, je rappelle que la CEDEAO, créée en 1975, à l'initiative conjointe du Togo et du Nigéria, à l'effet de promouvoir l'intégration économique et politique de notre sous-région, continue de travailler ardemment à résoudre les problèmes régionaux. La participation active du Togo à la vie et au fonctionnement de cette institution, comme à ceux de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), traduit l'engagement irréversible de mon pays à apporter sa pierre au renforcement de l'unité et au progrès du continent africain.

La politique d'amitié, de solidarité et de coopération mutuellement avantageuse entreprise et poursuivie par le Togo découle des principes qui sous-tendent sa politique intérieure, fondée sur la recherche permanente du raffermissement de l'unité nationale et de la cohésion sociale, gages de l'essor de notre pays.

À cette fin, le Président de la République s'est attelé à imprimer à notre pays la marque d'une nouvelle vision politique et d'une nouvelle vision du développement depuis son arrivée au pouvoir en 2005. En matière politique, le Togo a parcouru un long chemin depuis cette époque, entreprenant des réformes hardies tendant à consolider la paix, la cohésion et la réconciliation nationale et à assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de la République, afin d'approfondir l'ancrage de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que la promotion des droits de l'homme et des libertés publiques et individuelles.

Pour ce qui est de la poursuite des réformes, le Président de la République a réaffirmé le 31 décembre 2014, à l'occasion de son message à la nation, sa ferme détermination à y veiller. Se fondant sur la huitième recommandation du rapport de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR), qui souligne la nécessité de régler la question des réformes institutionnelles dans le cadre d'une réflexion approfondie sur l'adaptation à nos réalités sociologiques du modèle en vigueur dans notre pays, le Chef de l'État a annoncé la mise en place d'une Commission de réflexion sur les réformes politiques. Composée d'historiens, de personnalités politiques, de juristes, de sociologues et de représentants de la société civile, cette commission est appelée à proposer, dans un bref délai, un texte de réforme politique, institutionnelle et constitutionnelle qui tienne compte de notre histoire et reflète nos réalités afin de répondre aux aspirations les plus profondes du peuple togolais.

C'est en ce sens qu'une attention particulière a été accordée à l'adoption d'un nouveau cadre électoral consensuel qui garantisse, en vue des élections futures, les conditions d'élections libres, démocratiques, équitables, transparentes et crédibles, avec notamment la mise en place de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à composition inclusive et équilibrée, à laquelle participent toutes les tendances politiques et la société civile. L'introduction de la biométrie en vue de l'enrôlement des électeurs et la confection d'un fichier électoral fiable et sécurisé offrent des garanties suffisantes pour des élections justes, fiables et acceptables.

Grâce à ces actions, le Togo dispose aujourd'hui d'une nouvelle Assemblée nationale pluraliste, représentative des forces politiques et des diverses opinions de la nation togolaise, apte à délibérer et à prendre légitimement des décisions concernant la vie de notre pays.

Aujourd'hui, les initiatives et les mesures prises par l'État ont permis de réaliser des avancées remarquables en matière de gouvernance économique et financière et de lutte contre la corruption. Désormais, l'Office togolais des recettes (OTR) empêche, pour ne pas dire plus, tout détournement des fonds publics, en surveillant les recettes de l'État : c'est la fonction des commissaires, nommés sur proposition d'un cabinet d'expertise.

À l'heure où le Togo s'efforce de gagner le pari de la diplomatie économique, j'aimerais rappeler la détermination du gouvernement togolais à promouvoir le climat des affaires et à améliorer l'environnement réglementaire et institutionnel en faveur du secteur privé, ainsi que les services fournis aux entreprises, notamment en matière d'infrastructures, de sécurité foncière et juridique, le tout appuyé par la modernisation de la justice.

En s'engageant, comme il le fait depuis un an, dans la diplomatie économique, le Togo entend optimiser davantage ses relations de coopération en sortant des sentiers battus de la diplomatie classique pour inscrire prioritairement sa politique extérieure dans le champ de l'économie, socle du progrès social et du bien-être des populations.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je tiens à vous réitérer mes vifs remerciements pour l'invitation et l'accueil dont ma délégation et moi-même avons bénéficié en ce haut lieu. Persuadé que le Togo peut toujours compter sur l'amitié, la solidarité et le soutien de la France pour réaliser son essor économique et social, je forme, pour votre grand et beau pays ainsi que pour le peuple français, des voeux ardents de bonheur et de prospérité croissants.

Je vous remercie pour votre attention.

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