Intervention de Damien Carême

Réunion du 21 novembre 2012 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Damien Carême, maire de Grande-Synthe :

Grande-Synthe est située dans le département du Nord et dans la communauté urbaine de Dunkerque. En 1958, il s'agissait d'un village de 1 600 habitants, qui est devenu une ville peuplée de 22 000 personnes du fait de la décision prise par l'État d'implanter Usinor sur le rivage de la mer du Nord. Cette commune ouvrière s'est construite rapidement ; elle compte 64 % de logements sociaux et affiche un taux de chômage de 20 % ; le revenu annuel moyen de ses résidents s'élève à 9 600 euros et 25 % d'entre eux ne possèdent pas de véhicule.

La ville est entourée de 15 sites Seveso. En 1971, elle n'était composée que de champs à perte de vue ; le conseil municipal a donc décidé de procéder à une vaste campagne de plantation d'arbres afin de faire entrer la nature dans la zone à urbaniser en priorité (ZUP) qu'était Grande-Synthe. Aujourd'hui, 350 hectares sont urbanisés alors que 400 hectares se situent en zone naturelle. La superficie d'espace vert par habitant atteint 127 m² et 95 % de la population de la commune vit à moins de 300 mètres d'un espace naturel ou d'un parc. Cette présence de la nature dans la cité donne corps au concept de « ville durable » et redonne le goût de vivre en ville, ce qui dispense de s'installer dans le périurbain et permet de lutter contre l'artificialisation des sols qui fait perdre à ces derniers les qualités du milieu naturel.

Avant le choc pétrolier, la population du dunkerquois augmentait fortement. La ville de Grande-Synthe a donc décidé, en 1974 la construction d'un nouveau quartier dans une zone d'aménagement concerté (ZAC). S'appuyant sur les expériences belge et néerlandaise, des canaux ont été installés dans les quartiers de la ville afin de drainer les eaux pluviales. Cette trame bleue succédait alors à la trame verte.

En 1995, la commune a opté pour la gestion différenciée de ses espaces verts. Elle a cessé – presque complètement – d'utiliser des produits phytosanitaires ; ceux-ci servent aujourd'hui uniquement à éradiquer certaines mauvaises herbes des terrains de sport.

Les services techniques de la ville comprennent une équipe dédiée à la biodiversité. Elle procède chaque année, en lien avec le Conservatoire national botanique, à un inventaire de la faune et de la flore sur le territoire de la commune. Ce recensement montre que certaines espèces ont été réintroduites : quinze espèces d'oiseaux nicheurs étaient identifiées en 1991 alors qu'elles sont aujourd'hui soixante-quatorze.

En 2010, la ville consacrait 7 % de son budget aux espaces publics et à la nature ainsi que 2 % à la biodiversité.

Un projet de recherche, conduit avec la région Nord-Pas-de Calais pour une durée de trois ans et s'intitulant « Les Corridors des Uns sont les Barrières des Autres » (CUBA) vise à étudier les ruptures des corridors biologiques afin de pouvoir les restaurer. La région finance cette étude à hauteur de 100 000 euros sur laquelle un agent de la commune travaille à mi-temps.

Cette politique environnementale contient également une action de sensibilisation de la population. Un centre d'initiation à l'environnement, né dans les années 1970, accueille plus de 8 000 enfants chaque année. Des week-ends nature, ouverts à tous les publics et attirant une cinquantaine de personnes, sont organisés une fois par mois autour d'un thème comme les oiseaux ou les champignons. Un verger pédagogique de quatre hectares, vierge de tout produit phytosanitaire et accessible à tous, est le théâtre d'un grand week-end annuel à l'occasion de la cueillette des pommes. L'année dernière, cinq cents personnes avaient participé à cet événement. Les habitants viennent toute l'année se servir dans ce verger et prélèvent une quantité uniquement destinée à leur consommation. Il constitue également un outil pédagogique d'explication du fonctionnement de la nature.

Avec l'aide du professeur Caudron, phytothérapeute et pharmacien, un jardin des plantes médicinales, très visité, a été créé. Un circuit de biodiversité a également été aménagé dans la ville.

Les deuxièmes assises nationales de la biodiversité ont été organisées à Grande-Synthe en septembre dernier. Destinées aux collectivités territoriales, j'ai souhaité permettre au public d'assister à certaines conférences qui se sont tenues à l'occasion de ces rencontres.

Dans une commune connaissant de nombreuses difficultés sociales, nous souhaitons montrer aux habitants que la biodiversité peut être un facteur de dynamisme économique et de création d'emplois dans l'agriculture biologique et de proximité. Elle constitue aussi un outil pour la politique de la santé.

La ville est lauréate du Grand prix national du fleurissement depuis 1989. Elle a également reçu le Grand prix national de l'arbre en 1992 et 2006 et a été désignée capitale française de la biodiversité en 2010. Ces récompenses permettent de placer les sujets liés à l'environnement au coeur de la vie de la cité.

Depuis septembre 2011, toutes les cantines scolaires de la commune ne servent que de la nourriture provenant de l'agriculture biologique. Les normes juridiques prescrivent 20 % de bio dans les restaurants des écoles, ce qui est une hypocrisie car si cette alimentation est déclarée bonne pour la santé, pourquoi ne pas porter ce taux à 100 % ? Le marché public a été réservé à une entreprise d'insertion ; c'est un établissement ou service d'aide par le travail – un Ésat – qui dispose d'une grande cuisine centrale sur le territoire de Grande-Synthe et qui livre 900 repas par jour. Dans le cahier des charges de ce marché, le bio était imposé. Les denrées biologiques proviennent d'une coopérative située à Arras. Le passage à une nourriture intégralement biologique s'est déroulé par étape – d'abord 20 % puis 50 % – et une action pédagogique envers les parents des élèves et les agents travaillant dans les cantines scolaires a été menée.

Certaines zones naturelles de Grande-Synthe ont été sanctuarisées par le plan local d'urbanisme – le PLU – de la communauté urbaine de Dunkerque, adopté en février dernier. Une démarche a été lancée auprès de la région Nord-Pas-de-Calais pour procéder à leur classement comme réserve naturelle régionale. Ce gel de terres doit favoriser la pérennité de la biodiversité dans le territoire de la commune.

La ville accueille des délégations régionales ou nationales – des membres du conseil syndical du parc naturel régional des Ballons des Vosges furent ainsi reçus il y a quelques semaines – qui veulent s'inspirer de notre action en matière de biodiversité. Elle a signé la Convention des maires en 2009 et a souscrit aux engagements de Durban via l'association internationale des gouvernements locaux pour le développement – l'ICLEI – et l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Enfin, l'index de Singapour va être utilisé par nos services afin de mesurer la biodiversité dans la commune et la comparer à d'autres villes dans le monde.

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