Voilà pourtant ce que va devenir cette proposition de loi si nous l’adoptons aujourd’hui en l’état, ce qui n’est pas envisageable.
Il y a maintenant deux ans, le groupe écologiste nous a présenté une proposition de loi relative au principe de précaution en matière d’ondes électromagnétiques. Ce texte n’était ni fait ni à faire, tout simplement parce que le principe de précaution ne peut pas s’appliquer à la légère. Seule l’utilisation du téléphone portable, à l’oreille, mérite des précautions – j’y reviendrai. Cette proposition de loi était tellement inacceptable qu’elle a été envoyée au placard par la majorité.
Le président Brottes a alors mis en place un groupe de travail afin de travailler à une meilleure rédaction. J’y ai participé et j’ai suivi la préparation de la première lecture de ce texte. À l’époque, le climat était constructif et la rapporteure a fait preuve d’une ouverture que je tiens à saluer. Mais la nouvelle proposition de loi va à l’encontre de tout ce que j’ai pu entendre dans ce groupe de travail, comme si les conclusions des experts avaient été balayées d’un revers de main. C’est lors de l’examen en commission, il y a un an, que tout a basculé : nous avons alors compris que ce texte, réécrit par la rapporteure pour avis, était en fait le cadeau des socialistes à leurs amis écologistes d’alors, juste avant les municipales. En revanche, pour notre pays, notre économie et le numérique, c’est plutôt un cadeau empoisonné.
Sur bien des points cependant, le passage au Sénat a été salutaire et a permis de supprimer plusieurs mesures absurdes. Sur le plan de la procédure, plusieurs de nos demandes, que vous refusiez d’entendre à l’Assemblée, ont été satisfaites, y compris en matière rédactionnelle. L’obligation insensée et franco-française de mentionner les recommandations d’usage sur le téléphone lui-même a par exemple disparu. L’information dans le cadre de la procédure relative aux antennes-relais a été renforcée.
Malheureusement, dans le même temps, certaines mesures ont été votées conformes et nous ne pouvons plus les modifier. C’est le cas du titre, qui évoque la « sobriété » de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Une exposition sobre, voilà qui ne veut pas dire grand-chose. À la limite, nous aurions préféré l’emploi du mot « maîtrise ». Voir cette notion hasardeuse de « sobriété » dans un article du code des postes et des communications électroniques est surprenant. Notons par ailleurs que, lors de l’examen du projet de loi Macron en commission, les parlementaires n’ont pas jugé bon – et pour cause – d’introduire cette notion lorsqu’ils ont réécrit cet article, ce qui veut tout dire.
Que penser aussi de l’interdiction du wifi dans les crèches, en plein développement du numérique éducatif ? Les développeurs vont être ravis. Même consternation devant la désactivation par défaut du wifi dans les écoles primaires : je croyais pourtant que, lors de ses voeux, le Président de la République avait annoncé un grand plan numérique pour l’école. Où est la cohérence ?
Pour le reste, il y a encore bien des points perfectibles dans ce texte. Si, je le répète, la procédure d’information relative aux antennes-relais n’est pas mauvaise, en revanche, la procédure de recours ne doit pas être un cadeau fait à ceux qui veulent retarder systématiquement le déploiement de ces équipements.
Par omission ou volontairement, vous avez complètement éludé l’existence des chartes, qui se développent déjà entre villes et opérateurs. Ces chartes concrétisent la transparence et l’échange d’informations, tout en favorisant l’attention portée aux questions éventuellement suscitées par un projet d’antenne-relais et la formulation de réponses à ces dernières. Or, les seuils réglementaires actuels s’appliquent à ces chartes ; vous avez préféré ajouter des dispositions anxiogènes et conflictuelles, ce qui est regrettable.
Nous parlons là d’installations nécessaires à la couverture du territoire. Or, cette couverture, exigée par l’ARCEP, qui impose des obligations aux opérateurs, est nécessaire au développement des technologies numériques, au sens large, et à l’attractivité des territoires. Elle est réclamée par nos concitoyens. À cet égard, madame la secrétaire d’État, un beau conflit s’annonce dans le cadre du développement du numérique, que le Gouvernement affiche comme priorité pour 2015, et à l’heure où va s’engager la vente des fréquences de la bande de 700 mégahertz. Si je ne mets pas en question la sincérité des intentions gouvernementales sur ce point, je doute en revanche sincèrement que faire passer ici le message selon lequel « le wifi est dangereux » y contribue.
Comme si cela ne suffisait pas, ce texte introduit également beaucoup de complexification, car l’apaisement des écologistes mérite sans doute qu’on lui sacrifie un peu du choc de simplification. Les propriétaires ou fournisseurs vont sans doute être ravis d’apprendre qu’ils devront informer de façon claire et lisible les occupants d’un appartement, à la suite, par exemple, de l’installation d’un four. Car, oui – et c’est assez comique au regard de l’objet de cette proposition de loi, qui mélange tout – les ondes d’un four sont des milliers de fois plus puissantes que celles d’une borne wifi ou d’un portable. Je pense qu’il est bon de le rappeler pour mettre en lumière toute la fragilité du raisonnement qui a conduit à cette proposition de loi.
Le tout donne un sentiment étrange. Appliquer une sorte de principe de précaution – qui n’en est pas un, faute de fondement scientifique –, voilà qui est parfaitement anxiogène. Je vous conseille à cet égard la lecture d’un article très révélateur de la revue Que Choisir, démontrant que les personnes pourfendant les ondes électromagnétiques sont parfois en situation de conflit d’intérêts…