Intervention de Yves Colcombet

Réunion du 21 novembre 2012 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Yves Colcombet, directeur général du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres :

À l'époque où le Conservatoire du littoral fut créé, le mot de biodiversité était inconnu et celui d'écologie restait marginal. La loi du 10 juillet 1975 portant création du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres fut d'ailleurs l'occasion de faire une référence explicite à l'écologie puisque le texte conférait à cet établissement la mission de mener « une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral, de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique ». L'objectif initial du Conservatoire était de lutter contre l'urbanisation. Il a en effet été conçu dans un contexte de programmes d'État d'envergure et d'une décentralisation inexistante par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale – la DATAR – pour empêcher le développement de situations irrémédiables dans certains espaces très sensibles : de grands ensembles étaient aménagés sur le littoral, d'où l'idée de préserver une vision alternative de l'avenir de ces espaces.

La densité de population résidant à moins de 500 mètres des côtes est 3,2 fois supérieure à la moyenne nationale, tandis que celle de logements y est 6,5 fois plus élevée que dans l'ensemble du pays. Quant à la part des territoires artificialisés, elle est 5,5 fois plus importante dans ces bandes du littoral que dans le reste de la France. La création du Conservatoire en 1975 répondait donc à un enjeu précis.

La spécificité de cet établissement réside dans son rôle d'acheteur. L'acquisition est irrémédiable : jamais un bien classé dans le domaine propre n'a été rétrocédé. Cette garantie apportée par l'État est au coeur de la puissante politique de protection mise en oeuvre par le Conservatoire. Elle a favorisé le développement d'un climat de confiance permettant à la biodiversité d'être défendue, au public d'être accueilli dans de bonnes conditions et au patrimoine d'être restauré. Ce système conservatoire repose donc sur un établissement de l'État qui fédère l'action des collectivités, des associations et des citoyens.

La stratégie du Conservatoire s'inscrit dans le long terme. Son but est d'acquérir le tiers du littoral pour en préserver le caractère naturel ; cette notion du tiers naturel a émergé dans les communes et les départements au cours des années 1960. Aujourd'hui, entre le tiers et la moitié du chemin a été parcouru. À l'appui de ce dessein, une cartographie par zone dresse la cible à atteindre en 2050. Malgré le rythme actuel d'avancement et les contraintes budgétaires, la perspective de 2050 est maintenue, même si elle pourrait être repoussée à 2070. En tout cas, parvenir à protéger le tiers naturel ne constitue pas une utopie. Aujourd'hui, le Conservatoire sauvegarde 150 000 hectares dont 85 000 ont été achetés sur le marché foncier, le prix moyen du mètre carré acquis s'établissant à environ un euro.

Une fois devenu propriétaire des terrains, le Conservatoire en délègue la gestion. Au cours de ses premières années d'existence, l'action de l'établissement pouvait susciter de la méfiance de la part des communes sur cette intrusion de l'État, mais en confiant la gestion des terrains aux communes – celles-ci étant aidées par les départements grâce à la TDENS et par les régions –, la crainte de voir les plus beaux sites confisqués s'est dissipée. De plus, ces derniers étaient préservés, échappaient aux enjeux locaux et aux convoitises des promoteurs immobiliers et pouvaient être accessibles au public.

Les terrains sont surveillés par 800 gardes du littoral, agents des communes ou du département comme en Haute-Corse. La plupart d'entre eux portent l'uniforme du Conservatoire du littoral et reçoivent pour mission de protéger les sites au titre du droit de propriété. Ils sont en même temps des acteurs de la vie locale puisqu'ils accueillent le public et font visiter les sites qu'ils entretiennent ; ils sont placés sous l'autorité des maires ou des présidents d'EPCI dont ils relèvent.

Le Conservatoire fonctionne, comme l'a expliqué Mme Le Dissez, grâce à la taxe annuelle de francisation des navires de plaisance qui rapporte un peu plus de 40 millions d'euros à l'État, lequel en reverse 37 à l'établissement. En outre, des subventions sont accordées par les collectivités locales et les agences de l'eau afin que le Conservatoire puisse acquérir les espaces les plus sensibles. Le budget annuel de l'établissement s'élève à 50 millions d'euros.

Le Conservatoire emploie seulement 180 personnes mais les régions et les départements l'appuient également pour sa gestion. Sa relation avec les collectivités locales est donc très étroite.

Enfin, le conseil d'administration est composé, pour une moitié, de représentants de l'État et de personnalités qualifiées et, pour l'autre, de parlementaires, d'élus municipaux et des présidents des conseils de rivage.

Les décisions d'acquisition et de gestion des terrains sont prises par le conseil d'administration après avoir recueilli l'avis de ces conseils de rivage – lesquels se réunissent une à deux fois par an pour examiner les projets de l'établissement. Les régions littorales sont regroupées dans ces conseils à l'échelle des façades maritimes : un conseil de rivage pour la Manche et la mer du Nord, un pour la Bretagne et les Pays de la Loire, un pour l'Atlantique d'Aquitaine et de Poitou-Charentes, un pour la Méditerranée, un pour la Corse, un pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon, un pour la Réunion et la collectivité territoriale de Mayotte et un autre pour les lacs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion