Intervention de Corinne Casanova

Réunion du 21 novembre 2012 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Corinne Casanova, administratrice de l'Assemblée des communautés de France :

Je me réjouis de la diversité de vos questions, qui montrent – contrairement à certains textes de loi dont il est difficile de démêler l'intention – que le législateur mène une réflexion en profondeur sur ces sujets.

Je crois, madame Geneviève Gaillard, que l'engagement en la matière suppose toujours une forte conviction. Si la musique des mots « développement durable » et « biodiversité » commence à être familière à nos concitoyens, ce qui se cache derrière ces notions ne l'est pas encore.

La prise de conscience globale avance, mais, dans le même temps, les relations bilatérales deviennent difficiles, par exemple entre naturalistes et agriculteurs, entre naturalistes et élus, etc. On a mentionné les grands hamsters d'Alsace, dans ma région ce sont les chiroptères et les crapauds. Les problèmes se cristallisent sur des questions ponctuelles et locales, ce qui rend les acteurs beaucoup moins clairvoyants sur les questions globales.

Il est également fréquent que l'on oppose des préoccupations sociales à ceux qui insistent sur la nécessité de consacrer des moyens à la biodiversité. À l'évidence, on a du mal à faire le lien entre les deux, tout comme on a du mal à reconnaître que les investissements pour la biodiversité sont souvent de petites sommes à fort effet de levier.

Pour ce qui est des échelons de concertation, la formule des collèges multiples – comme il en existe souvent dans les conservatoires – rassemblant des personnalités qualifiées, des élus, des naturalistes, me semble particulièrement pertinente. Ce type d'instance créant une obligation d'acculturation et de compréhension réciproque pour parvenir à un consensus est encore trop rare.

Une autre question concernait la formation. Je crois que celle-ci est nécessaire à tous les niveaux scolaires et peut commencer dès le plus jeune âge. Le thème de la biodiversité est un excellent support d'activités ludiques qui, mieux que des leçons, permettront de faire passer des messages aux jeunes enfants.

Un autre enjeu est d'établir un lien entre les préoccupations des élus et la recherche fondamentale. À cet égard, il est important de savoir de quelle biodiversité on parle. Il est difficile de s'approprier, au niveau local, les protocoles des nombreux observatoires nationaux. L'échelle départementale me semble plus satisfaisante pour ce qui est de l'observation. C'est ainsi que la Savoie est dotée d'un observatoire de la biodiversité regroupant dix-neuf partenaires. Il faut également mentionner le programme « RhoMeo » – mise en oeuvre d'un observatoire de l'évolution du bon état des zones humides dans le bassin Rhône-Méditerranée –, qui associe chercheurs et gestionnaires pour construire une méthode d'observation. C'est un modèle qui pourrait être utilement dupliqué.

L'évaluation est encore trop descendante, trop éloignée des préoccupations des gestionnaires, alors qu'elle devrait s'exercer à des échelles appropriables par les acteurs.

Une remarque également sur la focalisation peut-être excessive sur les zones humides, qui représentent seulement 3 % du territoire. Il ne faut pas oublier le reste ! De même, on l'a dit, on a tendance à se focaliser sur les éco-quartiers alors qu'il faut voir plus large.

Pour en venir aux questions sur l'agence nationale de la biodiversité, je crois qu'il existe déjà de nombreuses structures : Atelier technique des espaces naturels, Parcs nationaux de France, Agence des aires marines protégées... Une agence de la biodiversité pour soutenir la diversité des agences ? On n'en a pas forcément besoin ! Je crains que l'on ne crée encore une structure en tuyaux d'orgue, là où on a surtout besoin de transversalité.

S'il s'agit au contraire de lier les politiques publiques entre elles et d'avoir une action horizontale entre défense du patrimoine naturel, politique de l'eau, déplacements, énergie, cette création nationale, accompagnée d'une déclinaison régionale pour « coller » aux problèmes, aurait alors du sens. Une telle agence pourrait également servir de cadre national pour l'évaluation et contribuer à faire remonter les préoccupations des élus vers la recherche fondamentale.

En ce qui concerne le rôle que pourraient jouer les régions dans l'élaboration d'une loi-cadre sur la biodiversité, l'Assemblée des communautés de France est impatiente de prendre part à des débats décentralisés. Comme pour le débat national sur la transition énergétique, nous attendons seulement le signal de départ.

Soit dit en passant, il serait opportun de préciser que le produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles « est affecté » – et non, comme dans la rédaction actuelle, « peut être affecté » – aux opérations énumérées dans la loi. En effet, certains départements sont moins vertueux que d'autres.

En matière de dotation et de péréquation, l'idée est davantage de financer une dynamique, un flux ou une action que de gérer une sorte d'« héritage ». Je ne suis pas persuadée de la pertinence d'une mise en péréquation du « capital naturel ».

Nous sommes en revanche tout à fait d'accord pour que la région soit le chef de file des politiques en faveur de la biodiversité, dès lors qu'un travail de co-construction est réalisé en amont des documents et qu'il existe une articulation pour les rendre opérationnels. Nous participons ainsi à l'élaboration du schéma régional de cohérence écologique de la région Rhône-Alpes, qui se traduira notamment par le passage d'une cartographie au 125 000e à une cartographie au 1100 000e. Le choix de cette échelle me paraît convenir à la prise en compte des enjeux régionaux. Un grossissement supérieur nuirait à une vision globale.

Cela dit, il est important que les préconisations et mesures du SRCE précisent ce qui reviendra à la région et ce qui pourra revenir à d'autres opérateurs. L'action en matière de foncier et de limitation de l'artificialisation des sols, en particulier, relève plutôt de la compétence des collectivités d'échelon inférieur, notamment des EPCI.

Enfin, j'ai constaté récemment à la Réunion que beaucoup de plantes invasives dont on s'emploie à combattre l'expansion dans la forêt primaire sont en même temps en vente chez les pépiniéristes. Comment parvenir à interdire, à la Réunion comme en métropole, la vente de plantes invasives ?

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