Intervention de Michel Rosenblatt

Réunion du 20 janvier 2015 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Michel Rosenblatt, secrétaire général du syndicat des cadres de direction, médecins, dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés, SYNCASS-CFDT :

La dette hospitalière a été multipliée par trois en dix ans, passant de 10 milliards d'euros à la fin de 2003 à 30 milliards à la fin de 2012. Une partie de cette dette est constituée d'emprunts structurés. Les évolutions récentes, notamment du fait des changements de parité du franc suisse, peuvent inquiéter.

L'un des thèmes qui vous intéressent concerne la capacité des hôpitaux publics à emprunter et à rembourser, les deux sujets étaient bien évidemment liés. Les prêteurs ne vous prêtent que s'ils ont une certitude raisonnable de revoir leur argent, majoré des intérêts.

Pourquoi la situation est-elle tendue aujourd'hui ? L'endettement des hôpitaux n'est pas né par hasard. C'est la conséquence d'un choix déterminé de relance des investissements hospitaliers à partir de 2002 à travers le plan « Hôpital 2007 » qui a été prolongé par le plan « Hôpital 2012 ». Le constat était à l'époque que les hôpitaux qui avaient, pour des raisons essentiellement financières, limité leurs efforts d'investissements en infrastructures et en équipement, étaient dans une situation de désolation et qu'il fallait donc relancer la machine, ce qui pouvait d'ailleurs contribuer à relancer la croissance, soit par des subventions d'investissements, soit par le recours à l'emprunt, soit par des partenariats public-privé (PPP).

Les subventions d'investissements ont essentiellement bénéficié aux cliniques. C'était la formule la plus avantageuse puisqu'elle permettait de s'affranchir des suites, notamment dans le temps.

Les PPP ont été assez rapidement abandonnés ou réduits en raison de leurs surcoûts. Ils avaient l'avantage de faire échapper les établissements à l'endettement puisque ces partenariats pouvaient donner lieu à un loyer et non à une dette, y compris lorsque l'établissement prenait des engagements de très longue durée. Au regard des ratios comptables de la France et de l'endettement global du secteur public, les PPP permettaient d'échapper au périmètre de la dette.

Les hôpitaux publics ont été très fortement concernés par le recours à l'emprunt. Ensuite, la machine s'est emballée parce que le mécanisme a été doublement pervers. D'une part, les investissements ont été organisés sur des paramètres économiques considérés comme stables alors qu'en définitive ils ne l'étaient pas. D'autre part, tout a incité à faire trop grand. On a ainsi conçu des usines à déficit.

On a privilégié le financement par l'emprunt par rapport à la dotation directe en capital parce que cela permettait un effet de levier ; et on a imposé des normes techniques très optimistes et exagérément exigeantes, ce qui fait qu'on a construit trop grand et trop cher. La compensation du coût des investissements qui était promise n'a pas été assurée. Les dotations des missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (MIGAC) devaient compenser le surcoût des amortissements et des frais financiers. Or cela a très souvent été oublié, notamment lorsqu'on est passé à l'intégration dans les fonds d'intervention régionale (FIR). Souvent, des promesses de financement sur le long terme – dix, vingt, voire trente ans – se sont perdues en cours de route lors du changement de système. Les hôpitaux se sont retrouvés sans l'assurance des ressources qui leur étaient promises.

La T2A (tarification à l'activité) évolue chaque année à la baisse, ce qui impose des volumes d'activité croissants pour conserver le même niveau de ressources. Lorsque le territoire ne permet pas cette augmentation d'activité, on se retrouve avec des diminutions de ressources et donc des déficits, à dépenses inchangées.

Le système s'est dégradé sensiblement assez rapidement et la situation actuelle n'incite pas à davantage d'optimisme. On peut estimer que la moitié des hôpitaux connaissent actuellement des difficultés d'investissements au regard des trois ratios imposés : le résultat déficitaire du compte de résultat principal qui doit rester inférieur à 2 % des recettes ; la capacité d'autofinancement qui doit être supérieure à 2 % du total des produits ; la capacité d'autofinancement qui doit être supérieure au coût du remboursement de la dette. À cela s'ajoute ce que la Cour des comptes a préconisé, à savoir un taux de marge brute supérieur à 8 %. Ces paramètres sont de moins en moins assurés, et l'effet de ciseau qui s'est produit fait que la situation est aujourd'hui durablement dégradée. Les perspectives à venir – le plan triennal et les autres mesures – conduisent à penser que la situation ne s'améliorera pas.

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