Intervention de éric-Alban Giroux

Réunion du 20 janvier 2015 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

éric-Alban Giroux, directeur d'hôpital :

Les plans « Hôpital 2007 » et « Hôpital 2012 » ont été vécus comme un soutien davantage au monde bancaire qu'au monde hospitalier public. Le privé a bénéficié de subventions tandis que le public a eu le droit d'emprunter moyennant la couverture de ses intérêts d'emprunt ou de faire des partenariats public-privé. En fait, on a demandé au public, soit de s'endetter définitivement sur une longue période, soit de supprimer complètement son titre IV, c'est-à-dire les amortissements et les frais financiers, au profit d'un bâtisseur privé, c'est-à-dire d'avoir les pieds et poings liés à un bâtisseur privé qui faisait payer cher le moindre changement de cloison. Par bonheur pour lui, le secteur privé a eu du cash. Nous sommes tous désolés de ne pas avoir eu le même traitement de faveur. Peut-être fallait-il le faire – ce n'est pas à moi d'en juger –, mais d'une certaine manière il s'est agi d'un détournement de l'argent de la Sécurité sociale vers des fonds bancaires qui ne sont pas des fonds publics.

En ce qui concerne le dimensionnement des structures, les « sages de la rue Cambon » disent qu'à l'excès d'optimisme de la tutelle s'est ajouté un excès d'optimisme des dirigeants hospitaliers sur le devenir de leurs structures. Plusieurs de mes collègues ont rappelé que l'excès d'optimisme a souvent été dû à l'exigence du respect des normes. Soyons très clairs : quand on impose à un secteur des normes dispendieuses, il ne faut pas s'étonner ensuite qu'elles le soient ! La plupart des dirigeants hospitaliers sont choqués par le niveau de sécurité incendie exigé, le nombre de mètres carrés demandé par chambre, le ratio de personnel qu'on nous impose. Que faut-il faire ? Fermer toutes les structures publiques en refusant catégoriquement d'assumer ce que l'on nous impose ? Car si l'on ne suit pas les normes, on n'ouvre pas. Donc, on les assume. Ensuite, il est légitime de calculer le retour sur investissement (ROI return on investment). C'est ce que font le public et le privé. Le public n'a pas attendu bien longtemps pour faire ses propres business plans. Chez nous, cela s'appelle un état de prévision des recettes et des dépenses (EPRD), un plan global de financement pluriannuel (PGFP), une programmation pluriannuelle des investissements (PPI). Le système est exactement calé sur les mêmes principes que ceux appliqués par le secteur privé et cela dénote la même volonté de projection. On nous dit que nous avons mal calculé, que nous avons été trop optimistes. Nous avons en effet été optimistes sur l'appréciation des augmentations d'activités mais, au bout du compte elles se sont cependant avérées justes : vieillissement de la population, démographie médicale en berne en ce qui concerne la médecine libérale de ville, afflux massif de la population peu « monétisable » aux urgences, ainsi que de personnes âgées, de patients polypathologiques, avec éventuellement des problèmes sociaux. Pardonnez-moi de dire que l'on sait où va cette population : elle vient chez nous. En réalité, nous n'avons pas été optimistes, nous avons calculé que nous affronterions cet afflux massif de population et c'est ce qui s'est produit. Et ce n'est pas fini : les projections que l'on peut faire sur les quinze ans à venir montrent que ce phénomène continuera.

Comme on a construit trop grand, on n'arrive pas à avoir un bon retour sur investissement, il faut en effet tenir compte du mécanisme dit de l'effet prix-volume. Je vous l'explique : dans le mécanisme de la T2A, on prend par exemple comme année de référence l'année 2014 et l'on dit que la Nation autorise la réalisation de dix prothèses de hanche payées chacune 10 euros. L'ONDAM hospitalier pour l'année 2014 pour les prothèses de hanche est donc de 100 euros et on n'a pas en principe le droit de le dépasser. Mais à la fin de l'année, s'il s'avère que l'on a fait non pas dix mais douze prothèses de hanche, on a donc dépassé l'ONDAM de vingt euros. Premier mécanisme : en 2015, on réduit la valeur de l'opération pour la prothèse de hanche de dix euros à huit euros, c'est-à-dire que l'on diminue le prix de l'unité pour conserver un volume d'ONDAM inchangé. Deuxième mécanisme : on demande de rendre les deux euros dépensés en plus. Cet effet prix-volume, qui était un système de régulation de l'ONDAM, n'est pas lié à une attractivité qui serait magique des dirigeants hospitaliers mais à l'augmentation des besoins de populations qui sont venues massivement et de plus en plus vers les structures d'urgence. Cet effet prix-volume a fait chuter complètement nos bases de calcul de ROI. Pour notre part, nous avions prévu les augmentations de populations, mais l'ONDAM n'a pas été relevé en conséquence.

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