Oui, il y a un nombre significatif d'établissements qui sont dans une situation d'impasse ou de très grande difficulté.
S'agissant du titre IV, l'incidence de la situation de l'endettement est majeure, ce qui conduit à ce que nous n'ayons plus de marge de manoeuvre. Bien sûr, de ce fait les investissements à venir sont obérés. Pourtant, il faut adapter le service public à de nouvelles activités. On ne peut pas travailler dans des services d'urgences qui ont été conçus pour 30 000 visites s'il y en a 90 000 par an. Cette augmentation d'activité conduit à adapter, rénover nos locaux, y compris pour répondre aux mises aux normes qui ont un effet inflationniste marqué. Il faut savoir qu'au bout de dix ou quinze ans, les locaux hospitaliers sont dans un grand état de vétusté du fait de la nature de l'activité et de l'ampleur des flux qui se présentent aux portes de nos hôpitaux.
La situation a un impact sur la section de fonctionnement à un point tel que nous n'avons plus du tout, soit de capacité d'amortissement, soit de marges de manoeuvre, ce qui, par définition, a des répercussions sur l'investissement à venir. Parfois, certaines ARS nous empêchent même formellement d'investir. Mon établissement devait investir pour répondre aux normes d'incendie, mais j'ai reçu l'injonction de ne plus le faire parce que ma section d'investissement ne me le permettait plus.
Cela a également un impact sur la qualité des soins parce que, quand on n'a pas de marge de manoeuvre, le poids de l'investissement est porté directement par l'exploitation : ainsi, là où l'on devrait avoir une infirmière et deux aides-soignantes la nuit pour trente-quatre lits et alors qu'il y a chaque nuit entre six et huit entrées, on n'a plus qu'une infirmière et une seule aide-soignante. Nous sommes à la corde de la corde. La qualité s'en ressent, sans oublier l'épuisement du personnel et l'absentéisme éventuellement consécutif.
Des tensions sociales apparaissent également au sein de l'établissement. Quand on n'a pas de marge de manoeuvre, un déménagement devient un véritable problème. Cela crée aussi des tensions avec l'ARS puisque la relation avec l'ARS n'est pas une relation d'accompagnement, même s'agissant de nos grands investissements. Lors de la reconstruction d'un hôpital par exemple, nous aurions pu mettre en place pendant quelques années une équipe de reconstruction avec l'ARS à côté de l'équipe de fonctionnement nécessaire pour continuer d'assurer le tout-venant. Mais ce type d'accompagnement technique n'existe pas. Nous avons plutôt un rapport de tutelle et de défiance qui vient complexifier les choses. J'ajoute que le partenariat est certainement gage de qualité et qu'il permet de résoudre des problèmes extrêmement complexes, ce qu'une équipe de quatre, cinq ou six adjoints avec un ou deux ingénieurs ne peut pas faire.
Le grand groupe qui reconstruisait mon hôpital avait mobilisé quatorze ingénieurs, alors que, pour ma part, je n'en disposais jusqu'alors que d'un. J'en ai recruté un autre pour faire face à ces quatorze ingénieurs. Mais le service public hospitalier n'était pas en mesure de contrôler efficacement l'ingénierie proposée par ce grand groupe. Cela explique que nous étions structurellement « à la remorque » pour réagir aux solutions techniques qu'il proposait.
Si un établissement qui se reconstruit pour un budget d'environ 200 millions d'euros avait la possibilité de recourir à une banque d'investissement ou à une forme de bonification, cela lui permettrait de bénéficier d'un taux d'emprunt de l'ordre de 2 % et donc de dégager chaque année une marge de manoeuvre de 4, 5, voire 10 millions. Le dispositif a permis à certaines collectivités locales d'emprunter et de participer à la relance globale de l'activité économique de la Nation. Le recours à une banque d'investissement spécifique à l'hôpital permettrait de participer à la relance de l'économie, tout en assurant aux banques une rémunération satisfaisante.