Intervention de Christophe Got

Réunion du 20 janvier 2015 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Christophe Got, vice-président de l'Association des directeurs d'hôpital :

Certaines personnes que vous avez auditionnées vous l'ont déjà dit mais je tiens à le redire au nom de l'ADH : on ne saurait se satisfaire d'une approche strictement financière en matière d'endettement, lequel doit aussi soutenir la nécessaire capacité des établissements hospitaliers à investir.

Le COPERMO a fixé comme critère d'éligibilité un taux de marge de 8 % – on sait comme cette contrainte peut être douloureuse lorsqu'elle est opposée à des communautés ayant travaillé durant des mois à des plans de redressement leur ayant permis difficilement d'atteindre 6 %. Mais nous considérons que les établissements hospitaliers de service public n'ont pas pour seule vocation de viser un certain niveau de taux de marge comme un grand groupe privé se doit de le faire à l'égard de ses actionnaires.

Certains établissements, du fait de leur isolement géographique – zones de montagne, territoires ruraux –, d'une démographie médicale particulièrement faible, ou du poids des décisions passées, n'ont plus la capacité d'investir. N'investissant plus, ils risquent de devenir vétustes.

Mon expérience m'a permis de mesurer l'incidence des choix en matière d'investissement.

J'ai exercé dans un CHU situé au nord de la Loire, d'un budget annuel de 600 millions d'euros, dont les responsables, qui s'étaient fait vertu de ne pas dépenser l'argent qu'ils n'avaient pas, n'allaient voir les banques que pour affiner un plan de financement. Résultat de ce refus de l'endettement : chambres à trois lits, absence de moyens pour investir dans un plateau ambulatoire digne de ce nom nécessitant de casser des murs et de regrouper des spécialités, incapacité à assurer le renouvellement des équipements pour attirer de très bons médecins et conserver les chefs de clinique en fin de formation. Autrement dit le choix de la vertu financière a conduit l'établissement à une forme de vétusté dont la population a subi les conséquences.

Aujourd'hui, j'exerce dans un établissement qui a rattrapé un très grand retard en matière d'équipement dû à une absence d'investissement. Il y a une dizaine d'années, quand un nouveau directeur est arrivé, il a trouvé des chambres délabrées et des ascenseurs ne montant plus jusqu'au dernier étage. Il a alors ouvert les vannes de l'investissement pour rénover – ce qui est sa mission. Il a été encouragé dans cette voie par les plans nationaux successifs – « Hôpital 2007 » « Hôpital numérique », « Hôpital 2012 » – et par l'État qui offrait un effet de levier avec la fameuse couverture des frais financiers d'amortissement. L'endettement a augmenté alors que le taux de l'ONDAM est passé en quelques années de 5 % à 2 %. Résultat : cet établissement figure parmi les trois les plus endettés de France. Le poids de la dette y est asphyxiant. Dans la mesure où les recettes liées à l'activité stagnent, les marges de manoeuvre sont extrêmement restreintes : le budget est principalement consacré à payer l'augmentation annuelle des charges de personnel de 1,5 % à 2 %, laquelle n'est pas décidée localement par le directeur mais au niveau national, et à supporter la charge galopante des frais financiers.

Le COPERMO a été créé dans le but de ralentir certains projets. À cette fin, il a mis au point plusieurs critères, dont le fameux taux de marge de 8 % auquel ne peuvent se conformer que les établissements en bonne santé : les subventions sont finalement ainsi octroyées à ceux qui ont la capacité d'être autonomes. Que deviennent dans ce schéma les hôpitaux isolés, ceux qui ont une activité restreinte du fait d'une faible démographie médicale ou ceux qui ont un patrimoine vétuste n'attirant plus les patients ? S'ils ont en plus la malchance d'être endettés, on ne peut leur prédire un avenir très brillant.

Cette situation me contrarie. Dans une même ville, il peut exister d'autres établissements dont les règles de fonctionnement sont totalement différentes. Tel établissement privé se verra attribuer 20 millions d'euros pour sa rénovation par un grand groupe coté en bourse, doté de capitaux australiens et italiens. Tel établissement de santé privé d'intérêt collectif (ESPIC) pourra, comme il en a le droit, choisir les segments de clientèle lui permettant d'équilibrer les plans de retour sur investissements exigés par le COPERMO. L'hôpital public, lui, n'a ni les facilités de l'actionnaire, ni les facilités du choix : il devra continuer à prendre en charge l'ensemble des pathologies. Toutes les études de la Fédération hospitalière de France le montrent, les hôpitaux publics reçoivent des patients plus âgés, plus précaires, plus isolés socialement, et couvrent le plus large éventail de groupes homogènes de séjour (GHS).

Si les établissements publics veulent rester fidèles à leur vocation, qui est de soigner tout le monde sans discrimination, en assurant l'accessibilité financière et géographique aux soins, ils n'ont pas d'autre choix que d'investir pour maintenir des activités sous-rentables. Or, aujourd'hui, si un équilibre peut être établi à travers la compensation entre tarifs excédentaires et tarifs non excédentaires voire déficitaires, cela ne vaut pas pour l'investissement qui n'est guère possible. La tarification à l'activité ne pouvant soutenir les investissements immobiliers, certains hôpitaux publics sont donc condamnés à la vétusté et à la fuite des patients.

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