Monsieur le président, cher Michel Winock, mesdames et messieurs les parlementaires, chers collègues, mesdames et messieurs les personnalités qualifiées, je suis très heureux de vous retrouver pour cette troisième réunion du groupe de travail sur l'avenir des institutions.
Avant d'évoquer la question mise à l'ordre du jour, comment ne pas avoir une pensée pour nos compatriotes récemment décédés ? Les journées que notre pays vient de traverser ne seront sans doute pas sans conséquences sur les réflexions qui nous animent au sein de ce groupe de travail. Des journées de terreur et de haine, au cours desquelles ont été sauvagement assassinés dix-sept de nos compatriotes. Parce qu'ils défendaient la liberté d'expression. Parce qu'ils nous protégeaient. Parce qu'ils étaient juifs. Des journées de terreur et de haine, auxquelles a répondu une journée d'unité et d'espoir, celle du 11 janvier 2015. Une journée rare, faite d'unité et de fraternité républicaine.
Notre mission a choisi de mettre la démocratie au coeur de ses réflexions. À ce titre, nous ne saurions passer à côté de ce qui s'est passé dimanche dernier, et cela pour au moins deux raisons.
La première, c'est que cette journée a été, selon l'heureuse formule de Michel Winock, la première « journée de l'internationalisme démocratique », une journée au cours de laquelle une partie du monde a rappelé qu'il ne pouvait y avoir de démocratie sans espace public et d'espace public sans liberté d'expression.
La seconde raison, c'est que cette journée a été celle de l'irruption du peuple français. Alors que l'on dit notre démocratie apathique, malade, se résumant à une masse faite d'individualismes, d'égoïsmes et de communautarismes, les Français sont descendus en nombre dans les rues de Paris, mais aussi dans celles de toutes les villes et de tous les villages de France. Non pour protester, revendiquer ou gronder, mais pour affirmer qu'ils n'avaient pas peur et qu'ils étaient unis pour défendre leur liberté.
Une chose est sûre : le peuple français a été à la hauteur de notre histoire en ces moments tragiques. La flamme qu'il a allumée le 11 janvier, bien sûr, n'appartient à personne, mais elle constitue un phare qui peut sans doute nous guider ; elle prouve que le peuple est vivant, qu'il est capable de s'engager et de transcender ses divisions même si cette manifestation ne règle pas tous les problèmes.
L'un des défis auxquels doivent aujourd'hui répondre nos institutions, c'est d'être capable de capter cette force de la multitude, d'en devenir le réceptacle, et que nos institutions permettent ainsi au peuple français de redevenir pleinement maître de son destin.
Redevenir maître de son destin en Europe et dans le monde, tel est justement le thème mis à notre ordre du jour.
Pour cette séance consacrée aux institutions françaises dans l'Europe et dans la mondialisation, nous avons le plaisir de recevoir Laurence Parisot et Jean Pisani-Ferry. Je les remercie sincèrement pour leur présence.
Laurence Parisot, nul besoin de la présenter. Qu'il me soit néanmoins permis d'indiquer, ici, que la question institutionnelle ne vous est pas étrangère. Vous déclariez d'ailleurs, l'année dernière, dans le journal La Tribune : « Le premier problème de la France, ce sont ses institutions », jugeant notamment qu'elles n'étaient plus adaptées à un monde en perpétuel mouvement. Nous serions heureux de pouvoir approfondir ce point avec vous.
Jean Pisani-Ferry, vous êtes un économiste renommé et aussi, depuis le 1er mai 2013, commissaire général à la stratégie et à la prospective. Vous êtes, à ce titre, l'auteur du rapport de France Stratégie intitulé Quelle France dans dix ans ? Les chantiers de la décennie. Dans cet ouvrage, vous écrivez notamment : « C'est donc bien à une réforme de la démocratie qu'il nous faut aujourd'hui procéder, pour renouer les fils de notre confiance dans l'avenir en réhabilitant le politique. »
Quelle prise ont et peuvent avoir nos institutions sur la mondialisation ? Comment, à travers les institutions, les Français peuvent-ils retrouver le sentiment d'être maîtres de leur destin ? Voilà quelques-unes des questions qui se posent aujourd'hui. Tous les membres ici présents ont, j'en suis sûr, de nombreuses autres questions à vous poser. Voilà pourquoi je vous propose, après un court propos liminaire de votre part, que s'engage notre conversation.
Le 13/12/2016 à 10:05, Laïc1 a dit :
"une journée au cours de laquelle une partie du monde a rappelé qu'il ne pouvait y avoir de démocratie sans espace public et d'espace public sans liberté d'expression."
Il faut bien reconnaître que l'espace public de la démocratie réfléchie, en interaction avec la démocratie officielle, c'est bien le site "nos députés" qui le matérialise, qui le concrétise. On ne peut pas en effet sans cesse renvoyer la démocratie citoyenne à la rue, à la manifestation, aux mots d'ordre, aux banderoles ou aux tracts, ce serait une démocratie trop exiguë, trop peu réfléchie, qui réduit le citoyen au nombre, et ce n'est pas cela la démocratie. En plus les manifestations sont souvent escortées de casseurs, alors que la démocratie doit être une autre forme de non violence. Elle doit être la pensée de tout citoyen au service du progrès de toutes et tous.
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