Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Respect du choix de fin de vie pour les patients — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

C’est exactement ça ! Vous êtes pris la main dans le sac et cela ne relève pas l’image que donne notre Parlement à l’extérieur.

Pour en venir au fond, lorsque nous nous interrogeons sur la fin de la vie, nous entreprenons évidemment une réflexion dont l’écho est à la fois universel et personnel. Nous éprouvons ainsi notre rapport à notre propre finitude, qui, nous le mesurons aussi, a profondément et singulièrement évolué dans notre civilisation.

La mort est aujourd’hui dissimulée et son inexorabilité est occultée. Les cortèges funèbres ont laissé place à une mort invisible, et le temps des cimetières est devenu celui des crémations. Les vies s’éteignent ainsi pudiquement, comme pour mieux permettre aux vivants d’oublier ce qui est inévitable.

Les contacts entre les vivants et les morts se distendent ou disparaissent. C’est un vrai sujet dans un pays qui a perdu tout lien social, c’est un exemple parmi tant d’autres. Le lieu de la mort n’est plus le domicile, celui de la famille. Il est devenu celui des professionnels, l’hôpital ou la maison de retraite.

La mort devient également un défi médical et technique. Il faut agir sur ses causes, repousser ses frontières, en contrôler les moindres paramètres.

Enfin, nous vivons aujourd’hui une époque d’urgence et d’immédiateté, de moins en moins imprégnée par la dimension symbolique et spirituelle de la mort et de la transmission entre les vivants et les morts.

Si la mort est un questionnement qui traverse toutes les civilisations, elle n’interroge pourtant presque plus la nôtre, tant tout semble se passer comme si, en définitive, nous souhaitions évacuer la réalité de la mort. La mort est totalement intégrée dans notre société de consommation.

Cette fuite en avant de nos sociétés explique en partie notre désarroi face à la question mais, au-delà des réponses que notre société peut tenter d’apporter, avec d’infimes précautions, à la question de la fin de vie, comment ne pas voir qu’il s’agit sans doute de la question la plus personnelle qui soit, et Jean Leonetti a eu mille fois raison tout à l’heure de le souligner ?

Comment ne pas voir qu’il s’agit d’une question avant tout extraordinairement solitaire et profondément intime ? Car, même accompagné, même entouré, c’est tout seul que l’on passe de l’autre côté. Je ne pourrai, par conséquent, jamais parler de la mort des autres, et c’est précisément la raison pour laquelle il nous faut être profondément humbles devant l’extraordinaire complexité de la fin de vie et face à l’idée même de légiférer sur ce sujet. En cet instant, nous parlementaires, qui sommes chargés de rédiger la loi, nous devons mesurer avec gravité quelles peuvent être les conséquences de nos actes et avoir la plume qui tremble.

Nous le devons d’autant plus que la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, votée à l’unanimité, constitue aujourd’hui un point d’équilibre fragile qui permet de mieux respecter l’expression et la volonté du malade, de prendre en compte les souffrances des malades en fin de vie, en faisant progresser les soins palliatifs. En outre, elle autorise toute personne malade à refuser un traitement dont elle estime qu’il est devenu déraisonnable et elle donne également au médecin le droit d’interrompre ou de ne pas entreprendre les traitements qu’il estime inutiles. Elle condamne aussi clairement l’acharnement thérapeutique.

Pour autant, force est de constater que des difficultés demeurent : la douleur des patients n’est pas encore suffisamment prise en charge ; l’obstination déraisonnable demeure malheureusement une réalité en France ; l’accès aux soins palliatifs n’est pas toujours effectif. Comment faire en sorte qu’il n’y ait ni souffrance, ni abandon, ni acharnement ? Si la loi du 22 avril 2005 a permis d’apporter un début de réponse à ces questions, des zones d’ombre subsistent néanmoins, justifiant le travail en cours. Ce sont ces zones d’ombre que Véronique Massonneau tente aujourd’hui d’éclairer avec sa proposition de loi.

La principale évolution qui nous est proposée est la suivante : toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable ou qu’elle juge insupportable, pourrait demander à bénéficier d’une euthanasie ou d’un suicide assisté.

Je veux vous faire partager quatre convictions qui guideront nos réflexions sur cette proposition de loi. La première de ces convictions, c’est qu’aborder la question de la fin de vie impose la dignité et le respect de la personne, car c’est une existence et ce qu’elle a d’unique qui s’éteignent. En ces circonstances, il ne fait nul doute que la collectivité a des devoirs à l’égard de la personne. Peut-elle dire qu’elle a des droits ? Rien n’est moins sûr.

La seconde de ces convictions, c’est qu’il est de notre devoir de faire en sorte de soulager la douleur et la souffrance, dans toute la mesure du possible.

La troisième conviction, c’est que toute personne qui vit ses derniers instants a le droit d’être accompagnée jusqu’au dernier moment, d’être respectée, entourée, écoutée et entendue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion