Intervention de Philip Cordery

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Respect du choix de fin de vie pour les patients — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilip Cordery :

Monsieur le président, madame la rapporteure, chers collègues, la fin de vie est un sujet extrêmement sensible sur lequel nos concitoyens attendent des réponses. Dans le prolongement de l’engagement 21 du Président de la République, les réflexions avancent, grâce à des rapports, des débats, et tout récemment au rapport d’Alain Claeys et de Jean Leonetti qui propose d’intéressantes avancées. La proposition que nous débattons aujourd’hui va dans le bon sens, et je remercie la rapporteure pour son excellent travail. À ce stade du débat, je pense qu’un éclairage étranger peut nous être utile. Je suis élu de la quatrième circonscription des Français établis hors de France, laquelle comprend les pays du Benelux, où des lois encadrent depuis longtemps la fin de vie. Ces pays, pourtant très différents culturellement, ont tous décidé de passer du laisser mourir à l’aide active à mourir.

Dans chacun de ces pays, même si les dispositifs diffèrent, les principes sont communs. Le choix du patient reste au centre de chaque dispositif. En Belgique, l’euthanasie est légale et, pour bénéficier de ce droit, le patient doit être dans une situation médicale sans issue et faire état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable, qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. Il doit formuler sa demande de manière volontaire, réfléchie et répétée. Si personne n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté, le médecin peut pratiquer une euthanasie si le patient a manifesté sa volonté dans une déclaration anticipée.

Au Luxembourg, l’euthanasie et le suicide assisté ont été rendus légaux sous certaines conditions. Le patient doit être majeur, capable et conscient au moment de sa demande. Il peut consigner par écrit, dans des dispositions de fin de vie, les circonstances et les conditions dans lesquelles il désire subir une euthanasie. Ensuite, le rôle d’écoute et d’information du médecin est primordial. En Belgique, celui-ci a l’obligation de s’entretenir avec le patient et d’évoquer la situation, y compris son espérance de vie, les possibilités thérapeutiques et les soins palliatifs.

Aux Pays-Bas, la loi encadre l’euthanasie et le suicide assisté : le médecin doit acquérir la conviction que le patient a formulé sa demande librement, de façon mûrement réfléchie et constante, que ses souffrances sont insupportables et sans perspectives d’amélioration, et qu’aucune solution n’est envisageable. Le médecin doit informer le patient de sa situation et de son avenir. Si celui-ci n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté, ses directives anticipées s’appliquent. Au Luxembourg, le médecin doit informer le patient de son état de santé et des possibilités de soins palliatifs, s’assurer de la persistance de la souffrance et de sa volonté réitérée, avant de consulter un confrère et de s’entretenir de la demande avec l’équipe soignante et avec la personne de confiance désignée par le patient, aucun médecin ne pouvant être tenu de pratiquer une euthanasie.

Enfin, il existe une procédure de contrôle dans chacun des trois pays. En Belgique, le contrôle est organisé a posteriori et systématiquement, par le biais de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation, à laquelle le médecin remet un rapport. Si l’acte n’a pas eu lieu dans les conditions prévues par la loi, la Commission peut saisir le ministère public. Aux Pays-Bas, le médecin ayant pratiqué l’acte remplit un rapport qu’il transmet au médecin légiste de la commune qui, ensuite, le communique à la commission régionale de contrôle. Si celle-ci estime que le médecin n’a pas respecté un des critères obligatoires, elle en informe le ministère public. Au Luxembourg, la Commission de contrôle et d’évaluation examine le formulaire établi par le médecin après chaque euthanasie pour vérifier si celle-ci a été effectuée selon les conditions et les procédures prévues par la loi.

Nous disposons d’un vrai recul pour évaluer ces lois puisqu’elles datent de 2001 pour les Pays-Bas, de 2002 pour la Belgique et de 2009 pour le Luxembourg. J’entends parler ici ou là de dérives, de dérapages. Mais quel mépris pour ces pays, pour leurs élus, pour les citoyens que de considérer que des lois, votées par de très larges majorités et soutenues par une écrasante majorité de la population, sont des dérives. Dans les trois pays, personne n’est revenu sur ces lois fondatrices et l’aide active à mourir est acceptée par tous.

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