Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Respect du choix de fin de vie pour les patients — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

C’est bien à ces aspirations que les soins palliatifs répondent déjà, sur la base de la loi Leonetti, qui sera bientôt améliorée – du moins, je l’espère. Et si certains Français se montrent favorables à l’euthanasie ou au suicide médicalement assisté, c’est d’abord parce que le sous-développement de l’offre de soins palliatifs laisse subsister des milliers de fins de vie scandaleuses par la souffrance extrême, la solitude, l’indignité, tant pour le patient que pour les familles.

Pour être depuis dix-huit années président du conseil de surveillance de mon hôpital local, doté très tôt d’une unité pilote de soins palliatifs, je sais combien d’hommes et de femmes atteints d’un mal incurable et en proie à d’extrêmes souffrances ont été accueillis dans cet établissement. Beaucoup réclamaient en arrivant que l’on en finisse au plus vite, n’osant toutefois pas employer le mot d’« euthanasie », qui révèle l’échec ultime de la vocation d’un homme, qui est de vivre. Combien d’entre eux, pris en charge par l’unité de soins palliatifs, ont réclamé du temps supplémentaire pour vivre encore ? Pratiquement tous !

Du temps pour vivre encore, jusqu’au moment où, d’un commun accord avec le médecin, la famille, les personnes de confiance, ou au vu des directives anticipées si celles-ci existent, sera venu le moment d’envisager la mort « sans souffrance pendant le sommeil », provoquée par l’arrêt des traitements de maintien en vie et par la sédation.

La sédation, associée ou non à l’arrêt des traitements d’alimentation et d’hydratation, n’est pas un acte d’euthanasie. Elle n’est pas une décision de donner la mort, de faire mourir. L’arrêt de ces traitements, c’est la reproduction du processus naturel même de la mort, qui s’accompagne progressivement d’un refus de boire et de se nourrir, processus que l’on a rompu par l’alimentation et l’hydratation forcées, elles-mêmes susceptibles de provoquer de nouvelles souffrances. La sédation palliative, c’est la mise en place du cycle naturel de la mort avec la souffrance en moins. C’est elle qui doit être généralisée, c’est elle qui doit permettre d’exclure l’euthanasie.

Cependant, la sédation ne doit pas être forcément profonde et définitive. Elle doit pouvoir être ponctuelle et intermittente pour tenir compte de l’évolution des souhaits du patient, pour ménager des plages d’éveil permettant de communiquer avec ses proches.

Je suis opposé au droit à l’euthanasie et au suicide médicalement assisté. Je suis opposé à l’obligation faite au médecin qui refuse de la pratiquer de trouver lui-même un confrère qui l’accepte, comme le propose par votre texte, madame la rapporteure. Le suicide relève de la liberté individuelle. Il ne peut pas être confié au monde du soin, du faire vivre. Le droit à l’euthanasie est aussi réclamé au nom de l’égalité entre les citoyens des différents pays européens. Je suis étonné alors que vous limitiez le champ de cette proposition aux seuls adultes, alors que pour les enfants et les adolescents la souffrance même, l’idée même de la mort sont encore plus incompréhensibles et insupportables – sans doute est-ce en raison d’une grande gêne qui montre bien la complexité du débat.

Dans notre pays, le scandale de la fin de vie n’est pas que l’euthanasie ne soit pas autorisée, c’est que l’offre palliative soit aussi peu développée : 120 unités de dix lits ! Mais, plus que le nombre de lits ouverts, c’est la culture palliative qu’il faut développer, c’est la formation, non seulement des praticiens mais aussi de l’ensemble des personnels, soignants ou non, qui interviennent, qu’il faut généraliser. La culture palliative ne peut être réduite à celle des équipes spécialisées, elle doit être introduite dans les services de médecine, les EHPAD, les maisons d’accueil spécialisées. Elle doit être pratiquée à l’hôpital comme à domicile. Ce qui donnera de la dignité dans la fin de vie, aux patients comme aux soignants, ce n’est pas le droit à l’euthanasie ou l’assistance au suicide, c’est la généralisation d’une culture et d’une pratique de soins palliatifs.

Faisons confiance aux propositions du rapport Leonetti-Claeys. Je les soutiendrai le moment venu.

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