Madame la présidente, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de vous dire mon plaisir d'être accueilli aujourd'hui au sein de votre commission pour vous soumettre la proposition de loi relative à la maladie de Lyme déposée par notre collègue Marcel Bonnot. Il s'agit d'un texte auquel je suis particulièrement attaché, né du constat de situations difficiles auxquelles nos concitoyens sont confrontés.
Quelques mots en préambule sur la situation relative à la maladie de Lyme et les enjeux y afférents avant d'aborder le dispositif prévu par la proposition qui vous est soumise et qui intervient alors qu'un rapport du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) portant sur ce thème a été publié en décembre dernier.
La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, a été mise au jour aux États-Unis au cours du dernier quart du XXe siècle. À la suite d'une hausse conséquente d'arthrites inflammatoires à Lyme, ville américaine située dans l'État du Connecticut, des recherches ont montré la présence de bactéries dans le tube digestif de tiques.
Il s'agit d'une zoonose transmise par les tiques du genre Ixodes, cette appellation évoquant la fixation importante de la tique sur son hôte : le terme provient du grec Ixodes, qui signifie gluant. Les tiques en cause sont différentes selon les zones. En Europe, il s'agit d'une tique Ixodes ricinus. Présentes dans les forêts et les habitats ouverts tels que les pâtures, leur densité est fonction de plusieurs facteurs : associations végétales, hygrométrie, cycles saisonniers, diversité des hôtes.
Après avoir repéré son hôte en réagissant à divers stimuli (vibration de l'air, température…), la tique saute sur lui, s'y accroche à son insu et se gorge de sang. Au cours du processus de gorgement, les bactéries présentes chez l'hôte sont ingérées par la tique par le biais du sang, tandis que les bactéries présentes chez elle sont transmises par les glandes salivaires.
Les tiques du genre Ixodes transmettent plusieurs agents pathogènes. L'agent responsable de la maladie de Lyme est ainsi une bactérie relevant de la famille des spirochètes (littéralement « long cheveux, crinière »), dénommée Borrélie ou Borrelia.
Dix-sept espèces ont été identifiées, dont cinq ont un pouvoir pathogène certain pour l'homme. Ces cinq espèces pathogènes sont présentes en Europe, chacune de ces espèces induisant des conséquences différentes, avec des manifestations arthritiques, neurologiques ou cutanées.
Plusieurs enjeux sont associés à la maladie de Lyme : les difficultés liées au diagnostic clinique et biologique, les voies de traitement, la cartographie et la nécessaire prévention.
En premier lieu, la maladie de Lyme présente la particularité d'être difficile à diagnostiquer. Le principe de base fondamental en matière de maladie de Lyme est la confrontation de la clinique, de l'épidémiologie et de la biologie. Cette confrontation se justifie tout d'abord en raison de la complexité de l'analyse clinique et de difficultés liées à la sérologie.
La maladie de Lyme se caractérise en effet par la succession de trois phases associées à des manifestations cliniques variées conduisant la communauté médicale et scientifique à une extrême prudence dans la délivrance du diagnostic. L'importance d'Internet comme source d'informations pour nombre de patients pourrait conduire à une mésinterprétation des symptômes constatés. Les manifestations symptomatiques pourraient être attribuées à tort à la maladie de Lyme, ce qui aboutirait à une perte de chance pour la prise en charge des patients.
Cet enjeu se pose notamment s'agissant du caractère chronique de la maladie dont la reconnaissance divise la communauté médicale et scientifique. Cette situation est difficile à vivre pour certains patients. Devant l'absence de réponses à leur détresse physique et morale, les patients sont confrontés à une errance médicale, voire suspendent leurs activités privées ou professionnelles en raison des douleurs et des fatigues, sans compter qu'ils peuvent tomber dans la dépression. Le rapport du Haut Conseil de la santé publique propose une démarche scientifique permettant de caractériser la chronicité de la maladie.
L'analyse biologique, au travers principalement de la sérologie, se révèle également difficile. Le diagnostic biologique est effectué après la constatation des manifestations cliniques de la maladie. Il repose sur deux tests réalisés en deux étapes : un test de dépistage avec la technique ELISA et un test de confirmation par immunoempreinte, notamment avec le test « Lyme Western Blot ». Leur fiabilité est aujourd'hui mise en question, ce que confirme le rapport du Haut Conseil de la santé publique. Aussi des recherches doivent-elles être lancées pour améliorer l'existant.
S'agissant du traitement, des divergences apparaissent également. Si tout le monde s'accorde à reconnaître qu'une antibiothérapie est efficace au stade primaire de la maladie, les avis sont plus partagés lorsqu'il est question du caractère chronique et des traitements associés. D'un côté, il y a la crainte légitime du corps médical d'attribuer à tort des manifestations symptomatiques à la maladie de Lyme. De l'autre, il y a le désarroi de patients pour lesquels l'antibiothérapie prolongée, hors les recommandations des experts, ou le suivi d'un traitement alternatif peut se traduire par une amélioration de l'état clinique, voire une quasi-guérison. Questions ô combien délicates à trancher !
La cartographie des zones à risque constitue aussi un sujet important pour l'ensemble des acteurs. En France, on recense ainsi 27 000 cas par an, contre environ 65 000 à 85 000 en Europe. Cette cartographie pourrait être complétée par une étude plus complète faisant ressortir le taux de tiques infectées, ou par un recensement plus fin des maladies de Lyme dûment diagnostiquées.
Enfin, dernier enjeu et non des moindres : la prévention. Tous les acteurs s'accordent sur l'impérieuse nécessité d'informer sur les modalités de prévention primaire (vêtements longs, répulsifs) comme secondaire (retrait de la tique). Force est de constater que ni les patients ni le corps médical ne semblent sensibilisés à ces mesures simples, mais très efficaces, pour lutter contre la transmission de la Borrelia.
Pour conclure, j'aimerais souligner l'intérêt de cette proposition de loi.
On pourra objecter que le dispositif de cette proposition est d'ores et déjà satisfait par la publication du rapport du Haut Conseil de la santé publique en décembre 2014, dont je me félicite au demeurant. Circonstancié et fort bien documenté, il constitue en effet une feuille de route attendue par les patients, les professionnels de santé et les autorités sanitaires des autres pays européens confrontés à des situations similaires.
Il a toutefois fallu l'adoption définitive d'une proposition de résolution européenne, à l'initiative de M. Marcel Bonnot et de votre rapporteur, et le dépôt de la présente proposition le 14 octobre 2014 pour précipiter la publication le 4 décembre dernier de ce rapport tant attendu… pourtant adopté le 28 mars 2014 ! C'est la preuve que le politique, en s'étant emparé du sujet, a permis de faire avancer les choses, avec notamment la publication de ce rapport qui remet en cause un certain nombre de certitudes établies par la conférence de consensus de 2006 sur les méthodes de diagnostic et de traitement de cette maladie.
Cela étant, ce rapport constitue non pas l'achèvement, mais bien la première étape d'une politique de santé destinée à assurer efficacement la prise en charge de la borréliose de Lyme en termes de prévention, de diagnostic et de traitement.
Les conclusions du HCSP ne visent pas à mettre fin aux controverses scientifiques, elles appellent au contraire un approfondissement de ces questions. Le Parlement doit pouvoir s'assurer que ces objectifs seront poursuivis dans l'intérêt de nos concitoyens.
Il importe de rassembler en un seul document les données relatives à la maladie de Lyme, les vecteurs de sa transmission, ainsi que l'adéquation de l'offre de soins aux besoins de prise en charge. C'est tout l'enjeu de l'article 1er proposant la remise d'un rapport qui pourrait être un point d'étape des mesures prises dans la continuité des préconisations du HCSP.
Avec l'article 2, c'est le rôle des professionnels de santé qui doit être amplifié grâce à la prise en compte de la maladie de Lyme dans le cadre de la formation continue.
Les articles 3 et 4, proposent de lancer un plan national consacré à la borréliose de Lyme. Ce plan, étalé sur cinq ans, couvrirait tous les aspects, depuis la surveillance épidémiologique jusqu'à la prise en charge des patients, en passant par une politique de prévention adéquate.
L'existence de controverses scientifiques ne doit pas constituer un abcès de fixation. Les différentes démarches diagnostiques et thérapeutiques doivent pouvoir être retenues ou écartées au terme d'examens, de débats, d'évaluations dans un climat apaisé. Les conclusions et recommandations qui en résulteraient doivent pouvoir également être largement diffusées et expliquées. Tel est l'enjeu de cette proposition de loi.
Il y a quelques mois, la commission des affaires sociales avait tacitement adopté la proposition de résolution européenne : j'espère qu'il en sera de même aujourd'hui pour cette proposition de loi attendue par de nombreux malades et praticiens.