Intervention de Jacques Lamblin

Séance en hémicycle du 30 janvier 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 10

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Lamblin :

Monsieur le ministre, au-delà de l’article 10, je voudrais commenter l’ensemble du chapitre II de ce projet de loi. Dans ce chapitre, vous vous efforcez de corriger les dérives que la situation un peu absurde d’oligopole engendre dans certains territoires. Mais au lieu de vous occuper des causes, vous êtes davantage préoccupé des effets.

Quel est le problème qui nous amène à la situation d’oligopole actuelle ? Dans notre pays, quatre ou cinq groupes de distribution fournissent aux Français les deux tiers de ce qu’ils boivent et de ce qu’ils mangent. C’est ainsi. À mon sens, sur le plan de la distribution, la concurrence et la possibilité de communiquer et de se renseigner sur les prix sont telles que le problème n’est pas forcément le plus prenant.

En revanche, c’est au niveau des achats de ces groupes que les problèmes sont extrêmement graves. Nous arrivons aujourd’hui dans une telle situation que les producteurs ont face à eux des distributeurs si puissants qu’ils ne peuvent même pas se permettre de les perdre comme clients. Si bien que ces producteurs, qu’il s’agisse de coopératives, d’entreprises ou de producteurs agricoles sont, un peu comme les bourgeois de Calais, soumis aux diktats qui leur sont imposés. Cette situation entraîne une pression insupportable sur les producteurs, et de surcroît, il n’y a pas de contrôle pour veiller à l’application effective des lois telles que la LME ou la LMA. Par exemple, nous avons voté la réduction des délais de paiement. Actuellement, il n’y a aucun contrôle effectué sur ces délais de paiement. Pourtant, des dérives existent, il suffit de parler à des producteurs concernés par ce problème.

Si vous me le permettez, je voudrais étendre mon propos au-delà de ce chapitre II. Ce que j’observe dans ce chapitre vaut pour l’ensemble de ce texte : vous êtes le ministre de l’économie d’un pays qui se déclare ouvert sur le vaste monde en matière de commerce et d’échanges, et qui est pourtant le pays dont les travailleurs travaillent le moins d’heures dans la semaine, le moins de semaines dans l’année, et le moins d’années dans la vie. C’est un vrai sujet qui n’est pas abordé dans ce texte.

Un autre sujet est l’abus généralisé, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, des CDD, qui sont la seule façon de recréer un peu de fluidité aujourd’hui. C’est absolument inacceptable et scandaleux, en particulier pour les jeunes de ce pays.

L’instabilité fiscale n’est pas non plus abordée dans ce texte, pourtant elle tétanise l’ensemble de nos PME en ce moment.

Pourquoi le Président de la République ne veut-il pas traiter cela ? C’est sans doute parce que vous ne le pouvez plus. Vous n’êtes pas d’accord sur ces sujets-là, alors vous vous tournez vers d’autres victimes, à savoir les professions indépendantes et les professions libérales, histoire de dire que vous faites quelque chose. Vous les délégitimez, vous les montrez du doigt comme protégées, et tous les moyens sont bons. Votre collègue des affaires sociales va fonctionnariser les médecins, vous voulez déréguler les professions du droit, bref : chacun a sa méthode. En tout cas, un million d’entreprises – les entreprises indépendantes et libérales – et deux millions de travailleurs sont vos cibles dans cette loi et d’autres.

Nous parlions précédemment de maillage territorial sur le plan commercial. Là encore, en termes de maillage territorial, en mettant en oeuvre les dispositions que vous proposez, vous allez vider les territoires où les structures libérales indépendantes sont les plus modestes pour qu’elles se regroupent vers les grands centres urbains, là où il y a la population et le pouvoir d’achat. Ce sera vrai pour les notaires, pour les avocats et pour beaucoup d’autres. Cette évolution me semble totalement programmée dans le texte que vous proposez, cela ne va pas se voir tout de suite, il faudra quelques années, mais les larmes versées par certains sur les petits commerces qui quittent les centres-villes devront bientôt être versées à nouveau parce que d’autres professions disparaîtront des centres-villes des villes moyennes. C’est à peu près aussi sûr que deux et deux font quatre.

Je termine en vous disant que six minutes par député de l’opposition pour prendre la parole sur ce texte de deux cents articles, ou six minutes par article, c’est totalement indigne de l’assemblée dans laquelle nous siégeons.

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