Intervention de Frédéric Lefebvre

Séance en hémicycle du 30 janvier 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Après l'article 10

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Lefebvre :

Cet amendement concerne le gaspillage alimentaire. C’est un sujet sur lequel nous nous retrouvons, sur tous les bancs, et qui a motivé un certain nombre d’initiatives. Ainsi nos collègues Decool et Bachelay ont déposé une proposition de loi, qui a été signée par de nombreux collègues, et Guillaume Garot a été chargé par le Gouvernement d’une mission sur ce sujet, au sein de laquelle il travaille avec des élus appartenant à tous les groupes politiques.

Je tenais à engager ce débat ici car dans notre pays trois millions de personnes bénéficient de l’aide alimentaire et 37 % des Français n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Face à ce problème, nous devons essayer, avec beaucoup d’humilité, de remplir les cases vides. En France, un système a été organisé et il fonctionne. Un certain nombre de mes collègues considèrent que le moment est venu d’obliger les grandes surfaces à distribuer leurs invendus, mais c’est l’une de nos divergences. J’entends bien l’intérêt de cette suggestion et j’ai à l’esprit les images insupportables de certains reportages montrant des fruits et légumes entassés pour être détruits alors que nombre de nos compatriotes ne mangent pas à leur faim. Ces images doivent nous amener à réagir et c’est la raison pour laquelle je vous présente cet amendement.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps une série d’amendements qui viendront plus loin dans le texte mais qui forment un ensemble avec l’amendement no 1547 .

Tous ont en commun cette question : quelle réponse donnons-nous à la question de la faim dans notre pays ? J’y ai travaillé lorsque j’étais au Gouvernement, en collaboration avec les associations et les grandes surfaces. C’est un sujet sur lequel beaucoup d’élus ont été amenés à réagir dans leur propre ville. Tout à l’heure, le député-maire de Courbevoie était parmi nous. À Courbevoie, un jeune élu, Arash Derambarsh, fait la chasse au gaspillage, soutenu par un certain nombre de bénévoles. Il a obtenu l’accord d’une petite surface pour répondre aux besoins immédiats de nourriture dans sa ville.

Mais en réalité ces bénévoles, et surtout le magasin concerné, ont pris des risques car la réglementation est très stricte en la matière : seules les associations agrées ont le droit de récupérer des invendus, pour des raisons que je comprends parfaitement. Ayant été moi-même ministre de la consommation, je suis parfaitement conscient des responsabilités engagées, des risques d’intoxication, de l’enjeu de la sécurité alimentaire. Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi dans ce domaine.

Un certain nombre de grandes surfaces voudraient pouvoir participer à cet élan de générosité mais elles ne peuvent pas le faire.

C’est la raison pour laquelle je vous propose à travers cet amendement de donner aux magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 400 mètres carrés le droit de mettre en place une convention d’organisation de la collecte, un décret fixant les modalités d’application de ce dispositif.

Les autres amendements relèvent de la même logique en posant la question des dons en nature. Comme vous le savez, une réduction d’impôt à hauteur de 60 % du montant des dons s’applique dans une limite de 0,5 % du chiffre d’affaires.

Cette démarche entraîne des difficultés que je connais bien et qui tiennent à la valorisation des produits. Il est en effet plus ou moins difficile de savoir ce que va coûter réellement tel ou tel fruit ou tel ou tel légume. Ces questions sont complexes.

Dans un autre amendement, je propose de porter le plafond de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires. En réalité, dans la très grande majorité des cas, la limite de 0,5 % suffit, c’est sans doute ce que vos équipes vous diront. Pour discuter régulièrement avec les associations, je sais que dans un certain nombre de cas, cette limite ne suffit pas. La fixer à 1 % serait le moyen de répondre aux besoins concrets des associations.

Dans le même amendement, je propose pour les particuliers de doubler le plafond de l’avantage fiscal dit « Coluche ». Il est actuellement de 521 euros et je propose de le porter à mille euros. Nos compatriotes sont chaque année au rendez-vous de cette générosité. Il me paraît absolument essentiel que nous soyons en mesure, les uns et les autres, de répondre à cette générosité et d’assouplir notre dispositif.

Un autre amendement, qui concerne la même problématique, génère un certain nombre de complexités. Le dispositif que je propose existe dans ma circonscription, dans un grand nombre de pays dont les États-Unis, le Canada, et il existait dans un certain nombre de pays européens avant que l’Europe ne détermine des règles précises en matière de TVA. Il s’agit de fixer à zéro pour cent le taux de TVA sur les produits alimentaires de base. Certes, l’Europe ne le permet pas, mais la France aurait tout à gagner à livrer ce combat au niveau européen. Il faut donner la possibilité aux États qui le souhaitent, simplement parce que c’est du bon sens, de ne pas taxer sur la valeur ajoutée les produits alimentaires de base. Quand on sait que, dans notre pays, tant de gens ne mangent pas à leur faim, je trouve choquante l’idée même de taxer la nourriture qui leur permet de survivre, eux et leur famille.

Cette disposition aurait un coût, c’est vrai, qu’il conviendrait de compenser par une augmentation du taux normal de TVA qui pèse en majeure partie sur les produits que nous importons.

C’est un débat intéressant qui pose des questions extrêmement concrètes, que nous pouvons régler très vite, et d’autres sur lesquelles j’aimerais que nous prenions date aujourd’hui pour en débattre à plus long terme.

J’en reviens à une question sur laquelle il nous faut prendre une décision, en tout cas donner une orientation immédiate. J’aimerais, monsieur le ministre, que s’agissant de l’amendement no 1547 , nous fixions un calendrier serré en vue d’aboutir à une solution. À cet égard, la création de la mission et les initiatives prises par les élus sont encourageantes.

Un autre amendement que j’ai déposé concerne les dons en nature qui offrent aux agriculteurs la possibilité de bénéficier du dispositif au profit des associations. Le Gouvernement l’a autorisé pour le lait et très récemment pour les oeufs. Il serait utile de l’étendre aux céréales et à la viande.

Les sujets sont multiples, mais j’aimerais vous entendre, monsieur le ministre, sur la capacité du Gouvernement à avancer à un rythme rapide. Nous pourrions parfaitement travailler en deux mois, ce qui nous permettra, si cela est nécessaire, de perfectionner ce texte lorsque nous l’examinerons en deuxième lecture.

Voilà ce que je voulais dire sur cette question essentielle qui ne peut que concerner chacun d’entre nous.

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