Madame la ministre, la grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République est un sujet qui concerne particulièrement les membres de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. À ce titre, je suis ravie de l'audition de cet après-midi.
Après l'atrocité des attentats qui ont affecté la France et ses valeurs fondamentales, l'école a été confrontée à un terrible défi, celui de répondre aux interrogations soulevées par les élèves. Nombreux ont été les enseignants inquiets qui se sont sentis mal préparés. Comment trouver les mots pour décrire ce qui s'est passé et expliquer aux élèves les nombreux enjeux qui se profilent derrière la barbarie de ces actes ? La tâche n'a pas été simple et le mérite des professeurs a été grand. Des incidents, peu nombreux, ont entaché la minute de silence que vous aviez demandée. L'école a su y faire face. À cet égard, je tiens à saluer le courage dont vous avez fait preuve dans la gestion des incidents : vous avez dénoncé ces atteintes sans stigmatiser les élèves ou les enseignants qui ont été à l'origine de ces actes et par-delà les communautés auxquelles ils peuvent se rattacher.
À ce sujet, je me permets une réflexion personnelle. La réponse de l'éducation nationale à ces enfants en perte de repères ne peut être l'exclusion car ils sont déjà tellement en dehors de l'école et de notre République. Il faut répondre à ces comportements par un dialogue éducatif renforcé et par des mesures de réparation et de responsabilisation.
Les onze mesures qui forment la grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République, et les 250 millions d'euros qui y seront dédiés, vont dans le bon sens puisqu'elles promeuvent les valeurs de la République à l'école au premier rang desquelles l'égalité, ciment de notre société.
Comme vous l'avez dit avec conviction, avoir confiance dans nos enseignants c'est avoir confiance dans la République. Comme vous, nous croyons que l'école et la République forment un tout indissociable. La République fait l'école et l'école fait la République.
L'école républicaine doit donner aux élèves les moyens de répondre à la question : que signifie être Français ? Elle leur offre les éléments de réponse en leur enseignant la signification de nos symboles nationaux et en leur faisant prendre conscience de leurs droits, de leurs libertés et de leurs devoirs de futurs citoyens français.
Revaloriser la République et ses valeurs est un point sur lequel nous nous accordons tous. Il ne faut pas pour autant ressusciter les hussards noirs de la République. La promotion des valeurs n'a de sens qu'à travers des actes qui les réalisent. À défaut, ces valeurs ne seront que des coquilles vides aux yeux des élèves qui sont des citoyens en devenir. En effet, comment faire prendre conscience à des enfants de la grandeur de la République quand ils se sentent eux-mêmes exclus ainsi que leur famille, que ce soit à l'école ou dans la vie de tous les jours ?
Il faut promouvoir une école qui rassemble et qui s'en donne les moyens et non faire avec celle qui divise. C'est pourquoi il est une valeur à laquelle nous devons donner une consistance particulière, celle de l'égalité. Comme vous l'avez rappelé, l'école doit veiller sans faille à la lutte contre les inégalités puisque c'est elle qui permettra de lutter contre les déterminismes sociaux qui enferment l'avenir de tant de nos enfants. Je me réjouis, à ce sujet, de trouver parmi les mesures présentées celle qui a pour but de renforcer la mixité au sein des collèges afin que chacun ait les mêmes chances de réussite. On pourrait d'ailleurs se demander si on ne peut pas le faire un peu plus tôt puisque la question de la mixité se pose dès l'école élémentaire.
Comme je ne peux pas mentionner toutes les mesures présentées, je souhaite insister sur certaines d'entre elles.
Je porte une attention particulière à la création d'un parcours citoyen de l'école élémentaire à la terminale. Il s'agit d'un point essentiel qui vient compléter le nouvel enseignement moral et civique prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République puisqu'il permettra de former les élèves aux règles qui régissent la vie en société.
Former le corps enseignant – à cet égard, je souhaite vraiment que votre volonté de relancer la formation continue des enseignants se réalise pleinement – et lui accorder les ressources pédagogiques nécessaires sont les clés de la réussite de ce projet, qui devra à terme permettre aux élèves de s'approprier les valeurs nécessaires au bien vivre ensemble en plus de leur donner les outils nécessaires à la formation de leurs propres opinions.
La relation qui unit l'école et les parents ne doit pas être sous-estimée. C'est un point capital dans la réussite de la refondation de l'école. Je suis heureuse de voir que plusieurs mesures s'attachent à la revalorisation de cette relation. Il est plus que nécessaire de permettre à tous les parents de rentrer dans l'école. C'est pourquoi, le développement du temps qui leur est dédié par l'instauration de rituels ou l'accélération de la généralisation de la « mallette des parents », dont l'utilité a fait toutes ses preuves, vont dans le bon sens.
De la même manière, je salue la création d'un Comité départemental d'éducation à la santé et à la citoyenneté réunissant personnel enseignant, personnel éducatif et parents. Est-il prévu d'y associer les autres partenaires de l'école que sont les mouvements populaires et les collectivités locales ?
En conclusion, je crois que nous pouvons être fiers de voir un gouvernement se préoccuper avec tant de volonté de l'avenir de son école puisqu'à travers elle c'est la République qui est grande. On a coutume de le dire, et vous l'avez rappelé, que l'école ne peut pas tout, et c'est vrai. Ou plutôt, les enseignants seuls ne peuvent pas tout. C'est bien la communauté éducative dans son ensemble qui doit relever le défi qui se trouve devant nous. Chacun, à notre place, nous avons une responsabilité à exercer pour que les valeurs de la République deviennent les valeurs de tous.
Le 17/04/2015 à 10:09, laïc a dit :
"La promotion des valeurs n'a de sens qu'à travers des actes qui les réalisent. À défaut, ces valeurs ne seront que des coquilles vides aux yeux des élèves qui sont des citoyens en devenir. En effet, comment faire prendre conscience à des enfants de la grandeur de la République quand ils se sentent eux-mêmes exclus ainsi que leur famille, que ce soit à l'école ou dans la vie de tous les jours ?"
Bien pensé, on veut des actes. Quel jugement sur la République portera l'enfant qui voit que l'Etat a peur d'appliquer la laïcité dans les cantines, ou quand il voit que l'explication des génocides juif et arménien, leur description, sont réduits en cours à une ou deux phrases, voire carrément passés sous silence, comme s'il s'agissait de "détails de l'histoire", alors qu'ils en sont le principe déclenchant et l'élément principal ?
L'élève doit être fier de la République, et pour cela la République doit lui montrer qu'elle n'a pas peur de rien ni de personne lors de l'enseignement des faits historiques et de l'application de la laïcité.
Bien sûr, il y a le drame du chômage de masse qui crée l'exclusion des individus, mais le chômage de masse ne doit pas servir de prétexte pour refuser l'enseignement du passé.
Le discours : "Moi aussi je suis exclu, alors quelle pitié aurai-je pour l'exclusion des gens du passé, puisque la République est incapable de rémédier à la mienne ?" doit être combattu dans la mesure où la compréhension de l'exclusion du passé doit servir de support de réflexion et d'action à la résolution de l'exclusion du présent. Refuser l'exclusion du passé ne fera qu'aggraver celle du présent, car la lutte contre l'exclusion est une continuité historique.
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