Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 28 janvier 2015 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Madame la ministre, on demande beaucoup à l'école et toujours plus. Mais au regard de ce qui s'est passé il y a trois semaines, au regard des profils des personnes qui tombent dans la folie djihadiste, on ne peut que constater que l'échec scolaire faisait partie des nombreux facteurs qui ont pu les entraîner dans cette dérive. L'école reproduit aujourd'hui les inégalités et les accentue. Actuellement, un enfant d'ouvrier non qualifié a deux fois moins de chances de décrocher un baccalauréat qu'un enfant de cadre. Le CNESCO, dans sa note publiée le jour même de vos annonces, pointe clairement les problèmes de mixité sociale. Sa description des mécanismes à l'oeuvre à travers les écoles ghettos ne peut rester sans réponse.

Cette réalité, c'est-à-dire ces inégalités qui mènent à l'exclusion de notre société, et donc au rejet de notre idéal républicain, et notamment de la laïcité, qui entraîne aussi les problèmes d'égalité entre les femmes et les hommes, c'est justement ce qu'il faut combattre pour que notre système scolaire redevienne une promesse pour tous les jeunes.

C'est pourquoi je suis intimement convaincue que la transmission des valeurs républicaines, axe fort de la grande mobilisation, ne pourra être effective que si elle est accompagnée d'une réelle lutte contre les inégalités. C'est la clé d'une grande partie des défis à relever et je suis heureuse d'avoir entendu vos paroles à ce sujet.

Je soutiens donc pleinement, bien évidemment, l'augmentation des fonds sociaux que vous avez annoncée, le vaste plan de relance des RASED ainsi que votre décision de vous attaquer à la sectorisation des collèges.

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, j'avais plaidé pour une remise à plat de la carte scolaire et indiqué que cette réflexion nécessitait d'être accompagnée financièrement, en ciblant plus et mieux les établissements et en sortant de la stigmatisation des labels. Des systèmes intéressants existent d'ailleurs à l'étranger et s'en inspirer permettrait de sortir de la concurrence entre établissements.

Ironie du calendrier, le magazine L'étudiant publiait le jour même de vos annonces un nouveau comparateur des collèges. Vous avez parlé de cet accompagnement financier, et cela me semble une bonne chose.

Par-delà ces questions, nous considérons que la lutte contre les inégalités exige un changement d'approche profond de notre école. Sans revenir sur l'ensemble des points développés lors des débats sur la refondation de l'école, je veux insister sur le vivre ensemble à l'école, point crucial, y compris pour le respect mutuel et le civisme.

Le sentiment d'appartenance à une même communauté nationale ne se décrète pas, ne s'impose pas d'en haut. L'enfant, l'adolescent doit le ressentir profondément, sentir qu'il a sa place dans un collectif. Cela nécessite évidemment dialogue et coopération à tous les niveaux et appelle une autre conception de notre éducation. Au-delà des réformes que vous annoncez aujourd'hui, il est bon de rappeler que le travail sur ce sujet est entamé depuis deux ans. Car c'est bien un changement de paradigme, y compris pédagogique, qui est nécessaire. C'est pourquoi nous plaidons pour des mesures qui vont dans ce sens et qui réduiront l'échec scolaire : moins d'élèves par classe, moins de classes par établissement, plus de projets collectifs, une évaluation non stigmatisante, les élèves acteurs de leur parcours, au coeur du système éducatif, une école ouverte sur l'extérieur et intégrée à son milieu, plus d'innovations pédagogiques et plus d'expérimentations pour favoriser des projets d'établissement adaptés aux particularités de chaque situation. Aujourd'hui, nous constatons tous sur le terrain qu'il y a encore beaucoup trop de freins à ces expérimentations.

C'est en associant l'ensemble des acteurs que nous avancerons vers l'éducation partagée qui peut être vue comme une réponse globale à cette crise, comme un moyen pour l'école républicaine de ne plus exclure personne. Cela se traduit pour le moment par une plus grande association des parents d'élèves. Le travail à faire est très important, et là où le lien est renoué entre l'école et les parents – et on a pu le voir avec la mission d'information sur les relations entre l'école et les parents présidée par Xavier Breton et dont la rapporteure était Valérie Corre – c'est tout simplement le lien avec la République qui est renoué. Il faut aussi évidemment plus de liens avec l'éducation populaire et le renforcement des relations avec le tissu associatif ne doit pas se limiter aux travaux d'intérêt général ou à la mobilisation de bénévoles retraités, même s'ils sont évidemment les bienvenus. Les projets éducatifs de territoire que vous avez mentionnés tout à l'heure peuvent servir à élargir et à renforcer ces liens. Un important travail doit être mené dans ce sens parce que l'on a vu que, là où cela se passe bien, nous ramenons des enfants vers l'école.

De façon globale, j'espère que les assises de l'école républicaine permettront d'aller encore plus loin pour que l'acte II de la refondation modifie notre conception de l'éducation, de sorte que plus aucun élève ne soit abandonné sur le bord du chemin. Les valeurs de la République ne prendront corps dans notre système scolaire que si l'école devient réellement inclusive pour toutes et tous. Vous vous en doutez, nous soutenons pleinement la création du parcours citoyen que nous étions d'ailleurs les seuls à demander lors des débats sur la refondation de l'école. C'est par le biais d'un tel parcours que l'éducation morale et civique pourra réellement contribuer à l'engagement citoyen et au développement du jugement critique qui sont au coeur des missions de l'école.

Enfin, l'accent que vous avez mis sur la formation est aussi une très bonne chose car la formation initiale et continue des professeurs fera évoluer notre système scolaire.

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