Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 27 janvier 2015 à 16h30
Commission des affaires économiques

Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité :

Plusieurs d'entre vous ont évoqué le retard de la France par rapport à l'Allemagne ou à d'autres pays européens. Je vous concède un retard dans la formation des professionnels. En revanche, en matière de performance énergétique, la RT 2012 est particulièrement exigeante. Pour ce qui est des produits industriels, nous sommes même moteurs, en matière de base de données numérique, par exemple.

Les chiffres de la construction pour l'année 2014 qui ont été publiés ce matin le confirment : la situation du secteur de la construction est particulièrement préoccupante, au regard tant de son impact sur la croissance économique que de l'accès au logement pour de nombreux citoyens. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en place plusieurs actions très volontaristes dans le cadre des plans de relance successifs – juin, août, décembre – des secteurs de la construction et la rénovation. Vous connaissez ces dispositifs puisque vous avez eu à en débattre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. L'année 2015, madame Dubié, sera la première année de pleine application des mesures prises. Il est trop tôt pour juger de leur efficacité. En revanche, nous savons la nécessité d'agir sur tous les segments de la politique du logement pour relancer la construction et de ne pas opposer les outils ou les acteurs les uns aux autres.

Nous avons besoin d'outils pour soutenir l'accession à la propriété, pour rénover, réhabiliter, soutenir les bailleurs sociaux et produire du logement intermédiaire dans les zones tendues – avec les assouplissements que vous connaissez grâce au dispositif d'investissement locatif qui porte désormais mon nom – tout en faisant des efforts en matière de simplification des normes et des procédures. Le projet de loi actuellement en débat, porté par le ministre de l'économie, contient un certain nombre de mesures utiles pour la filière du bâtiment et de la construction, ce qui confirme la détermination du Gouvernement en la matière.

Nous avons également besoin de tous les acteurs. L'État a besoin des collectivités locales pour construire des logements sociaux. Les chiffres de production de logement social ne sont pas à la hauteur des besoins. Certes, les périodes électorales expliquent souvent le ralentissement des projets voire leur abandon. Mais chacun doit aujourd'hui prendre sa part de responsabilité. Le tour de France de la construction que j'ai entamé sera particulièrement utile pour mieux faire connaître les différents outils aux investisseurs institutionnels, aux collectivités et aux particuliers. C'est grâce à la mobilisation de chacun que nous pourrons y arriver.

M. François Pupponi a souligné l'intérêt d'une approche globale combinant rénovation, politique de la ville et mixité sociale ainsi que l'apport important que pourrait représenter l'Institut pour la ville durable. Je partage son analyse.

L'agenda HLM conclu avec le mouvement HLM prévoit un effort particulier en faveur de la rénovation du parc existant. Mme Jacqueline Maquet a évoqué la mobilisation des bailleurs sociaux : avec Myriam El Khomri et Patrick Kanner, nous y travaillons activement. Je souligne également l'apport significatif de la convention avec Action Logement pour la politique de la ville, mais aussi pour la construction de logements sociaux. Sans cette convention, notre action serait beaucoup plus limitée.

Mme Jeanine Dubié m'a interrogée sur le label RGE : l'éco-conditionnalité, mise en place avec les fédérations du bâtiment, constitue une avancée majeure pour garantir la qualité des travaux de rénovation énergétique, plusieurs d'entre vous l'ont souligné. Le nombre d'entreprises certifiées RGE s'élevait à 30 000 au 31 décembre 2014. Afin d'accélérer la certification, en accord avec la ministre de l'écologie, des améliorations ont été apportées au système de formation et d'audit. En outre, pour permettre aux entreprises compétentes en instance de certification d'avoir accès aux marchés de la rénovation, la date d'entrée en vigueur de l'éco-conditionnalité, pour ce qui touche aux seuls certificats d'énergie, a été décalée au 1er juillet 2015.

Mme Béatrice Santais a évoqué les contrats de performance énergétique ; nous manquons de retour sur ces contrats, pour l'heure très peu utilisés. Leur inscription dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte vise à clarifier leur contenu afin d'éviter la publicité mensongère. Mes services sont très intéressés par le retour d'expérience de votre commune.

Mme Marie-Lou Marcel a insisté sur l'exemplarité de la commande publique en matière de performance énergétique. Le projet de loi demande au maître d'ouvrage public de privilégier les constructions BEPOS. C'est une évolution importante dont l'impact financier est conséquent. Les pouvoirs publics mènent en la matière une action volontaire mais aussi respectueuse de l'écosystème des entreprises : il faut veiller à ne pas exclure de l'accès aux marchés publics des entreprises déjà fragilisées par la crise économique ; il faut leur donner le temps de gagner en compétence pour répondre aux nouvelles exigences.

M. Jean-Claude Mathis a évoqué la question importante de la ouate de cellulose. La dernière entreprise à ne pas disposer d'avis technique l'a obtenu en fin d'année. La responsabilité du CSTB dans la fermeture d'entreprises de la filière est à relativiser. La crise économique et la structure même de la filière, composée de petites entreprises moins robustes, sont aussi en cause. Pour ce qui est des changements de réglementation, une partie des coûts est supportée par l'État.

Plusieurs d'entre vous, dont M. Éric Straumann, sont revenus sur l'accompagnement des ménages dans la transition énergétique de leur logement. Dans le contexte de crise actuel, le soutien au pouvoir d'achat des Français est déterminant. Cela a conduit le Gouvernement à renforcer le crédit d'impôt pour la transition énergétique, en vigueur depuis le 1er septembre. Celui-ci permettra désormais de financer des travaux ponctuels sans les conditionner à un plan global de rénovation. Nous avons également relancé l'éco-prêt à taux zéro afin d'atteindre le chiffre de 100 000 prêts par an et de garantir la qualité des travaux grâce aux entreprises labellisées RGE.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit également la mise en place d'un chèque énergie pour accompagner les ménages les plus modestes. Le déploiement des compteurs intelligents Linky permettra enfin aux consommateurs de mieux suivre leur consommation électrique. Dans le même esprit, le programme « Habiter mieux » a été renforcé dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l'habitat : les aides ont été revalorisées et le champ des bénéficiaires, élargi ; l'adoption de la loi permettra de compléter ces mesures d'accompagnement par la généralisation des plateformes de la rénovation énergétique dans une logique de guichet unique dans les territoires.

Enfin, des sociétés régionales de tiers financement pourront également être créées pour permettre l'avance des fonds aux particuliers souhaitant engager des travaux. Ces sociétés joueront également le rôle d'assistance à la maîtrise d'ouvrage auprès des particuliers en leur permettant de mobiliser les compétences professionnelles pour conduire un projet global de rénovation. Cet accompagnement tiendra particulièrement compte des capacités financières des particuliers.

Mieux informer les ménages sur les possibilités de rénovation énergétique, c'est ce que font déjà l'ADEME, l'ANAH et l'ANIL, puisqu'elles animent un réseau important de 450 points de rénovation info service qui fournissent, selon la situation des ménages, un conseil technique mais aussi un conseil financier, indépendant et gratuit, sur les travaux afin de les accompagner dans leur projet.

J'ai déjà répondu à la question sur la rénovation énergétique des logements sociaux posée par Mme Jacqueline Maquet. Je mentionne le nouveau prêt bonifié destiné à financer les travaux liés au traitement de l'amiante, sujet très important dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Pour ce qui est de l'outre-mer, dont la spécificité a été rappelée par M. Boinali Said, l'éco-conditionnalité entrera en vigueur le 1er octobre 2015 pour les deux aides que sont l'éco-prêt à taux zéro et le crédit d'impôt pour la transition énergétique. L'éco-conditionnalité signifie que le bénéfice de ces aides pour un particulier est conditionné au recours à un professionnel répondant à des critères de qualification : c'est une garantie d'adaptation des travaux de rénovation aux enjeux propres à ces territoires.

Monsieur Hervé Pellois, mon ministère a commandé un rapport sur l'auto-réhabilitation, qui m'a été remis en juillet. Comme l'habitat participatif, ce sujet demande de préciser la valeur travail, susceptible de générer des droits sociaux. Nous menons actuellement un travail d'expertise approfondi avec le ministère du travail avant de donner des suites à ce rapport qui pose de nombreuses questions juridiques et techniques.

Monsieur Yves Daniel, vous avez raison de souligner la nécessaire exigence de qualité et de garantie de résultat des travaux réalisés. Toutefois, il convient de ne pas détourner la garantie décennale de son objet et de trouver des garanties spécifiques permettant de sécuriser à la fois les entreprises et les particuliers. Vous savez que cette question fait l'objet d'un débat dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte puisque le président François Brottes a déposé plusieurs amendements qui devront être approfondis lors de l'examen au Sénat, en concertation avec les différentes organisations professionnelles du secteur du bâtiment. Plusieurs problèmes techniques et juridiques restent en suspens.

Enfin, madame la présidente, je partage votre souci d'une plus grande transparence dans l'élaboration de la réglementation thermique ainsi que d'une meilleure intégration des innovations. Cependant, les acteurs ont mis du temps à s'approprier les évolutions régulières de la réglementation. Il est donc nécessaire de conduire la prochaine étape de l'évolution de cette réglementation dans un climat de concertation, de sérénité et d'apaisement ; c'est en tout cas ce que je m'emploie à faire. C'est la raison pour laquelle je suis très attachée à l'installation du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique. J'ai également demandé à mes services de travailler à l'évolution de la réglementation thermique au sein d'un groupe de concertation dédié, en lien avec les élus et évidemment les professionnels.

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