Intervention de Yves Censi

Séance en hémicycle du 3 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Après l'article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi :

Comme nous l’avons déjà dit, monsieur le ministre – et c’est pourquoi nous regrettons, notamment, l’absence de Mme la garde des Sceaux –, vous avez l’air de céder régulièrement aux offensives un rien rampantes et sournoises du système de la common law aux dépens de notre système juridique continental.

Je souhaite maintenant faire référence à un accord – vous savez que notre système juridique français est soumis aux conventions internationales et aux accords bilatéraux et internationaux que nous signons régulièrement.

Il convient aujourd’hui de modifier la loi de 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Pourquoi ?

Sur mandat de ses États membres, l’Union européenne a négocié et conclu de manière bilatérale des accords de libre-échange comportant des dispositions ouvrant le marché de la prestation de services juridiques des États membres dans le cadre d’un statut particulier de consultant juridique étranger – je me permets de citer la formule anglaise : il s’agit du foreign legal consultant.

Ce point est important puisque notre rôle est d’adapter le mieux possible le fonctionnement de notre système juridique, évidemment, mais aussi de protéger les professions juridiques telles que nous les avons pensées, dans une philosophie de droit continental.

La France a ratifié les accords conclus entre l’Union européenne et les États dits du « Cariforum » par la loi du 28 décembre 2012. Elle a fait de même avec les accords UE-Corée du Sud ratifiés par les lois du 13 novembre 2013.

Ces accords contiennent l’engagement de permettre aux avocats des parties signataires d’exercer dans les États membres de l’Union européenne, et par conséquent en France, en tant que consultants juridiques étrangers.

C’est un point dont nous ne pouvons pas nous désintéresser – à la différence de la garde des Sceaux, qui est apparemment dans ce cas : s’il est bien un sujet sur lequel elle aurait dû accepter de débattre, c’est pourtant celui-ci, même s’il n’en manque pas !

Afin de respecter ces accords mais, également, d’encadrer notre système juridique et les professions juridiques en France, il convient de modifier les textes applicables à l’exercice de la profession d’avocat et de créer un statut et les conditions de l’exercice de ces consultants juridiques étrangers dans notre pays.

La profession d’avocat, au terme d’une concertation ouverte et très fructueuse, d’ailleurs, avec le ministère de la justice, a souhaité en décembre 2013 la création d’un statut général de consultant juridique étranger ouvert sous réserve – et nous devons y veiller – de réciprocité.

Ce statut exige l’inscription des consultants juridiques étrangers sur une liste spéciale du tableau après décision du Conseil national des barreaux, le CNB, les autorisant à solliciter cette inscription auprès du barreau de leur choix.

Ils pourront donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé pour autrui en droit international public, dans le droit de leur État d’origine et dans le droit de tout État pour lequel ils sont habilités, à l’exception du droit des États membres de l’Union européenne et du droit de l’Union européenne. Ils ne pourront pas représenter en justice ou devant une administration.

Pour pouvoir bénéficier de ce statut et être inscrit sur une liste spéciale du tableau des ordres, le consultant juridique étranger devra exercer dans son État d’origine la profession d’avocat ou une activité équivalente à celle d’avocat, n’avoir pas été l’auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, n’avoir pas été l’auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation, etc. Grossièrement, il doit être soumis aux mêmes règles que ses confrères nationaux.

Afin de donner une information claire et sincère au public, le consultant juridique étranger exercera sous son titre professionnel d’origine, auquel sera adjoint le titre de « consultant juridique étranger ».

Enfin, du fait de son inscription au tableau d’un barreau, le consultant juridique étranger est tenu au respect de la déontologie et des règles professionnelles. Il sera ainsi soumis à la discipline et au contrôle de l’ordre des avocats.

D’autres dispositions existent mais celles que nous insérons à la loi de 1971 visent à assurer non seulement un bon fonctionnement de la profession mais, également, au fond, à protéger une certaine pratique professionnelle et à lutter contre ce qui relèverait simplement d’une déréglementation, d’une libéralisation.

Il n’est pas question – et vous savez de quoi je parle, monsieur le ministre – de nous laisser imposer le droit anglo-saxon de la common law.

Je le répète, il s’agit là d’une sorte de combat doctrinal que nous ne devons pas abandonner sur le plan européen, et surtout pas sur notre territoire national.

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