Intervention de Jacques Moineville

Réunion du 28 janvier 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacques Moineville, directeur général adjoint de l'Agence française de développement :

Merci beaucoup de ces nombreuses questions, qui montrent votre intérêt pour l'Agence française de développement.

Je commencerai par répondre aux questions portant sur la diplomatie économique, l'influence française et nos relations avec les entreprises françaises.

L'AFD est un instrument bilatéral : instrument français d'aide au développement, elle a vocation à financer des projets, mais aussi, par ses implantations sur le terrain comme par le dialogue avec les acteurs locaux, à contribuer à l'élaboration de politiques et d'actions de recherche. Elle est donc par nature un vecteur de l'influence française. Au-delà, et dans la droite ligne de la politique de renforcement de notre diplomatie économique menée par Laurent Fabius, nous avons fait valider par notre conseil d'administration, et mis en oeuvre, un plan d'action qui vise à créer, dans les pays où nous intervenons, un écosystème favorable aux entreprises françaises.

Nos aides – comme celles des autres bailleurs de fonds – sont par nature déliées : nous n'imposons pas que les entreprises choisies pour réaliser les projets que nous finançons soient françaises. C'est d'ailleurs une façon pour nous de lutter contre la corruption, car cela accroît la concurrence et ramène les prix à de justes niveaux.

Si nous favorisons les entreprises françaises, c'est en établissant un dialogue très étroit avec celles qui sont susceptibles d'intervenir dans les pays où nous travaillons : nous rencontrons leurs états-majors, nos équipes sectorielles rencontrent les leurs, et nous organisons des forums pour débattre des outils, des stratégies internationales… Nous le faisons pour le secteur de la ville, pour le secteur agro-alimentaire ; nous allons le faire pour la santé. Ce dialogue s'établit aussi localement, avec nos quelque soixante-dix bureaux d'intervention comme avec les services économiques des ambassades. Nous apprenons ainsi à nous connaître, ce qui est très fructueux. Par la suite, le cas échéant, dans certains pays, nous choisissons des secteurs d'intervention en gardant en tête les entreprises qui pourraient être concernées. Inversement, les entreprises françaises connaissent nos projets et peuvent se positionner pour répondre aux appels d'offres.

Cette façon de faire correspond d'ailleurs à la demande de nos clients : souvent, les maîtres d'ouvrage locaux attendent de nous une mise en relations avec les entreprises, mais aussi avec les collectivités françaises. Ils veulent savoir comment celles-ci s'y prennent. Ce flux d'informations est capital pour tous.

Nous avons également prévu des dispositions destinées à éviter que les entreprises françaises ne soient défavorisées : nous introduisons notamment dans les cahiers des charges des clauses de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Cela permet de rétablir l'équité avec les entreprises qui ne sont pas soumises aux mêmes règles que les nôtres.

Ces mesures, en place depuis un an et demi environ, produisent leurs premiers effets : les entreprises françaises soumissionnent plus souvent et emportent plus souvent des marchés, y compris dans le domaine routier, que vous citiez, monsieur Yves Nicolin – cela dans le respect de la concurrence internationale qui s'impose à nous.

Plusieurs questions portaient sur notre action en matière de développement durable et notamment sur les conséquences de la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

Cette dernière a eu un impact considérable. Dès l'arrivée au ministère de M. Pascal Canfin, nous avons refondu notre plan d'orientation stratégique. En particulier, nous avons relu toute notre stratégie au prisme du développement durable. Cela se traduit concrètement dans notre contrat d'objectifs et de moyens – soumis à la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale : il comporte des indicateurs destinés à mesurer notre action en faveur du développement durable. Nous sommes aussi le seul bailleur de fonds, je crois, à recueillir systématiquement un avis indépendant sur les conséquences en matière de développement durable de nos projets.

S'agissant de la question spécifique du charbon, je vous confirme que nous ne finançons aucun projet de centrale à charbon. Nous pouvons, je le disais, nous permettre d'être exigeants en matière de développement durable, et ces centrales sont bien trop émettrices. Même dans les pays prioritaires, où nous n'appliquons pas les mêmes règles, nous respectons l'engagement du Président de la République et nous ne finançons pas de centrales à charbon. Notre conseil d'administration a voté une résolution en ce sens.

Votre question sur le terrorisme, monsieur Jean-Pierre Vigier, n'est certainement pas décalée : bien au contraire, elle est au coeur de nos réflexions. Comme tous nos compatriotes, nous avons été très marqués par les attentats du mois de janvier. Notre conviction collective, encore renforcée par ces événements, est que l'aide au développement est porteuse des valeurs de démocratie et de respect de l'autre. L'éducation et la lutte contre la pauvreté, comme l'accès au monde en quelque sorte, font partie de nos missions essentielles : nos actions au Mali, au Tchad, au Niger… participent, à leur niveau, de la lutte contre le terrorisme.

Cela doit nous amener à approfondir nos réflexions sur des questions complexes : comment imaginer des projets de développement dans des zones désertiques, inaccessibles, et qui sont des zones « rouges » au sens du ministère des affaires étrangères, c'est-à-dire dangereuses ? Ce sont des zones où il est pourtant essentiel d'agir. Nous espérons aboutir très rapidement à des solutions, en redéployant des moyens, en réfléchissant sur des projets nouveaux.

Monsieur Laurent Furst, nous ne coûtons rien au contribuable ! Le modèle financier de l'AFD nous permet de vivre du produit de nos actions : nos ressources paient nos charges – salaires, agences, missions, consultants, études… En revanche, la politique de développement a un coût pour le contribuable. Globalement, on peut l'estimer à 1 milliard d'euros : cela comprend notamment 200 millions d'euros de subventions et 50 à 60 millions qui sont versés à des ONG. À cela il faut ajouter le financement des contrats de désendettement et de développement (C2D), qui fonctionnent comme des subventions, ainsi que les ressources budgétaires utilisées pour bonifier les prêts.

S'agissant de l'évolution de nos ressources, en particulier de celles issues de la taxe sur les transactions financières, je ne peux évidemment pas répondre.

Quant aux ONG, la gestion du dispositif d'appui aux ONG nous a été confiée, depuis plusieurs années, par le ministère des affaires étrangères. Ce budget devrait continuer d'augmenter. Le Président de la République s'est en effet engagé à doubler les sommes consacrées au financement des ONG.

Il a été question plusieurs fois du Fonds vert. L'objectif de 100 milliards de dollars annoncé à Copenhague ne représente pas une dotation de 100 milliards de dollars : ce montant correspond à des flux annuels du Nord vers le Sud. Les composantes de ce flux n'ont pas été déterminées : s'agit-il seulement de fonds publics, ou bien de fonds publics et privés ? S'agit-il de prêts, de subventions ? Le Fonds vert doit donc être compris comme un moyen de catalyser, de soutenir les autres financements : il vient s'adjoindre à d'autres outils de financement.

Je n'ai pas connaissance de l'étude que vous citez sur le gaz de schiste…

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