Je me renseignerai et nous reviendrons vers vous. Mais je peux vous assurer qu'aucune étude n'a été demandée par un pays étranger. Je suis également certain que nous ne finançons aucun projet dans le domaine du gaz de schiste.
S'agissant de la corruption et du contrôle de l'usage de nos fonds, je ne chercherai pas à prétendre que nous ne sommes pas parfois en butte à la corruption. Mais il est vrai et raisonnable de dire que nous mettons en oeuvre des contrôles sérieux. Nous utilisons notamment la procédure de l'avis de non-objection (ANO) ; nous vérifions ainsi la justesse des prix, par comparaison avec d'autres marchés internationaux, puisque nos appels d'offres sont internationaux. Au moment du décaissement, nous vérifions si les travaux ont bien été réalisés et nous nous assurons que les versements vont bien aux entreprises. Nos conventions de prêt comprennent en outre des clauses destinées à lutter contre la corruption – certaines sont imposées par la loi bancaire, par exemple la vérification des listes d'exclusion des individus. Nous disposons ainsi d'un garde-fou supplémentaire.
Avec les fonds récoltés grâce à l'émission d'obligations « climat », nous devions convaincre que nos projets servaient effectivement le climat, qu'il ne s'agissait pas de nous lancer dans l'écoblanchiment : cette émission a été rendue possible grâce à l'audit très strict d'un organisme extérieur qui a vérifié différents points en matière de RSE, et à qui nous avons présenté dans le détail nos méthodes de mesure de l'empreinte carbone et de caractérisation d'un projet comme positif pour le climat. Nous avons ainsi convaincu que nos prétentions n'étaient pas usurpées.
Le développement de ce marché est l'un des objectifs du forum « Finance climat » que j'évoquais, et que nous organisons au mois de mars avec d'autres banques de développement. L'un des intérêts de cette émission a été de faire la démonstration que ces projets sont rentables. L'investissement dans la lutte contre les pertes énergétiques, par exemple, est très rentable à relativement court terme.
Les réactions à cette émission nous ont confirmé l'avenir de cette démarche. Les compagnies d'assurances, par exemple, sont très intéressées, puisqu'elles sont elles-mêmes très concernées par les dégâts que peut causer le changement climatique.
J'aurais bien du mal à vous citer l'investissement dont nous sommes le plus fiers ! Ils sont extrêmement nombreux. Le métrocâble que nous avons financé à Medellín, par exemple, est un transport urbain construit par une entreprise française qui permet d'allier lutte contre le changement climatique et développement économique. Il facilite le transport, bien sûr, mais il a aussi permis de restructurer des quartiers pauvres, donc de lutter contre la pauvreté et la criminalité. Je pourrais également vous citer des projets d'énergie solaire au Burkina Faso, très novateurs, de projets d'agriculture familiale, d'agriculture sous couvert végétal très économes en eau, ou encore de projets d'adaptation au changement climatique dans le domaine de la gestion de l'eau…
Nous travaillons d'ailleurs régulièrement avec les agences de l'eau, et nous connaissons bien les avantages de la loi Oudin-Santini. Le modèle français de gestion de l'eau est considéré comme exemplaire par nos partenaires, et ces partenariats nous sont demandés.
Certains de nos projets peuvent effectivement avoir un impact négatif : nous en sommes bien conscients, puisque nous calculons l'empreinte carbone de chacun de nos projets. Nous avons, sur cette base, refusé de financer la construction de cimenteries en Asie, par exemple, c'est-à-dire dans des pays où notre mandat comprend clairement la préservation des biens publics mondiaux.
Nous accordons une grande importance à l'évaluation, en interne, mais aussi avec des consultants extérieurs… Une évaluation a posteriori est réalisée systématiquement.
La question du modèle financier de l'AFD et de son évolution est évidemment décisive. Le Gouvernement a choisi de renforcer les fonds propres de l'AFD – cette décision prise par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) en 2013 a été discutée, je crois, au sein de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale ; elle nous permet de respecter les ratios de solvabilité imposés par la nouvelle réglementation Bâle III. Ce renforcement des fonds propres, auquel s'ajoute l'intégration aux fonds propres de l'AFD de 80 % de son résultat, nous permettra d'intervenir au niveau de 8 à 8,5 milliards d'euros par an de façon durable, sans faire appel à nouveau aux ressources de l'État. Il faut souligner l'importance de ces décisions, qui n'étaient pas gagnées d'avance.
Le modèle financier de l'AFD repose effectivement sur un volume important de prêts. Ceux-ci sont indispensables pour assurer des revenus à l'AFD. Mais ils sont utiles pour le développement : c'est souvent, dans les pays avec lesquels nous travaillons, le seul moyen de répondre à leurs besoins. C'est le cas même dans les pays les plus pauvres : nous prêtons au Sénégal, au Burkina Faso – après avoir vérifié que ces dettes sont soutenables.
La question de l'équilibre des prêts et des subventions dans les pays les plus pauvres se pose. Si Anne Paugam était là, elle dirait que l'AFD fonctionne avec les subventions votées en loi de finances, et qu'elle serait tout à fait heureuse d'en recevoir plus ! Mais il faut souligner que, si nous pouvions accorder plus de subventions, nous ne prêterions pas forcément moins, car les prêts peuvent financer certains investissements, et qu'ils ont un réel effet de levier.
Nous travaillons étroitement avec Expertise France, comme nous travaillions avec les différents opérateurs qu'elle regroupe. C'est une réforme qui fera certainement émerger de nouvelles synergies.