Intervention de Jacques Moineville

Réunion du 28 janvier 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacques Moineville, directeur général adjoint de l'Agence française de développement :

Nous dialoguons bien sûr en permanence avec le Gouvernement, la Représentation nationale, la société civile. Mais la décision revient au Gouvernement.

Nous établissons ensuite des stratégies géographiques par grandes zones – Afrique subsaharienne, Méditerranée… – et nous proposons à notre conseil d'administration de grandes orientations sectorielles ou thématiques, puis ces stratégies sont déclinées pays par pays : dans un pays donné, nous proposons par exemple de nous intéresser à la santé, à la formation et à l'eau. Ces cadres d'intervention stratégiques sont validés par notre conseil d'administration, mais ils font d'abord l'objet d'un débat contradictoire avec la société civile, les ONG, les bureaux d'études, les parlementaires…

Une fois la stratégie établie pour un pays, nous choisissons des projets, là encore en dialoguant avec les pouvoirs publics locaux et nos bureaux sur place. Évidemment, cela se passe différemment dans des pays où nous sommes présents depuis très longtemps et dans les pays où nous arrivons.

S'agissant des engagements qui seront pris lors de la COP21 ou même avant, ils sont en cours d'élaboration. Le forum « Finance et climat » déjà cité devrait nous y aider.

Je peux vous donner des chiffres qui décrivent la situation actuelle : en 2013, les financeurs publics du nord comparables à l'AFD ont financé environ 16 milliards de projets « climat ». Les projets financés par les membres de l'IDFC – certains du nord, d'autres du sud – se montent à 88 milliards de dollars. Ce montant inclut des financements sud-sud. Pour le groupe des bailleurs multilatéraux – Banque mondiale, banque interaméricaine, banque africaine –, le chiffre est de l'ordre de 22 milliards de dollars.

Nous avons signé, cela a été évoqué, un accord-cadre avec Bpifrance, qui a vocation à financer les activités internationales d'entreprises françaises. Nous apportons notre connaissance approfondie des marchés et des projets. Les entreprises financées par Bpifrance répondent parfois à des appels d'offres que nous finançons. Cet échange d'informations est important. Nous pouvons également co-investir dans des fonds d'investissement.

Vous me demandez, monsieur le député, si nous pouvons interdire aux différents pays de financer des projets très polluants quand nous avons financé un projet qui réduit les émissions de gaz à effet de serre. Les pays sont libres de leurs choix, et nous n'avons guère de légitimité à leur imposer les nôtres. Nous ne pouvons donc pas exiger qu'ils ne financent pas de projet émissif parce que nous finançons un projet non émissif.

En revanche, nous établissons un dialogue, notamment dans les pays à revenus intermédiaires, sur la politique du climat : nombre de ce pays élaborent de telles politiques, parce qu'ils sont convaincus que c'est nécessaire et parce que ce sera important dans le cadre de la COP21, et nous pouvons les y aider. Ce sera de plus en plus vrai.

Nous finançons aussi des politiques du climat, par exemple en Indonésie, sous la forme d'une aide au budget de ce pays ; cela se traduit ensuite par le suivi d'une matrice d'indicateurs, qui permet de suivre la mise en oeuvre effective de cette politique selon différents critères – efficacité énergétique, production d'électricité, état de la forêt… Nous avons donc une influence réelle.

S'agissant de la question démographique, ce fut longtemps un sujet tabou dans nos relations avec de nombreux pays, notamment africains. Ce n'est plus le cas : aujourd'hui, le dialogue est nourri et des actions sont menées pour limiter la croissance de la population. Au Niger, par exemple, notre action en matière de santé, d'éducation… est un vecteur fondamental d'éducation des femmes, des jeunes filles, à des comportements qui permettent de limiter la croissance démographique. Évidemment, c'est une politique qui portera ses fruits sur le long terme.

S'agissant enfin des conflits au Moyen-Orient, nous avons financé différentes actions, souvent par l'intermédiaire d'ONG, pour aider en particulier les réfugiés syriens au Liban. Ces actions ne sont pas d'une grande envergure, car cela ne correspond ni à notre mandat, ni à nos capacités, mais nous sommes présents. Nous avons aussi contribué à doter un trust fund géré par les Allemands et destiné à soutenir, dans le futur, la reconstruction de la Syrie.

Notre réflexion sur la reconstruction de pays en guerre se traduit concrètement aujourd'hui par la mise en place du fonds « Bêkou », pour aider la République centrafricaine. C'est une initiative française, qui a été reprise par la Commission européenne et différents pays européens. Il permettra de financer des projets à haute intensité de main-d'oeuvre, ce qui aura des conséquences positives et immédiates pour la population. Nous en dresserons un premier bilan dans quelques mois. Nous espérons que ce mode d'intervention permettra de fédérer des énergies et pourra être reproduit ailleurs.

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