Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 28 janvier 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Thierry Repentin, président de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier, CNAUF :

Mesdames, messieurs les députés, l'ensemble de ces questions couvrent en effet un champ très vaste, qui excède parfois la mission dévolue au président de la CNAUF ; je pense notamment au problème du zonage, qui relève davantage de la compétence de la ministre du logement.

La proposition d'étendre la décote aux biens bâtis nécessitant une rénovation a été évoquée à plusieurs reprises et me semble faire l'objet d'un accueil plutôt favorable de votre part. Je vous rappelle qu'une telle extension du dispositif nécessite une modification législative. Au reste, j'ai cru comprendre, lorsque j'ai présenté mon rapport à Mme la ministre du logement, qu'elle-même y était également favorable. S'agissant de l'extension de la décote au logement intermédiaire, je me suis contenté d'indiquer que des maires, actuellement en négociation avec l'État, avaient émis cette hypothèse ; je devais m'en faire l'écho. J'ai conscience que si la décote devait être étendue à ce type d'opérations, son taux devrait être forcément inférieur à celui qui est appliqué à une opération de logement social, car celle-ci est indéniablement plus difficile à équilibrer. En outre, cette extension devrait être strictement limitée aux zones très tendues, c'est-à-dire aux zones A – au-delà, des expertises financières sont nécessaires, dont je ne dispose pas encore. Tel est en tout cas mon sentiment.

Beaucoup d'entre vous, notamment M. Daniel Goldberg, m'ont interrogé sur la décote. Quand la CNAUF a été installée, l'établissement du prix de vente était, sinon opaque, du moins difficile à comprendre. C'est pourquoi, lors de notre première réunion, j'ai demandé à France Domaine d'expliquer la manière dont les choses se passeraient sur le terrain. Quelle est la règle du jeu ? La Constitution interdit à l'État de vendre ses biens à vil prix. Seule une loi peut donc autoriser une décote sur le prix de cession d'un bien relevant de la propriété privée de l'État. Tel est l'objet de la loi du 18 janvier 2013. Compte tenu de ce principe constitutionnel, France Domaine établit le prix de vente d'un terrain à partir du prix du marché libre. Puis nous évaluons toutes les dépenses que va engager la collectivité locale intéressée pour construire sur ce terrain une opération de logements. Ces dépenses incluent donc notamment le coût de la dépollution éventuelle du site, dont l'évaluation exacte prend parfois un peu de temps, surtout lorsque l'État souhaite étudier le plan de masse du programme. Prenons en effet l'exemple de la vente d'une caserne : les sols ne seront pas dépollués sur une profondeur identique selon qu'ils accueilleront des bâtiments, de la voirie ou des équipements sportifs. En tout état de cause, toutes les dépenses seront déduites du prix de marché pour établir le taux de décote ; le coût de la dépollution sera donc défalqué du prix de vente.

Par ailleurs, le prix du marché libre étant variable, le taux de la décote pourra être différent d'une zone à l'autre, y compris pour un même programme de logement social. Toutefois, on peut dire de manière générale que plus le programme comprendra de logements sociaux et plus ces logements seront sociaux, plus ce taux sera important. Il peut même atteindre 100 %. Ce cas de figure ne s'est pas encore présenté, car jusqu'à présent l'équilibre financier des opérations a pu être atteint avec un taux de décote inférieur. Mais une opération doit être réalisée prochainement dans le Nord, dont les coûts imposent que l'État cède gratuitement son foncier. Il est arrivé que, face à certains blocages, je propose moi-même à une collectivité locale de faire évoluer son programme en lui suggérant de prévoir davantage de PLAI afin d'obtenir une décote plus importante. Un dialogue s'instaure donc entre les élus et les services déconcentrés de l'État pour aboutir à un prix acceptable.

Je précise cependant qu'il est erroné de croire que ce dispositif ne concerne que le logement social. Il est en effet très rare qu'un programme comprenne exclusivement des logements sociaux : par souci de favoriser la mixité sociale, nous cédons des biens pour la réalisation de programmes relativement équilibrés comportant à la fois locatif social, accession sociale à la propriété et investissement libre. Du reste, les promoteurs sont intéressés par ce type d'opérations, car les collectivités demandent souvent à l'investisseur privé de prendre en charge le déficit de la charge foncière lié au logement locatif social. Or, dans ce type d'opérations, c'est l'État qui prend en charge ce déficit foncier. Il est donc plus facile pour les promoteurs d'équilibrer leurs opérations lorsqu'elles sont réalisées sur un terrain vendu avec une décote par l'État. À ce propos, j'inviterais le législateur à s'assurer, dans deux ou trois ans, qu'il a été tenu compte de cet effort de l'État dans la fixation du prix du mètre carré libre. J'espère que la décote contribuera ainsi à freiner les prix du privé sur ces terrains.

En ce qui concerne la SNCF et RFF, ces deux opérateurs ont signé, en juin dernier, une charte dans laquelle ils prévoient de céder, sur la période comprise entre 2014 et 2018, 230 hectares sur 150 sites, permettant la construction de 15 000 à 20 000 logements. Les directions immobilières des deux opérateurs vont fusionner et seront placées sous la responsabilité de Mme Boissard, que j'ai rencontrée la semaine dernière et qui viendra rendre compte devant la CNAUF et les services de l'État des mesures prises pour assurer l'application effective de cette charte. Il est vrai, s'agissant des terrains de ces deux opérateurs, que l'on rencontre souvent des difficultés liées à leur pollution et, parfois, à l'évaluation de la reconstitution des réseaux. C'est pourquoi je souhaite disposer, afin que la CNAUF soit réellement indépendante, d'un petit budget qui me permette de missionner un cabinet d'études privé pour déterminer si les demandes du vendeur sont bien justifiées. Dans un domaine technique comme celui-ci, il est en effet important que nous puissions recourir à une ingénierie qui fait actuellement défaut aux services de l'État afin d'opposer, le cas échéant, une étude indépendante à l'évaluation réalisée par la collectivité locale qui sera tentée de présenter des devis excédant le coût réel des travaux.

J'en viens à la question des listes. Je le dis comme je le pense, la publication de la première liste a été une erreur majeure, qui a influé sur la perception de la loi et son résultat. Cette liste a sans doute été dressée un peu rapidement, sans que le bien-fondé de la cessibilité potentielle d'un certain nombre de terrains – dont certains étaient d'ailleurs déjà vendus – ait été vérifié. La liste actuelle a été établie de manière plus rigoureuse ; elle compte 264 biens de l'État et 69 biens appartenant à des établissements publics. Combien d'entre eux seront vendus et quel est le nombre de logements qui pourront être construits ? Je ne peux pas répondre précisément à cette question aujourd'hui, car nous dialoguons avec les collectivités locales ; chaque programme fait l'objet d'une discussion. Néanmoins, 111 terrains sont classés prioritaires pour 2015, et mon rôle est de m'assurer que le plus grand nombre possible d'entre eux sera vendu. Si je devais donner un chiffre, je dirais, en me fondant sur les opérations déjà réalisées, que le nombre des logements sera compris, pour la seule année 2015, entre 25 000 et 35 000, soit 10 % de la production de logements en 2014. Ce dispositif ne se substituera certes pas à la politique du logement, mais il apporte des solutions dans certains territoires en permettant la construction de logements sociaux et privés.

Par ailleurs – et je réponds ici à Mme Béatrice Santais –, ces listes constituent un vivier, mais elles ne sont pas exclusives. Si vous avez connaissance de terrains appartenant à l'État qui ne font pas partie des biens recensés mais vous semblent adaptés à la construction d'un programme de logements – une ancienne subdivision de l'équipement abandonnée, une Direction départementale de la jeunesse et des sports (DDJS) fermée, un délaissé de voirie –, faites-le savoir. Car si la loi dispose que la décote est de droit sur les terrains figurant sur la liste annexée à la loi, elle n'exclut pas que d'autres terrains puissent en bénéficier. Nous avons ainsi trouvé un accord sur des terrains que les services déconcentrés avaient omis, volontairement ou non, d'inscrire sur la liste mais dont l'existence avait été portée à notre connaissance par des préfets.

Nous touchons là au problème des injonctions contradictoires. Vous avez en effet voté une loi qui définit une orientation politique qu'il m'appartient de faire appliquer au sein de différents ministères, que l'on enjoint par ailleurs de vendre au plus offrant. C'est l'objet d'un dialogue avec ces administrations. J'ai ainsi rencontré plusieurs fois le secrétaire d'État au budget et France Domaine, pour rappeler qu'un ministre s'inscrivait dans l'action gouvernementale, laquelle obéit à certaines priorités. Jusqu'à présent, les propositions faites par la CNAUF de décotes supérieures à celles suggérées par France Domaine ont toujours été acceptées. Elles continueront de l'être, en dépit des discussions et des difficultés, s'il existe une véritable volonté politique d'appliquer la loi du 18 janvier 2013. Ainsi, vous constaterez bientôt, je l'espère, qu'à Paris, qui est la ville où il est le plus difficile de faire du logement social en raison des prix de marché, de grosses opérations seront programmées dans les semaines qui viennent, avec des taux de décote importants, l'État consentant un effort de plusieurs dizaines millions d'euros.

Les territoires de montagne peuvent également être concernés, dès lors qu'il s'agit de zones tendues, telles que les départements frontaliers alpins. Je précise cependant que la loi ne permet pas que des opérations de ce type interviennent dans le domaine du tourisme social. En revanche, elles peuvent concerner le logement saisonnier, qui est considéré comme du logement social s'il s'agit de PLS, de PLAI ou de PLUS. Encore faut-il trouver des terrains libres appartenant à l'État ou à des établissements publics.

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