Notre profession réalise en France 9,7 milliards de chiffre d'affaires et emploie quelque cinquante mille salariés ; elle exporte plus de 50 % de sa production. Créé en 1907, le SYMOP compte aujourd'hui deux cent quarante adhérents, principalement des PME et des ETI, qu'il s'emploie à aider de maintes manières : je me bornerai ici à citer l'initiative « Robot Start PME » qui, si elle est définitivement validée, permettra à partir de l'année prochaine à deux cent cinquante PME d'acquérir leur premier robot, et les actions de promotion du savoir-faire français que nous menons afin de soutenir l'exportation de nos produits.
Les machines et les technologies de production incluent les machines-outils, les machines à bois, les robots, les machines d'emballage et toute une série d'équipements auxiliaires – comme les systèmes de vision ou de mesure – qui permettent d'améliorer les conditions de production. Présents au coeur de la quasi-totalité des secteurs industriels et manufacturiers – l'automobile, l'aéronautique, l'agroalimentaire, la mécanique, etc. –, ces équipements à haut contenu technologique constituent des composants essentiels pour l'efficacité des processus de production et pour la compétitivité des entreprises. D'autre part, l'offre de ces systèmes de production est aujourd'hui totalement mondialisée comme en témoigne notre taux d'exportation supérieur à 50 %.
Les notions de compétitivité coûts et de compétitivité hors coûts sont indissociables. Au regard de la première, le déficit français est aujourd'hui pleinement reconnu et d'autres intervenants ont dû vous éclairer sur cet aspect du problème. Notre intervention sera donc consacrée à la question de la compétitivité hors coûts.
Le rapport Gallois note que « l'industrie française a été conduite à préserver sa compétitivité-prix au détriment de sa compétitivité hors prix ». Une étude réalisée par le Centre d'observation économique et de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises (COE-Rexecode), qui croise le « score prix » et le « score qualité » des biens d'équipement mécanique français, italiens, espagnols et allemands montre qu'entre 1995 et 2011, alors que la situation de la France n'évoluait pas, l'Allemagne a réussi à faire très fortement chuter ses prix tout en conservant sur la France un avantage en matière de qualité. Les produits allemands dépassent ainsi désormais les nôtres à la fois en qualité et en prix, ce qui nous désavantage évidemment sur les marchés.
L'amélioration de la compétitivité coûts constitue une priorité, mais elle ne pourra avoir d'effets pérennes que si elle est mise au service de la compétitivité hors coûts. Fort de l'expertise de ses adhérents, le SYMOP doit donc se faire entendre sur cette question en proposant des solutions pour moderniser notre outil industriel.
Aujourd'hui, cette modernisation ne fait l'objet en France que de 28 % des investissements productifs. Avec seulement 6,1 % du PNB consacré à l'investissement en machines, nous sommes parmi les derniers pays de l'OCDE, l'Italie ou l'Allemagne faisant bien mieux avec 9 % et 7,2 % respectivement. La baisse des investissements industriels français de 21 % en 2009 n'a en effet jamais été compensée.
En 1999, l'âge moyen du parc de machines-outils était de dix-sept ans en France, de dix ans en Italie et de neuf ans en Allemagne. Autrement dit, une part notable de nos machines a été financée par le plan Marshall ! De plus, notre taux de robotisation est très faible en comparaison de ce qu'il est chez nos voisins : il y avait l'année dernière 34 500 robots installés en France, 62 000 en Italie et 157 000 en Allemagne, soit 122 robots pour 10 000 emplois industriels en France, 159 en Italie et 261 en Allemagne.
Le niveau de l'appareil productif français laisse donc fortement à désirer, ce qui constitue un handicap lourd sur le marché. Il nous est ainsi difficile de satisfaire aux exigences de qualité et de réactivité de nos clients, mais également de nous adapter à la sophistication et à la personnalisation croissante des nouveaux produits, ainsi qu'à leur évolution incessante. Pour ne prendre qu'un exemple, la durée de vie commerciale d'un nettoyeur haute pression est aujourd'hui de trois ans seulement, contre neuf ans en 1990, ce qui implique, tous les trois ans, une révision de tous les moyens de production. Mais le retard de notre système productif a aussi un coût social, dans la mesure où il fait obstacle à l'amélioration des conditions de travail.
Partant de ce constat, le SYMOP met en avant une série de propositions. Il nous semble avant tout urgent de dresser un état des lieux de l'outil de production en France, pour déterminer dans quels secteurs, dans quelles régions et pour quelles technologies l'obsolescence est la plus manifeste. Le ministère du redressement productif doit réaliser sur ce sujet une étude impartiale pour nous permettre de mener une discussion constructive sur les mesures à prendre.
Il faut ensuite inciter les entreprises à innover. Si nous dépensons en France quelque 32 milliards d'euros en recherche et développement, dix milliards seulement vont aux dépenses d'innovation : installation de nouvelles machines ou de nouveaux logiciels ou composants. Or, dans toute entreprise, l'introduction d'une technologie nouvelle implique bien souvent une révision globale du processus de fabrication et l'acquisition de nouvelles compétences. Et même si cette technologie n'est pas nouvelle absolument, elle n'en doit pas moins être regardée comme une innovation, en particulier pour une PME, et mérite à ce titre une incitation similaire au crédit d'impôt recherche, ou une inscription dans le champ d'application du crédit d'impôt innovation. Cela permettrait de s'assurer qu'une part significative du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), actuellement en préparation, sera bien affectée à la modernisation de l'outil de production.
Une PME manque souvent de ressources et d'expertise interne pour faire évoluer son organisation industrielle, pour optimiser son processus de fabrication et pour se doter des nouvelles compétences nécessaires. Il faut donc un dispositif d'accompagnement afin d'informer chacune des nouvelles solutions disponibles, de l'aider à établir un diagnostic de son outil de production et à définir ses besoins, puis de l'assister dans la modernisation de son parc et dans l'analyse des résultats obtenus. C'est en particulier l'objectif du programme « Robot Start PME », conçu comme je l'ai dit pour accompagner deux cent cinquante PME dans l'acquisition de leur premier robot – le dispositif comporte une assistance à la mise en place de cet équipement ainsi qu'une petite aide à l'investissement.
Enfin, parce que nos technologies s'adressent à la plupart des filières industrielles, les processus de production sont abordés de façon très fragmentée. Une filière dédiée aux technologies de production permettrait de mutualiser les efforts, de faciliter l'appropriation des procédés et des technologies modernes et, enfin, de lancer ou de coordonner des programmes de recherche ambitieux pour rendre nos machines encore plus intelligentes, plus performantes et plus respectueuses de l'environnement.