Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 4 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 19

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Je souhaite apporter sur cette question des éléments de réponse aussi précis que possible – je l’avais d’ailleurs déjà fait en commission spéciale.

L’article 19 organise l’ouverture des données publiques relatives aux entreprises en prévoyant la transmission numérique par les greffiers des tribunaux de commerce, dans un format interopérable et sans frais des données relatives au registre du commerce et des sociétés à l’INPI.

De quoi s’agit-il ? De données publiques – tout le monde s’accorde sur ce point. Cette mission est effectuée depuis 1951 par l’INPI, un établissement public qui conserve plus de 90 kilomètres d’archives relatives aux entreprises, renfermant des informations qui vont bien au-delà de celles collectées par les greffiers. Voilà la nature des informations concernées – vous ne l’avez d’ailleurs pas contesté, monsieur Houillon. Cette ressource est centralisée par les greffiers : cela fait partie de leur mission.

L’INPI a déjà l’expérience du passage à la gratuité des licences, puisque, depuis octobre 2014, il y a procédé, sous l’autorité de mon ministère, s’agissant de toutes les autres données. La dynamique ici retenue, comme sur beaucoup d’autres sujets, est celle de l’open data.

Deuxième point : toutes les données concernées par cet article appartiennent à l’État. Pourquoi cela ? Il faut rappeler que les greffiers interviennent par délégation de l’État. La collecte des données, leur transformation, se fait dans le cadre de cette délégation : c’est une obligation légale. L’État est tenu de le faire au niveau communautaire, soit lui-même soit par délégation.

Les greffiers ont également par délégation de l’État la mission de numériser les documents qu’ils collectent dans le cadre de leur mission, de dresser les actes sous forme numérique, de les transmettre à l’INPI pour inscription au RNCS et de les mettre, par voie numérique, à la disposition des entreprises et des particuliers. Il s’agit bien d’une obligation légale. Pour ces tâches, les greffiers sont rémunérés, soit spécifiquement, soit forfaitairement, au moyen des tarifs réglementés payés par les entreprises ou entrepreneurs individuels. Cela inclut la numérisation et la transmission à l’INPI ou aux particuliers. Les greffiers ne sont propriétaires que des logiciels mis en place, pas du produit, et de l’infrastructure informatique.

Troisième point : l’atteinte à la vie privée et la transmission de données personnelles ont été évoquées, en creux, par certains orateurs. Ces questions se retrouvent dans un ou deux amendements. Pour y répondre, je précise que les données qui devront être transmises aux termes de l’article 19 de ce projet de loi sont légalement collectées et traitées. Les greffiers ont pour mission légale de les diffuser publiquement. Il s’agit même, là encore, d’une obligation communautaire. Ces données sont donc déjà publiquement diffusées.

Ainsi, l’open data que propose ce texte ne crée pas le caractère public des informations, ni ne porte atteinte, en quelque manière que ce soit, à la vie privée. Au demeurant, la mise à disposition gratuite interviendra après la signature d’une licence de réutilisation qui imposera, évidemment, le respect du caractère personnel des données.

Quatrième point, concernant l’indemnisation d’Infogreffe : nous avons longuement examiné cette question. Il faut la détailler. La loi ne touche pas au monopole de droit des greffiers. Les greffiers ne peuvent pas prétendre qu’il y aurait un transfert de leurs compétences à l’INPI, car l’INPI exerce cette mission depuis 1951.

Infogreffe est un GIE, un groupement d’intérêt économique. L’obligation que crée ce texte porte sur les greffiers. Le GIE ne bénéficie d’aucun monopole de droit, ni d’aucun monopole de fait. Il n’y a donc pas lieu de l’indemniser ! Les greffiers conservent le monopole de l’authentification via le Kbis et de sa délivrance légale contre rémunération. Ils sont soumis aux obligations de transmission d’informations que j’ai évoquées. L’article 19 ne menace donc pas les investissements liés à la bonne exécution de leurs missions via le GIE Infogreffe.

Le GIE résulte d’un choix des professionnels. C’est une modalité d’application de leur obligation légale et communautaire. Le choix de cette modalité a conduit à des investissements, mais ces investissements ont été financés – voire sur-financés – et amortis, une première fois au moyen des prix réglementés, et une deuxième fois au moyen des ventes du GIE, en situation de monopole de fait.

Finalement, dans la situation actuelle, les professionnels rémunérés pour collecter des informations et les mettre à disposition du public se sont organisés. Parce qu’ils ont décidé de constituer un GIE, ils bénéficient d’une situation de monopole qui n’est en aucun cas couverte par le droit. C’est cette aberration que nous voulons traiter par ce projet de loi. En effet, les greffiers de tribunaux de commerce ne déposent pas leurs comptes, non plus que le GIE Infogreffe – c’est d’ailleurs l’un des avantages que présente cette forme juridique.

Les informations disponibles sont donc limitées. On dispose cependant d’un certain nombre de données, qui n’ont pas été contestées par les professionnels visés par le rapport de l’IGF sur les professions juridiques réglementées. Ce rapport a reconstitué leurs comptes, et a montré que le taux de rentabilité moyen annuel d’un greffe de tribunal de commerce est de 82 %. On peut ainsi raisonnablement présumer que s’il y a eu un investissement important, il a été amorti. En tout cas, il a largement été intégré dans la tarification actuelle, car une entreprise dont le taux de marge est de 82 % fait rarement des dépenses de recherche et développement inconsidérées ou des investissements hors de propos !

Une convention a été signée en 2009 avec l’INPI. Elle n’a nécessité aucun investissement supplémentaire pour le GIE, à l’exception du simple raccordement à l’INPI. La structure du GIE était déjà en place, et déjà amortie financièrement depuis longtemps ; elle a même accru sa rentabilité depuis. Elle organise la sous-traitance que j’évoquais avec des rétrocessions annuelles qui ne dépassent 1,3 million sur le retraitement, qui est déjà couvert par l’activité normale d’Infogreffe.

Par cet article, nous mettons à la disposition du public des informations. Cette mise à disposition ne doit pas avoir un caractère onéreux. C’est une obligation légale qui porte sur les professionnels que sont les greffiers ; ceux-ci ont décidé de s’organiser en créant un GIE, Infogreffe, mais cela ne change rien au raisonnement que je viens de tenir. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.

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