En tant qu'ancien directeur général du travail, je peux témoigner que la méthode suivie par notre mission a été innovante. De plus, elle a fonctionné alors que rien n'était gagné d'avance.
Il nous a semblé important de concilier une double approche : intégrer la question de l'assurance chômage dans un schéma plus vaste englobant la dynamique de l'emploi et reconnaître la spécificité de l'intermittence.
Une des particularités de ce secteur est la structuration des acteurs. Outre l'opposition classique entre organisations professionnelles et organisations syndicales, il est caractérisé par des relations délicates entre niveau interprofessionnel et niveau professionnel. Nous avons pu constater, lors de nos réunions, qu'employeurs et salariés des professions concernées, unis dans une alliance objective, contestaient le niveau interprofessionnel.
Il faut donc trouver une méthode en adéquation avec ces particularités en prenant en compte trois niveaux différents.
Le premier niveau mobilise l'ensemble des acteurs – partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et au niveau des branches, État, collectivités territoriales – pour essayer de dégager, dans un cadre temporel allant au-delà des deux ou trois années de renégociation de la convention de l'assurance chômage, une vision positive de l'évolution des métiers et des projets économiques. Il s'agit de sortir du psychodrame permanent marqué par la récurrence des crises.
La volonté d'inscrire dans la loi la spécificité de l'intermittence a fait l'objet de polémiques. Pourtant, elle ne partait nullement du principe qu'il fallait sanctuariser le régime dans son état actuel. Comme l'a souligné Jean-Patrick Gille, il règne un climat de suspicion depuis de nombreuses années : certaines organisations professionnelles sont accusées de vouloir supprimer la spécificité de l'intermittence. Il faut admettre que le secteur du spectacle n'est pas régi par les mêmes règles que les autres secteurs, pour la raison simple qu'un acteur ou un technicien doit recourir à des contrats à durée déterminée pour travailler. Cela suppose de poser le principe de sa spécificité dans la loi, à charge pour l'État et les partenaires sociaux de trouver des solutions innovantes.
Deuxième niveau : le niveau interprofessionnel, qui prend part à la négociation de la convention d'assurance chômage. La connaissance des métiers et des questions techniques étant plus développée au niveau professionnel qu'au niveau interprofessionnel, il faut éviter que ce dernier négocie une convention à l'aveugle, tout en lui permettant de jouer pleinement son rôle puisqu'il est responsable de l'équilibre général des comptes. Une solution pourrait consister à ce que le niveau interprofessionnel définisse une enveloppe et des grands principes à partir desquels le niveau professionnel élabore des solutions.
Troisième niveau : le niveau des branches. En tant qu'ancien directeur général du travail, j'ai pu suivre de près l'importante opération de restructuration des branches menée à l'initiative de MM. Gérard Larcher, alors ministre du travail, et Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture. Dans le secteur du spectacle, le processus, quoique compliqué, a été couronné de succès car les partenaires sociaux ont été très proactifs : le nombre de branches est passé de quarante à huit. Toutefois, l'effort qui a été mené pour définir le CDDU doit être poursuivi. L'un des problèmes posés est de savoir comment parvenir, au niveau des branches ou au niveau interbranches, à un accord sur le champ d'application de ces contrats, la gestion prévisionnelle des emplois et les conditions de travail. Au-delà de la négociation de l'assurance chômage, une vraie réflexion sur les métiers doit être menée au niveau des branches.
L'un des mérites du rapport est de proposer une méthode permettant de fixer les grands principes dans un cadre temporel de cinq ans, une négociation de la convention d'assurance chômage au niveau interprofessionnel qui associe le niveau professionnel, et des négociations sur le contrat d'usage et les conditions de travail au niveau des branches.
Après un démarrage très rude, nous avons réussi à faire en sorte que tout le monde se parle, ce qui est très rare dans le domaine des relations du travail classiques. La mission étant achevée, il s'agit désormais de faire vivre ce qui a été initié dans ce cadre par trois personnes aux profils très différents : le niveau interprofessionnel doit accepter de dialoguer avec le niveau professionnel, ce qui semble difficile pour les représentants des salariés comme pour ceux des employeurs. Dans les organisations patronales notamment, les relations entre les niveaux interprofessionnels et professionnels ne sont pas toujours d'une extrême simplicité.
Nous comptons sur la loi et le plan du Premier ministre pour maintenir la dynamique, car il ne faut surtout pas laisser « retomber le soufflé » si nous ne voulons pas nous retrouver dans la même impasse d'ici deux ou trois ans.