Alors qu'il vise, selon son intitulé, à « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », votre rapport ne semble pas avoir tenu compte de plusieurs facteurs d'instabilité ou d'insécurité.
Le fait que la moitié des quelque 280 000 salariés du secteur culturel en 2012 – une progression de 7 % depuis 2000 – soit des professionnels réguliers ne constitue-t-il pas un facteur structurel d'instabilité, attesté par un autre fait, à savoir le fractionnement, depuis quinze ans, du travail des artistes et des techniciens en des contrats de plus en plus courts ? Les tentatives d'une meilleure structuration du secteur, via, notamment, un encadrement renforcé du CDDU, n'ont pas empêché la progression du nombre d'intermittents et donc la précarisation du secteur, puisque, parallèlement à la hausse du nombre d'intermittents, la masse d'heures travaillées, elle, n'a pas augmenté. Pourquoi le rapport n'évoque-t-il pas cette question ?
Le secteur peine à recourir à des pratiques stables en matière de contrats. La « permittence », la « rotamittence », la sous-traitance ou le double statut salarié-entrepreneur, qui se font au détriment des CDI intermittents, traduisent un dévoiement du système qui pénalise tous les acteurs. Pour être crédibles aux yeux de l'opinion publique, les professionnels de la culture doivent se débarrasser de ces pratiques qui fragilisent leur filière et entament leur image. Les droits doivent être accompagnés de devoirs. Consacrer dans la loi l'existence du régime de l'intermittence interroge son caractère dérogatoire par rapport au droit commun. Votre rapport préconise l'engagement des branches du spectacle pour réduire ces dysfonctionnements connus depuis longtemps : or, j'ai noté votre prudence quant à la capacité du secteur à y parvenir.
À mon sens, le principal facteur d'insécurité est l'avenir des politiques culturelles, dont le financement dans les territoires est assuré essentiellement par les collectivités locales. Les 7,6 milliards d'euros de dépenses culturelles des collectivités territoriales que cite le rapport n'intègrent pas le financement de la culture par les communes de moins de 10 000 habitants. Le montant des dépenses des collectivités territoriales en matière culturelle est donc dans les faits bien plus élevé. Mme la ministre de la culture et de la communication a déclaré vouloir réduire les zones blanches de la culture, conformément à ce que j'avais préconisé dans l'avis budgétaire que j'ai présenté à l'automne dernier : ne s'agit-il pas d'un voeu pieux dans la mesure où les dotations de l'État aux collectivités locales baisseront de façon dramatique – 28 milliards d'euros en quatre ans sur un budget de l'État de 400 milliards ? Alors qu'en tant qu'élue locale, je n'ai jamais diminué la part du budget culturel de la ville dont je suis maire, pour la première fois cette année, je serai contrainte de le faire pour équilibrer le budget général, ce qui ne sera pas sans effet sur l'emploi culturel.
Est-il bien raisonnable de continuer d'engager des professionnels dans un secteur dont la masse de travail, je le répète, est malheureusement appelée à diminuer ?