Intervention de édouard Barreiro

Réunion du 21 novembre 2012 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

édouard Barreiro, directeur des études de l'Union fédérale des consommateurs UFC-Que choisir :

UFC-Que choisir a toujours défendu la rémunération pour copie privée, contrairement à ce qui est souvent dit. Et nous nous efforçons de participer au débat car, à l'inverse de ce qui est dit aussi, ce ne sont pas les industriels ou les importateurs qui paient cette rémunération : ce sont les consommateurs. De ce fait, nous ne pouvons être absents du débat. Voilà pourquoi j'ai accepté avec plaisir de participer à cette table ronde.

Cependant, nous ne pouvons accepter le mode de fonctionnement de la Commission de la copie privée. Nous ne pouvons pas accepter que toutes les décisions passent parce qu'elle est majoritairement composée d'ayants droit. Nous ne pouvons pas accepter que les préjudices, les barèmes, les montants versés soient uniquement fixés par les ayants droit. Nous ne pouvons pas accepter que ceux qui s'estiment victimes d'un préjudice soient ceux qui estiment leur indemnisation. Nous ne pouvons pas accepter non plus la méthodologie, actuellement instable, peu transparente et qui évolue au gré des besoins de financement des ayants droit. Nous ne pouvons pas accepter, par exemple, qu'une copie soit systématiquement assimilée à un préjudice. C'est faux pour la copie privée comme pour le piratage.

Nous avons toujours défendu la copie privée parce qu'il nous a toujours semblé essentiel de pouvoir copier – ce n'est pas un droit, c'est une exception au droit d'auteur. Rappelons-le, pendant des années, nous avons payé alors que nombre de contenus n'étaient pas copiables. Les CD étaient protégés, les fichiers numériques également, avec les DRM. Aujourd'hui, les musiques ne sont plus protégées. Mais prend-on en compte le streaming, et toutes les nouvelles offres dans lesquelles la possibilité de copier n'est en fait que de la location, avec l'utilisation de Deezer, Qobuz ou Spotify ? Je doute que cela soit pris en compte dans les barèmes.

Si la situation s'est légèrement améliorée pour la musique, qu'en est-il des films ? Il n'existe pas un seul contenu copiable : les DVD, les Blu-ray sont protégés, la vidéo à la demande (VOD) n'est pas copiable. Seuls sont copiables les contenus de la télévision. Mais quel est le préjudice ? Pendant des années, on nous a dit que Médiamétrie comptabilisait les copies dans l'audimat ; il n'y avait donc pas de préjudice. Lesquelles ne sont pas comptabilisées ? Quand y a-t-il préjudice ? La proportion est infime d'autant que les pratiques de copiage à la télévision sont de moins en moins importantes du fait de la possibilité de revoir les programmes en différé et du streaming.

On nous dit qu'il faut financer l'exception culturelle. Les propos de M. Petitgirard étaient très touchants, sauf que c'est à l'État de financer la culture et non à la rémunération pour copie privée, dont les statuts sont définis par le droit européen. Le Gouvernement doit soutenir la culture, comme il le fait pour l'éducation ou la santé. En outre, les 25 % consacrés aux actions d'aide à la création sont aux mains des ayants droit, qui en font ce qu'ils veulent, comme ils le veulent. Leur communication, à cet égard, est pour le moins curieuse. M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la SACEM, a ainsi déclaré lors des dernières rencontres cinématographiques de Dijon : « Je me suis fait expliquer par beaucoup d'entre vous qu'un grand nombre de parlementaires se sont mobilisés quand on a eu besoin d'eux grâce à la copie privée, car tous en bénéficient. Ce sont les 25 % qui contribuent, dans leur commune, leur département, leur région à soutenir la création. » L'ancien député Bernard Carayon a même expliqué qu'il avait fait l'objet de chantage et qu'on lui avait fait savoir que s'il ne se mobilisait pas, il perdrait un des instruments du financement de l'animation culturelle dans sa ville. Voilà pourquoi il est essentiel que le financement de la culture soit aux mains, non pas des ayants droit, mais des institutions de l'État.

Voilà pourquoi nous souhaitons, comme le SIMAVELEC – nous avons été à l'origine de cette proposition – que le préjudice soit déterminé par une institution totalement indépendante, dans lequel ne siégeront ni consommateurs, ni industriels, ni ayants droit, et que les fameux 25 % soient pris en charge par le budget de la culture. Ce serait d'ailleurs un juste retour des choses puisque, en janvier 2011, M. Laurent Petitgirard avait précisé que ces 25 % étaient un palliatif pour compenser les aides que ne versait plus le ministère de la culture.

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