Comme l'a dit Albert Camus, « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur de ce monde ». C'est ce qui vient d'être fait. Parler de taxe en évoquant la rémunération des auteurs est une tromperie. La rémunération pour copie privée est la rémunération d'une exception au droit d'auteur, qui permet d'autoriser ou d'interdire les reproductions. Les auteurs, les créateurs, les artistes interprètes, les producteurs sont expropriés de ce droit et bénéficient donc, en échange, d'une rémunération. Tel est le système français, qui a été voté à l'unanimité en 1985, dans le cadre de la loi Lang et qui, ensuite, a été repris par l'Union européenne, dans le cadre d'une directive qui, malheureusement et comme c'est fréquemment le cas, ne s'applique par partout. Il en est ainsi en Angleterre, ce qui peut poser des problèmes de marché gris avec des importations parallèles.
Par ailleurs, une partie des membres de la Commission de la copie privée se plaisent à s'appeler « industriels ». De quelles industries s'agit-il ? Où sont donc fabriqués tous ces appareils qui permettent de copier et qui se sont formidablement développés ? Souvenez-vous, il y a dix ans, vous ne pouviez rien copier sur un téléphone, les tablettes n'existaient pas ! Je dirai quant à moi qu'il y a au sein de la Commission des importateurs, des revendeurs, qui ont démissionné, et, d'autre part, des industriels qui, eux, sont restés, pour le moment en tout cas. Il s'agit des opérateurs de télécommunications, qui créent les réseaux et nous permettent de communiquer et d'avoir accès à internet.
Pour ce qui est du départ de la Commission, la procédure n'est pas nouvelle : en 2002, huit réunions sur seize avaient été annulées car certains avaient pratiqué la politique de la chaise vide ; en 2008, onze réunions sur vingt-deux ; en 2009, deux réunions sur cinq ; et, actuellement, quatre sur dix-sept. Au cours d'une certaine période, M. Heger s'est ainsi abstenu de siéger au sein de la Commission.
Concernant la composition de la Commission, celle-ci est paritaire et identique à celle des autres commissions fixées par la loi Lang sur le droit d'auteur. Je pense à la Commission sur la rémunération équitable qui fixe la rémunération des artistes interprètes et des producteurs au titre du passage des phonogrammes sur les radios, et qui est composée pour une moitié de représentants des radios et pour l'autre de représentants des artistes et producteurs et présidée par une personnalité nommée par l'État. Il en est de même pour la rémunération du droit voisin des artistes interprètes à l'égard des producteurs de cinéma et de l'audiovisuel. Au sein de la Commission de la copie privée, on retrouve pour moitié ceux qui vont payer la rémunération en s'en acquittant, ce sont les importateurs et les revendeurs, et ceux qui la paieront effectivement, à savoir les consommateurs. Dans certains cas, ceux-ci paient la rémunération tandis que de très grandes entreprises multinationales ne la reversent pas. Ce sont les mêmes, d'ailleurs, qui ne paient pas leurs impôts sur le territoire européen alors qu'elles réalisent des chiffres d'affaires colossaux.
La Commission de la copie privée est actuellement présidée par une personnalité incontestable : M. Hadas-Lebel, qui préside également le Conseil d'orientation des retraites. Jamais une décision n'a été prise avec la simple majorité des ayants droit ou même au vote du président. Des représentants de consommateurs ont toujours soutenu les positions qui ont été adoptées. La méthodologie a également été critiquée : celle-ci repose sur des études faites par des organismes indépendants. Il s'agit actuellement de GfK. Et les études sont normalement financées par le ministère de la culture. Ce ne fut pas le cas la dernière fois car le délai prévu pour les appels d'offres de marchés publics ne nous aurait pas permis d'avoir les réponses dans les temps. Il y a donc eu un consensus sur les questionnaires. Les ayants droit ont ensuite payé l'étude, les consommateurs ayant simplement versé un euro symbolique, faute de moyens.
S'agissant de l'impact de la mesure sur les consommateurs, dans certains pays où il n'y a pas de rémunération pour copie privée, la tablette vendue par une marque symbolisée par un fruit coûte pourtant plus cher qu'en France. En outre, lorsque nous fixons, par exemple, une rémunération pour copie privée à un euro sur un support, un certain nombre de revendeurs font une marge. Ils y ajoutent en effet leur pourcentage, faisant payer plus au consommateur sans que les ayants droit aient de rémunération supplémentaire.
En ce qui concerne les comparaisons européennes, on compare des systèmes qui n'ont rien à voir : les niveaux de vie, les usages de copie privée sont différents. Ainsi, en Allemagne, les supports d'enregistrement ne sont pas les seuls à être soumis à la rémunération pour copie privée : les appareils d'enregistrement le sont également.
Enfin, contrairement à ce qui a été dit, aucun barème n'a été jugé excessif par le Conseil d'État. Ce dernier n'a jamais annulé une seule décision de la Commission de la copie privée parce que les barèmes étaient excessifs. Les deux annulations auxquelles il a procédé, et qui ont entraîné des cascades d'annulation pour toutes les décisions qui avaient été prises sur le même motif juridique, étaient dues pour l'une au fait que nous avions tenu compte des copies illicites et, pour l'autre à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne prévoyant que les usages professionnels ne devaient pas être soumis à la rémunération pour copie privée. En France, nous tenions déjà compte des usages professionnels, mais de manière globale. C'est-à-dire qu'on appliquait un abattement pour usage professionnel pour l'ensemble des copies, ce qui réduisait le niveau de la rémunération. Contrairement à ce qu'a dit M. Heger, si l'on en revient au système de copie privée en annulant l'effet de la décision, le barème pour le particulier devrait être augmenté.
Pour terminer, il est faux de dire que nous n'avons pas appliqué la loi sur les exonérations. Nous avons signé 2 000 conventions d'exonération et nous avons reçu des demandes de remboursement pour un montant de 60 000 euros. Mais l'État ne nous a toujours pas indiqué le taux de TVA applicable à ces remboursements.